Eglises d'Asie – Vietnam
Les « Nouvelles routes de la soie » chinoises et le piège de la dette
Publié le 22/03/2019
Les visées de la Chine sur les principaux projets vietnamiens d’infrastructure, dont dépend le développement du Vietnam, soulèvent l’inquiétude de nombreux experts. Ceux-ci craignent que le pays ne tombe dans le piège de la dette et qu’il doive payer le prix des failles du modèle de développement chinois. Pour le Vietnam, le projet prioritaire d’une autoroute à six voies est un bon exemple. Celle-ci doit relier la ville de Nam Dinh, dans le nord du pays à environ 90 kilomètres au sud-est de Hanoï, à la ville de Vinh Long, dans le sud. L’autoroute doit s’étendre sur 2 000 kilomètres et parcourir 13 provinces. Selon les plans de l’Assemblée nationale, elle devrait être terminée d’ici 2021 pour un coût de 118 mille milliards de dongs (soit 5,3 milliards de dollars US). Sur cette somme, 55 mille milliards de dongs (2,5 milliards de dollars) viendront des Chinois, tandis que le gouvernement vietnamien avancera 63 mille milliards de dongs (2,8 milliards de dollars). La nouvelle autoroute couvrira près de 3 700 hectares de terrain, dont 1 000 qui étaient auparavant consacrés à la riziculture. Puisque ce lien entre le nord et le sud est essentiel pour le Vietnam, Pham V., membre de la Commission judiciaire de l’Assemblée nationale, a récemment recommandé aux autorités d’être particulièrement prudents vis-à-vis des entrepreneurs chinois.
Il n’est pas le seul à dire cela. De plus en plus de pays asiatiques s’inquiètent du piège de la dette tendu par les investissements chinois. Beaucoup de dirigeants asiatiques sont de plus en plus convaincus que le modèle commercial chinois, alors que Pékin poursuit la mise en place de ses Nouvelles routes de la soie (Belt and road initative – BRI), menace leurs intérêts nationaux. Le ministre vietnamien du Budget et de l’Investissement a noté récemment que les prêts chinois ont un taux d’intérêt annuel de 3 %, alors que les taux des prêts sud-coréens sont inférieurs à 2 %. Les taux d’intérêt indiens sont quant à eux fixés à 1,7 %. Selon Pham, le Vietnam « n’est pas encore dans cette situation [d’endettement]. Mais le pays risque beaucoup avec les projets d’investissements chinois ». Les prêts concessionnels chinois sont délivrés via la banque chinoise d’import-export, China Eximbank. Un rapport du ministère vietnamien du Budget affirme que les projets financés par les prêts chinois, qui impliquent du matériel et des ouvriers chinois, progressent lentement sans véritable garantie de qualité, avec des coûts élevés et un faible rendement.
Pour cette raison, des entreprises vietnamiennes interviennent souvent pour terminer le travail commencé par les sociétés chinoises. En acceptant les prêts chinois, le Vietnam est forcé d’accepter des entreprises étrangères, c’est une condition non négociable. Le Dr Lê, un économiste vietnamien reconnu, a appelé le gouvernement à réviser la législation sur les investissements et sur les appels d’offres. « Parce que la loi vietnamienne donne la priorité aux offres les plus basses, les entrepreneurs chinois l’emportent souvent. Après cela, ils prolongent les délais de construction. Et bien sûr, les coûts de ces projets augmentent ainsi considérablement par rapport au coût d’origine », explique-t-il. C’est l’exemple de la voie ferrée de Ca Linh Ha Dong, issue d’un accord signé en 2008. Elle a impliqué 419 millions de dollars d’investissements chinois et 133 millions de dollars d’investissements vietnamiens. À cause des délais et de la lenteur des travaux, le coût total du projet s’est élevé à 891 millions de dollars. La voie ferrée était censée être en service en 2014. Aujourd’hui, en mars 2019, aucun train n’a encore circulé.
(Avec Asianews, Hanoï)
Crédit : Đào Mạnh Sơn / CC BY-SA 4.0