Eglises d'Asie

Les producteurs du Cachemire subissent de lourdes pertes

Publié le 22/11/2018




Les producteurs de pommes de la vallée du Cachemire, où les exportations de l’industrie horticole sont estimées à près de 857 millions de dollars, ont perdu toute leur récolte dans de fortes chutes de neige, exceptionnelles pour la saison. Les pertes sont estimées à 71 millions de dollars. L’État de Jammu et Cachemire, aux contreforts de l’Himalaya, tire la majeure partie de son économie de la production fruitière, qui s’étend sur environ 144 825 hectares. Caritas tente d’accompagner les producteurs pour développer des techniques contre ces perturbations climatiques.

Quand la neige tombe sur les montagnes du Cachemire, les habitants ont l’habitude de l’accueillir comme la providence de Dieu, mais cette année, elle est arrivée un peu trop tôt, au milieu de la saison des récoltes, et les fermiers producteurs de fruits y ont plutôt vu la colère divine. Les chutes de neige exceptionnelles qui sont tombées début novembre dans l’État de Jammu et Cachemire ont détruit les vergers et les terres agricoles dans la région, sur les contreforts de l’Himalaya. Les syndicats agricoles estiment les pertes à plus de 5 milliards de roupies (71 millions de dollars US). « Rien, il n’y a absolument plus rien. Toutes les pommes sont tombées, même le bétail ne mangera pas les restes », déplore Mohammad Yaqoob Malik, de Shopian, tentant de dénicher des pommes avec ses mains sous d’épaisses couches de neige. Mohammad, un fermier de 52 ans, semble déprimé alors qu’il explique qu’il comptait sur la récolte pour rembourser ses dettes et économiser pour sa famille. « Maintenant, qu’est-ce qu’il va se passer pour ma famille ? Comment vais-je pouvoir gagner suffisamment pour leur donner ne serait-ce qu’un peu de viande ? » L’agriculteur a fait un emprunt pour pouvoir acheter des engrais et des pesticides de bonne qualité, en comptant sur des récoltes exceptionnelles. « Mais la nature se comporte étrangement », ajoute-t-il. Les fortes neiges ont non seulement détruit les récoltes annuelles, mais elles ont également brisé des branches, ce qui risque d’affecter la production pour des années. « Durant au moins une quinzaine d’années, les arbres ne donneront aucune récolte fructueuse, et c’est horrible d’imaginer comment je vais bien pouvoir rembourser mon prêt à la banque. Ils vont bientôt venir pour saisir ma propriété », craint-il.

71 millions de dollars de pertes

Sheikh Aashiq Ahmad, président de la Chambre de commerce et de l’industrie du Cachemire, confie que les premières estimations des dégâts s’élèvent à près de 71 millions de dollars. « Cela dit, ce n’est pas le chiffre final. Les pertes devraient s’avérer bien pires. Toute l’étendue des dégâts ne sera connue qu’après les évaluations officielles du gouvernement. » L’horticulture est considérée comme la base de l’économie du Cachemire, où on estime qu’environ 144 825 hectares de terres sont dédiés à la production des pommes. L’agriculture y produit chaque année 1,7 million de tonnes de pommes, dont les exportations sont estimées à près de 857 millions de dollars. La plupart des pommes indiennes viennent du Cachemire, et les demandes augmentent entre septembre et janvier, alors que les Indiens célèbrent plusieurs fêtes en cette saison, partageant des fruits et sucreries avec leurs proches. Toutefois, les neiges de cette année ont bloqué les routes du Cachemire jusqu’aux principaux points de vente. « On peut voir les cageots qui sont en train de pourrir dans les entrepôts », regrette Shabir Hussain Dar, un agriculteur, qui a dû reporter une livraison d’une valeur de 7 000 dollars à cause de la situation.

Bashir Ahmad Basheer, président du syndicat des producteurs fruitiers de la vallée du Cachemire (Kashmir Valley Fruit Growers cum Dealers Union), souhaite que les autorités de l’État couvrent l’assurance des producteurs. « Nous demandons une compensation adéquate au gouvernement en plus d’une assurance complète », soutient-il. Les changements climatiques soudains au Cachemire font partie des conséquences du réchauffement climatique mondial, selon le professeur Shakeel Ahmad Ramsoo, du département des sciences de la terre de l’université du Cachemire. « Ces neiges exceptionnelles sont les conséquences d’un changement climatique qui a déjà frappé durement les agriculteurs de la région », confirme-t-il. Abid Ahmad, un sociologue du Cachemire, explique que c’est l’industrie fruitière qui a été la plus touchée dans la région. En plus des changements climatiques, la poursuite du conflit au Cachemire entraîne des grèves et des couvre-feux qui affectent également les récoltes et les transports de denrées périssables. La région est en proie aux violences depuis trente ans, entre les militants islamiques indépendantistes et le gouvernement. Depuis le début des conflits, près de 100 000 personnes, dont des militants, des civils et des membres des forces de l’ordre, ont perdu la vie. L’agence Caritas India est très active auprès des fermiers. Altaf Hussain Lone, coordonnateur des programmes pour Caritas dans la région, confie que l’agence organise des rencontres pour aider les producteurs horticoles à chercher des façons de sauver les vergers dans des situations difficiles. « Des méthodes scientifiques sont disponibles pour sauver les vergers face à de telles chutes de neige. Nous aidons les fermiers et les scientifiques à échanger afin d’aider les producteurs à apprendre des techniques afin d’éviter les pertes », explique Altaf Lone. Caritas organise également des séminaires sur la prévention des catastrophes et sur des techniques comme le fait d’attacher les branches pour les rendre plus résistantes.

(Avec Ucanews, Srinagar)


CRÉDITS

Umar Manzoor Shah / Ucanews