Eglises d'Asie

Les pêcheurs vietnamiens fortement affectés par la hausse des prix des carburants

Publié le 02/04/2022




À Quang Tri, dans le centre du Vietnam, Nguyen Van Trung, directeur du département des Pêches (Department of Fisheries Exploitation), estime qu’au moins 10 000 bateaux de pêche sont à quai à cause de la montée des prix des carburants. Il attribue la situation à la guerre en Ukraine, à la crise sanitaire et à une forte baisse des prix des produits de la pêche (due à la fermeture des usines de sauce de poisson à cause de la pandémie). À Cua Viet, le père Jacques Tran Dinh Hoa appelle à protéger les revenus des pêcheurs.

Le 26 mars, à cause de la montée des prix des carburants, Jean Nguyen Cong Ngan a dû désarmer son bateau de pêche dans la province de Quang Tri.

Face à la montée des prix du carburant depuis le début de la guerre en Ukraine, Jean Nguyen Cong Ngan va devoir désarmer son chalutier de six mètres de long et le laisser à quai. Habituellement, le port de pêche situé près de chez lui, dans le district de Gio Linh (une région côtière du centre du Vietnam, dans la province de Quang Tri), est en pleine activité en cette saison, mais ces derniers jours, le port reste vide à part quelques hommes qui continuent de pêcher.

Jean Ngan, âgé de 43 ans, compte laisser son moteur diesel et son équipement de pêche chez lui, avant de renverser son bateau et le placer sur le sable avec beaucoup d’autres chalutiers échoués. « Nous sommes profondément frustrés de ne pouvoir gagner assez d’argent pour bien nourrir nos familles, alors que nous sommes en plein milieu de la saison de pêche », déplore ce pêcheur à la peau tannée par le soleil, un signe qu’il fait cela depuis longtemps.

Mais depuis janvier, il n’a fait qu’une sortie et perdu près d’un million de dongs (40 euros) rien qu’en carburant. Il explique que le prix du diesel a atteint 25 268 dongs (1 euro) le litre dans le pays au 11 mars, contre 17 579 dongs (70 centimes) en décembre dernier. Les prix de l’essence 95 et du kérosène ont également atteint respectivement 6 529 (26 centimes) et 7 400 (29 centimes) au Vietnam. Les prix ont dépassé le précédent pic de 2014. « Cette augmentation impose un lourd fardeau aux familles dans une situation précaire comme nous, et cela nous prive de notre nourriture quotidienne », souligne-t-il en ajoutant que les prix des produits de base ont également augmenté.

« J’ignore comment je vais rembourser mes dettes »

L’an dernier, lors d’une sortie avec deux autres pêcheurs, il a attrapé 110 kg de harengs et d’anchois dans les eaux de Cua Viet, et il a vendu les poissons entre 11 500 et 19 000 dongs (entre 46 et 75 centimes) le kilo. Il a touché près de 15 euros après avoir payé les deux ouvriers et déduit les coûts du carburant. Il explique qu’aujourd’hui, les commerçants achètent les harengs et les anchois entre 5 000 et 7 000 dongs le kilo (entre 20 et 30 centimes), les usines locales de sauce de poisson ayant fermé à cause de la pandémie. Ses prises servent principalement à fournir la production de sauce de poisson. Jean Ngan, dont la femme travaille comme couturière à domicile, songe à chercher un emploi manuel pour soutenir leurs deux enfants.

Sa commune de Gio Viet compte environ 250 pêcheurs, qui ont tous arrêté de pêcher et qui cherchent d’autres façons de gagner leur vie. Parmi eux, Nguyen Van The, 54 ans, qui possède un bateau de pêche dans le district de Gio Linh, explique qu’il a fait de bonnes prises cette saison mais qu’il a aussi subi des pertes. Il doit 1 million de dongs (40 euros) à un vendeur de carburant, et il a dû emprunter de l’argent pour nourrir sa famille. Il a commencé à travailler sur un chantier de construction où il gagne environ 300 000 dongs (12 euros) par jour. « Je ne sais pas comment je vais pouvoir rembourser mes dettes si la pandémie continue et que les prix des carburants ne baissent pas. »

Appel à protéger les revenus des pêcheurs

Dans les communautés locales de pêcheurs, beaucoup d’enfants ont quitté l’école pour travailler et soutenir leurs familles. Le Thi Tuyet, en neuvième (3ème), confie qu’elle a commencé à travailler pour un vendeur d’oignons au marché de Gio Viet la semaine dernière, quand son père a perdu son travail. « Je gagne 50 000 dongs [2 euros] par jour pour pouvoir acheter de la nourriture pour ma famille », explique-t-elle, en ajoutant que quatre autres enfants sont également employés dans la boutique.

Selon Nguyen Van Trung, directeur du département des Pêches (Department of Fisheries Exploitation), au moins 10 000 chalutiers et bateaux de pêche sont échoués à cause de la montée des prix des carburants, due à la guerre en Ukraine, à la crise sanitaire prolongée et à une forte baisse des prix des produits de la pêche (également due à la pandémie). Dam Thi Danh, qui fait partie des 150 producteurs de sauce de poisson traditionnelle de Cua Viet, achète habituellement, à elle seule, jusqu’à 27 tonnes de poisson par an. Elle a dû cesser la production à cause de la pandémie, d’une météo anormalement humide pour la saison et de mauvaises prises.

Le père Jacques Tran Dinh Hoa, curé de la paroisse de Cua Viet, explique que son église compte près de 2 000 fidèles dont la moitié vivent des revenus de la pêche. La paroisse soutient au moins 200 foyers en leur offrant des aides alimentaires et des vêtements. Le prêtre vietnamien, âgé de 47 ans, estime que le gouvernement devrait contrôler les prix des carburants afin de protéger les revenus des pêcheurs de la région, qui ont été fortement affectés par la situation depuis février.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews