Eglises d'Asie

Les travailleurs migrants en Asie perçus comme une cause de criminalité et de pauvreté selon une étude de l’OIT

Publié le 20/12/2019




Une nouvelle étude publiée par l’OIT (Organisation internationale du travail) et par ONU Femmes (Département des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes) montre qu’au cours des dix dernières années, le nombre de travailleurs migrants a augmenté de pair avec les discriminations et les préjugés au Japon, à Singapour, en Malaisie et en Thaïlande. L’étude indique que malgré leur contribution importante à l’économie de leur pays d’origine et à celle de leur pays d’accueil, les migrants restent confrontés aux attitudes négatives. Cependant, l’étude note également des réactions positives du public envers les initiatives et les politiques contre les violences domestiques et pour l’amélioration des conditions de travail.

En 2017, un groupe de jeunes femmes migrantes se rendent vers leur usine de Petaling Jaya, en Malaisie, où elles sont employées tous les jours de 7h à 19h.

Une étude conjointe de l’OIT (Organisation internationale du travail) et du Département des Nations unies pour l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes (ONU Femmes), publiée récemment, a enquêté auprès de 4 099 personnes de quatre pays asiatiques, au Japon, à Singapour, en Malaisie et en Thaïlande. Cette dernière étude fait suite à une précédente, publiée par l’OIT en 2010. Elle a cherché à analyser les changements de perception et d’attitude des populations locales vis-à-vis des travailleurs migrants, et propose des recommandations afin de soutenir des comportements plus positifs. L’étude, qui a été publiée le 18 décembre à l’occasion de la Journée internationale des migrants, souligne le besoin de plus d’interactions et d’engagements des pays hôtes vis-à-vis des travailleurs migrants afin d’éviter l’exclusion, l’isolation et la discrimination. Selon les dernières estimations, le nombre de travailleurs migrants enregistrés en Asie du Sud-Est et dans le Pacifique s’élève à 11,6 millions de personnes – dont 5,2 millions de femmes. Les travailleurs migrants ont apporté des contributions essentielles aux économies et aux sociétés de leurs pays d’accueil comme de leurs pays d’origine. Pourtant, malgré une pénurie de main-d’œuvre dans les pays concernés et le soutien qu’apporte la migration des travailleurs aux économies locales, les habitants des pays hôtes ne sont pas toujours convaincus de la nécessité de les accueillir. Parmi les répondants à l’enquête, à qui il a été demandé si les travailleurs migrants sont « un fardeau pour l’économie », près d’un tiers ont répondu « oui » à Singapour et au Japon, ainsi que 40 % des répondants thaïlandais et près de la moitié des répondants malaisiens. De plus, pour la moitié des interrogés de Singapour et du Japon, pour les trois quarts des répondants thaïlandais et pour 83 % des interrogés malaisiens, la hausse de la criminalité est directement liée à l’augmentation du nombre de migrants.

Migrants et criminalité

Pourtant, l’étude constate qu’en Malaisie, les travailleurs migrants ont au contraire un impact positif sur la pauvreté et sur la diminution des crimes violents. Ainsi, une publication récente de la Banque mondiale associe une augmentation de 100 000 migrants en Malaisie avec une baisse du taux de criminalité de 9,9 %, en soulignant que les attitudes négatives vis-à-vis des migrants ne sont pas fondées : « Il n’y a rien qui prouve que les étrangers commettent des crimes. Pour la plupart d’entre eux, ils viennent ici pour travailler, et non pour se faire arrêter. Comme ils sont peu qualifiés, les populations locales ont des préjugés vis-à-vis d’eux, d’où ces accusations infondées. » De nombreux répondants à l’étude estiment également que les travailleurs migrants menacent la culture et l’héritage national, et beaucoup affirment ne pas leur faire confiance. Malgré tout, l’étude constate également des soutiens du public envers les initiatives destinées à améliorer les conditions des femmes migrantes, notamment dans le secteur des emplois domestiques et concernant les violences faites aux femmes. Les répondants soutiennent en particulier les initiatives destinées à loger celles qui ont subi des violences et à améliorer leurs conditions de travail. Des résultats qui montrent qu’une attention particulière envers un groupe donné de travailleurs migrants, en se concentrant sur les problèmes spécifiques qui les affectent, peut contribuer à recueillir davantage de soutien de la part du public – en particulier quand cette attention met en valeur les expériences locales et les témoignages.

Le rôle de médias et des réseaux sociaux

Selon les résultats de l’étude, qui confirment ceux de l’enquête de l’OIT en 2010, les médias et les réseaux sociaux jouent un rôle essentiel sur la perception des habitants à l’égard des travailleurs migrants. « Ces perceptions négatives doivent être combattues en défendant une image positive des travailleurs migrants, qui corresponde à leurs véritables contributions envers leur pays d’accueil et leur pays d’origine », confie Nilim Baruah, spécialiste régional de l’OIT sur les migrations en Asie et dans le Pacifique. L’étude confirme également que les soutiens du public envers les migrants dépendent en grande partie des relations tissées entre les individus et les communautés. Ainsi, les personnes qui connaissent des migrants et qui échangent personnellement avec eux sont davantage susceptibles de défendre leurs droits et de les aider en temps de crise. Sur la base de ses résultats, l’étude souligne la nécessité de sensibiliser la population et de soutenir des politiques inclusives afin d’inverser la tendance, et rappelle le rôle essentiel du gouvernement, des syndicats et des ONG pour toucher et encourager l’opinion publique sur la situation.

(Avec Asianews et OIT, Bangkok)

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