Eglises d'Asie

Les Philippines annoncent la libération d’anciens drogués dans le cadre d’un programme de réhabilitation

Publié le 15/12/2022




Le 12 décembre à Manille, les autorités philippines de lutte antidrogue ont annoncé la libération, d’ici fin 2022, d’un groupe de près de 5 000 anciens toxicomanes dans le cadre d’un programme de réhabilitation lancé par le gouvernement. Les responsables du programme expliquent travailler avec différents secteurs de la société dont l’Église locale. Nathan Cruz, un sociologue, estime que « l’efficacité d’un tel programme se vérifie non pas dans le nombre de personnes libérées, mais dans ce que font les gens une fois sortis ».

Le père Flavie Villanueva lors d’une manifestation contre la politique du gouvernement Duterte contre la drogue, à Manille (archive).

Le 12 décembre, les autorités Philippines ont confirmé qu’elles étaient prêtes à libérer presque 5 000 anciens toxicomanes d’ici fin 2022 après que les personnes concernées auront terminé leur programme de désintoxication. À Manille, le Programme de réinsertion du Bureau régional de la police nationale (NCRPO), lancé sous l’ancien président Rodrigo Duterte, a déclaré que les quelque 4 840 anciens drogués font partie d’un groupe de presque 76 800 personnes suspectées de toxicomanie.

Celles-ci se seraient rendues aux autorités philippines par crainte d’être tuées dans le cadre de la guerre contre la drogue menée par l’ancien dirigeant. « La libération de ce groupe est un cadeau fait par le président Ferdinand Marcos aux familles et aux proches des drogués, pour qu’ils puissent être ensemble au moins pour le Nouvel An », a déclaré Gerald Zamora, de la brigade des stupéfiants.

Dans le cadre du programme de réhabilitation du gouvernement, les toxicomanes ont travaillé dans différents secteurs de la société et notamment dans l’Église locale. « L’Église catholique a un rôle très important à jouer parce que cela apporte aux drogués un accompagnement et une formation spirituelle, en vue de leur guérison. Oui, l’addiction est un problème médical, mais la dimension spirituelle doit aussi être prise en compte », a souligné l’officier.

Ils ont également reçu des formations professionnelles qu’ils puissent utiliser une fois réhabilitées. « Certains d’entre eux ont ainsi appris le massage et ils sont vraiment très bons. Donc ils vont pouvoir sortir avec des compétences qu’ils pourront utiliser s’ils veulent vraiment repartir du bon pied. Nous avons même une coopérative qui leur permet d’emprunter de l’argent, avec des taux d’intérêt très bas », explique un travailleur social qui travaille pour le gouvernement, Frances Pingoy.

Les responsables du programme national de réhabilitation antidrogue affirment que le nombre d’anciens toxicomanes témoigne d’un système qui « fonctionne » contre la menace de la drogue dans le pays, contrairement à la politique meurtrière de Duterte. « Les gens ont tendance à se concentrer seulement sur ce que disait l’ancien président sur la menace de la drogue aux Philippines. Mais ses opposants oublient qu’il a aussi lancé ce programme de réhabilitation », estime un avocat allié de Duterte, Bong Go, interrogé le 13 décembre.

« L’efficacité d’un tel programme se vérifie surtout dans ce que font les gens une fois sortis »

Cependant, le père Flavie Villanueva, ancien drogué et critique virulent de Rodrigo Duterte, fait part de ses doutes concernant les chiffres du gouvernement. « Ils disent que plusieurs milliers d’entre eux ont déjà été libérés mais le nombre de ceux qui sont toujours détenus est toujours le même qu’avant. Ils devraient expliquer aux gens pourquoi ils sont toujours aussi nombreux à être détenus malgré le changement de président. Est-ce que cela veut dire que beaucoup d’entre eux se sont rendus volontairement depuis le début du mandat du président Marcos ? », demande le prêtre.

Nathan Cruz, sociologue, voudrait également plus de précisions sur le profil des personnes libérées dans le cadre du programme de réhabilitation : « L’efficacité d’un tel programme se vérifie non pas dans le nombre de personnes libérées ou l’ayant terminé, mais dans ce que font les gens une fois sortis. Le gouvernement devrait aussi publier un rapport sur cela. »

De son côté, le père Villanueva insiste sur les milliers d’anciens drogués qui ont été victimes de groupes de justiciers quand ils ont repris le trafic ou la consommation de stupéfiants. « Rien que dans notre communauté, il y a plus de trente personnes qui ont été tuées par des hommes masqués, et ils ont tous participé au programme de désintoxication. Cela voudrait dire que si ceux qui ont terminé la réhabilitation du gouvernement ne parviennent pas à se libérer de la drogue, ils seraient tout de même tués », ajoute le prêtre.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Father Villanueva / Ucanews