Eglises d'Asie

Les responsables chrétiens du Mizoram inquiets face à un déclin démographique dans le Nord-Est

Publié le 17/12/2021




Le 12 octobre, Robert Romawia Royte, ministre de la Jeunesse et des Sports du Mizoram, a distribué 250 000 roupies (2 895 euros) à 17 parents de familles nombreuses. Une décision qui appuie les demandes des responsables chrétiens de l’État indien, inquiet d’un déclin démographique dans la région, majoritairement chrétienne. Le ministre a également suggéré au gouvernement fédéral indien de revoir sa norme de deux enfants par famille, en invitant à n’instaurer une politique de contrôle stricte que dans les États les plus densément peuplés, comme l’Uttar Pradesh.

En 2019, lors du festival Kut au Mizoram, un État majoritairement chrétien dans l’extrême nord-est de l’Inde.

Le synode de l’Église presbytérienne indienne, dans l’État du Mizoram, majoritairement chrétien, a demandé une augmentation des congés maternité pour les mères du groupe ethnique Mizo employées par le gouvernement de l’État. Les autorités du Mizoram, dans l’extrême nord-est du pays, leur autorisent actuellement jusqu’à 180 jours de congé maternité, comme dans le reste de l’Inde. « Mais nous avons demandé cela pour les aider à avoir davantage d’enfants, parce que contrairement au reste du pays, nous subissons une baisse démographique », explique le révérend Ru Lanrinsanga, qui commente la décision du synode.

Les chefs du groupe ethnique Mizo et les responsables chrétiens de la région estiment que la politique nationale de contrôle démographique a perdu de son intérêt au Mizoram, ainsi que dans les États du Nagaland et du Meghalaya, qui comptent une forte concentration chrétienne, majoritairement indigène. La diminution de ces populations pourrait les amener à se retrouver submergées, en particulier face aux groupes non-indigènes. En 2017, l’Église baptiste Lunglei, au Mizoram, a annoncé des aides financières pour les femmes ayant plus de deux enfants, tandis que récemment, un ministre du gouvernement de l’État a promis des primes aux parents des familles les plus nombreuses de sa circonscription.

Plus de 200 groupes ethniques et linguistiques dans le nord-est de l’Inde

Le 12 octobre, Robert Romawia Royte, ministre de la Jeunesse et des Sports du Mizoram, a ainsi distribué 250 000 roupies (2 895 euros) à 17 parents. Selon lui, ces prix sont destinés à encourager les parents à avoir davantage d’enfants, et appuient les demandes des Églises et des ONG locales. Il a également suggéré au gouvernement fédéral de revoir sa norme uniforme de deux enfants pour l’ensemble du pays, en n’instaurant une politique de contrôle stricte que dans les États les plus densément peuplés.

Cette tendance à la baisse démographique reste un problème difficile dans la région montagneuse du nord-est, qui compte plus de 200 groupes ethniques et linguistiques différents à travers les sept États du Nagaland, du Mizoram, du Meghalaya, du Manipur, de l’Assam, du Tripura et de l’Arunachal Pradesh. Alors que le Meghalaya compte majoritairement des groupes Khasis, Garos et Jaintias, aux pratiques matriarcales, le Nagaland et le Mizoram sont davantage connus comme des sociétés dominées par les hommes et réticentes envers les étrangers.

Ruata Vanlal, responsable de l’Association pour la jeunesse Mizo (YMA), souligne que « cette tendance à la baisse est un problème sérieux ». « Ce serait malheureux que cela vienne des habitants s’opposant à l’arrivée de migrants. Nous ne sommes généralement pas opposés aux gens des plaines qui viennent s’installer ici pour des raisons professionnelles ou pour affaires », ajoute-t-il.

Des déplacements de réfugiés au Mizoram en raison de la crise birmane

Cette question démographique au Mizoram doit être comprise dans un contexte sociopolitique, plutôt que liée à des particularités confessionnelles ou religieuses. Dans le nord-est de l’Inde, les minorités craignent constamment d’être submergées par des nouveaux venus d’autres régions du pays, et même par d’autres groupes indigènes. Ainsi, au Nagaland, dans les années 1990, la région a connu des tensions entre les groupes ethniques Nagas et Kukis. Une rivalité qui se poursuit et qui affecte également plusieurs zones au Manipur.

Au Mizoram, le groupe Lushais est plutôt opposé au Brus (Reangs), surtout concernant le droit électoral. Cette question a presque amené les Mizos à provoquer un boycott lors des élections régionales de 2018, avant une intervention de dernière minute de la part de la Commission électorale indienne.

Les questions ethniques sont donc complexes dans la région. Durant des mois, le Mizoram a dû loger et aider des réfugiés venus de l’État Chin en Birmanie, fuyant les persécutions depuis le coup d’État survenu le 1er février dernier dans le pays voisin, en Asie du Sud-Est. Selon les experts sur la géopolitique de la région, cette solidarité s’explique par des liens ethniques forts.

La population indienne pourrait dépasser la Chine d’ici 2027

L’Inde, actuellement le deuxième pays la plus peuplé au monde après la chine, considère le contrôle de sa croissance démographique comme une priorité. Selon des chiffres publiés par les Nations unies, l’Inde comptait environ 1,37 milliard d’habitants en 2019, contre 1,43 milliard en Chine. Dès 2027, il est possible que l’Inde dépasse la Chine. Toutefois, Ratnadeep Gupta, un analyste basé à Guwahati (dans l’État d’Assam) remarque que « selon une Enquête nationale sur la santé familiale, le taux de fécondité a chuté sous le seuil de renouvellement [de remplacement] de 2,1 ». « Ce taux est aujourd’hui de 2,0 [enfant par femme] », explique-t-il.

Pourtant, il y a malgré tout des risques d’explosion démographique dans des États comme l’Uttar Pradesh, qui est également la plus grande province du pays. En juillet, le gouvernement de l’État, dirigé par Yogi Adityanath, du parti pro-hindou BJP (Bharatiya Janata Party), a proposé une loi sur le contrôle de la population de l’Uttar Pradesh. L’objectif étant de n’accorder des avantages sociaux, prévus par des programmes du gouvernement, qu’aux familles de moins de deux enfants.

Le but officiel de la loi proposée est de « réduire le taux de fécondité à 2,1 d’ici 2026, puis à 1,9 d’ici 2030 ». « Le taux est actuellement de 2,7 en Uttar Pradesh », a déclaré le ministre en chef de l’État. Dans un communiqué publié le 11 juillet dernier, Yogi Adityanath a ajouté que « la croissance démographique est une cause majeure de nos problèmes, dont les inégalités ». « Le contrôle de la population est une condition essentielle pour pouvoir accéder à une société plus avancée », a-t-il poursuivi.

Selon le recensement national sur la croissance démographique au Mizoram, malgré une population de plus d’un million d’habitants, la population locale a été en déclin depuis la période 1971-81.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ians / Ucanews