Eglises d'Asie – Philippines
Les Philippins les plus démunis particulièrement affectés par les changements climatiques
Publié le 20/06/2019
La mer est en train d’inonder une communauté de quarante foyers dans le nord des Philippines, où la survie de la population locale dépend de l’océan. Les gens ont déjà commencé à perdre leurs maisons, leur école et leur chapelle. L’eau gagne sur la terre des habitants les plus pauvres de la région. Rolando Yunson, un habitant de 70 ans du village de Bisagu, près de la ville d’Aparri dans la province de Cagayan, explique que la mer « ne laisse derrière elle que des poteaux électriques ». « Les gens ont dû fuir et chercher d’autres lieux où s’installer. » Le village de Bisagu est situé le long d’un estuaire où le fleuve Cagayan se jette dans la Mer des Philippines. Même avant la montée récente du niveau des eaux, Rolando Yunson explique que le village avait déjà connu de violentes tempêtes et d’énormes vagues. « Peu à peu, le village est devenu inhabitable », confie le vieux pêcheur. « Les typhons sont devenus de plus en plus destructeurs. » À l’échelle mondiale, le niveau des eaux a monté régulièrement au cours du siècle dernier, à un rythme de plus en plus rapide depuis quelques années. En 2014, le niveau des océans était de 6,6 centimètres de plus qu’en 1993 – d’après la moyenne annuelle la plus élevée indiquée par les mesures radar et satellite, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique. Les deux causes majeures de la montée des océans sont la dilatation thermique provoquée par le réchauffement des océans, et l’accélération de la fonte des glaces continentales comme les glaciers et la calotte glaciaire. Suite à cette montée des eaux, les vagues de tempête avancent plus profondément à l’intérieur des terres qu’auparavant, entraînant des inondations plus fréquentes. Le père Manuel Vicente Catral, de l’archidiocèse de Tuguegarao, affirme que ce qui est arrivé au village de Bisagu touche aussi les autres villages côtiers de la province. « Ce qui est alarmant, c’est que ces changements surviennent brutalement. Nous n’avons pas suffisamment de temps pour y faire face. »
164 672 fermiers touchés par la sécheresse
À Capacuan, un village près de la ville de Rizal, dans le nord, Daniel Ranojo, fermier, se demande comment traverser la saison sèche. Il confie que sa communauté était encore en train de se remettre des suites d’un typhon l’année dernière, quand la sécheresse a achevé de détruire leurs récoltes. En septembre 2018, le typhon Mangkhut, une tempête de catégorie 5, a frappé le nord des Philippines, détruisant les cultures et endommageant les infrastructures – des dégâts estimés à 3,77 milliards de dollars US. La province de Cagayan, où se trouve la ferme de Ranojo, était l’une des régions les plus durement touchées. Il a dû faire un emprunt pour acheter des graines et des engrais, en espérant que la nouvelle récolte serait suffisante pour couvrir les pertes. En janvier 2019, la province a été touchée par un épisode El Nino, un phénomène climatique caractérisé par des températures anormalement élevées et des pluies réduites, provoquant la sécheresse. « Maintenant, nous n’avons plus rien », ajoute Daniel Ranojo. En avril, le Conseil national de réduction et de gestion des risques de catastrophe a évalué les dégâts provoqués par la sécheresse à hauteur de 95 millions de dollars. Le conseil gouvernemental a également annoncé que 164 672 fermiers avaient été touchés par le phénomène, 26 gouvernements locaux ayant déclaré un état d’urgence. Sylwyn Sheen Alba, coordinatrice du groupe catholique ACT Philippines Forum, estime que ce sont les communautés les plus démunies qui sont les plus touchées par les changements climatiques. « Et les dégâts sont extrêmes », souligne-t-elle. « Ces gens sont déjà victimes d’inégalités sociales, et ils sont incapables de se relever après plusieurs catastrophes successives, faute de ressources. » Selon l’Indice mondial des risques climatiques de 2018, les Philippines sont au 3e rang sur 171 pays en termes de vulnérabilité aux catastrophes naturelles et aux changements climatiques.
Conversion écologique
Jing Rey Henderson, de Caritas Philippines, explique que « la protection de l’environnement est également une façon de protéger les pauvres des conséquences dramatiques des changements climatiques ». Il ajoute que les évêques philippins appellent sans relâche à la conversion écologique, « à vivre en harmonie avec la nature plutôt que de chercher à la dominer », dans la lignée de l’encyclique Laudato Si du pape François. Jing Rey Henderson confie que les changements climatiques et leurs conséquences « sont bien là et inéluctables, mais nous pouvons agir pour tenter de réduire leurs effets sur les communautés locales ». « Une famille aisée peut se soulager de la chaleur écrasante en allumant l’air conditionné, mais une famille pauvre vivant dans un village reculé n’aura que les arbres pour se protéger du soleil », poursuit-elle. Le père Catral assure que les plus pauvres, en particulier les populations agricoles, seront les premiers affectés par les changements climatiques. Toutefois, le prêtre ajoute que des cultures détruites, ce sont des marchés vides. « Nous devons comprendre que tout est lié », insiste-t-il. « Si un village est perdu à cause de la montée des eaux, c’est un village de pêche perdu pour le pays. »
(Avec Ucanews, Manille)
CRÉDITS
Mark Saludes / Ucanews