Eglises d'Asie – Indonésie
L’évêque d’Ambon demande aux autorités de respecter la coexistence religieuse
Publié le 16/09/2022
Mgr Seno Inno Ngutra, évêque d’Ambon dans la province indonésienne des Moluques, a accusé le brigadier général Andi Chandra As’aduddin, chef du district du Seram occidental, de ne pas soutenir les efforts des groupes religieux locaux en faveur de la tolérance interreligieuse, alors que la région a connu de graves violences religieuses. L’évêque a déclaré qu’au nom des responsables religieux de la province, il compte signer une motion de défiance contre lui.
Lors d’une conférence de presse organisée dans le bureau de l’évêque le 13 septembre, Mgr Ngurta a affirmé que l’officier militaire avait « terni la tolérance interreligieuse avec ses actions et politiques inhumaines ». « Nous écrirons une lettre de rejet contre lui au ministère des Affaires intérieures », a-t-il déclaré, en précisant qu’il enverra des copies de la lettre au président et au ministre du Secrétariat d’État.
Depuis qu’il est arrivé au pouvoir dans la province, Andi Chandra As’aduddin a mis en œuvre un certain nombre de mesures vivement critiquées par les responsables religieux de la région, a ajouté l’évêque d’Ambon. Mgr Ngurta, âgé de 51 ans, a confié que depuis qu’il est devenu évêque dans la capitale des Moluques, il s’est efforcé de travailler avec les autres religions et avec le gouvernement, alors que la région a connu plusieurs conflits entre chrétiens et musulmans de 1999 à 2002.
Ces violences ont entraîné la mort de plus de 6 000 personnes et déplacé plusieurs dizaines de milliers d’habitants, forçant le gouvernement à déployer l’armée pour rétablir l’ordre. Le conflit s’est déclenché dans les îles d’Ambon et de Hamahera à cause de l’instabilité politique et économique qui a suivi la chute du gouvernement Suharto et la division en deux de la province à l’époque. Des milices chrétiennes et musulmanes se sont confrontées violemment jusqu’à la signature des accords de Malino II en 2002.
Construire la paix et la tolérance religieuse
L’évêque a particulièrement critiqué le responsable du district pour avoir remis en question la légitimité du festival Pesparani (Catholic Ecclesiastical Choir Festival), un événement soutenu par l’Église locale et qui doit avoir lieu fin septembre aux côtés de membres d’autres confessions, afin de préparer d’autres événements régionaux et nationaux. Mgr Ngutra a ajouté que ce festival fait également partie d’un programme national dépendant du ministère des Affaires religieuses.
Il a aussi affirmé que le chef du district n’a accepté de financer l’événement qu’à hauteur de 200 millions de roupies (environ 13 400 euros), et seulement après des pressions du public. Par ailleurs, le général As’aduddin a été accusé d’avoir empêché la communauté chrétienne locale d’accéder à une route principale menant à la ville de Kupang où doit être célébré le festival.
Mgr Ngutra et d’autres responsables religieux ont également réagi après une décision de retirer des véhicules donnés par le gouvernement aux responsables religieux, soi-disant pour des audits. « Nous pouvons nous passer de ces voitures, mais ce qu’a fait le chef de district précédent, c’est de nous les fournir afin d’aider les responsables religieux à continuer ce que le gouvernement désire de leur part – c’est-à-dire construire la paix et la tolérance au sein de la communauté locale. » Selon lui, les responsables religieux ont également été déçus quand ils ont tenté de rencontrer As’aduddin afin de parler de ces problèmes avec lui, en vain. « Les responsables du forum interreligieux n’ont pas pu rencontrer le général As’aduddin », a-t-il expliqué.
Appels à établir un véritable dialogue avec les responsables religieux
Après ces accusations, ce dernier a parlé à la presse le 13 septembre en niant tout abus de sa part. Il a affirmé que les politiques mises en place par son administration sont « ouvertes à toute évaluation ». Il a ajouté que les responsables religieux « doivent pouvoir être capables de gérer leurs activités sans l’aide du gouvernement local ». « Notre rôle est de faciliter ou soulager, mais pas de couvrir pleinement les besoins » liés à des programmes tels que le festival Pesparani. Il a également nié tout manque de respect vis-à-vis de la tolérance interreligieuse, en ajoutant qu’il ne peut répondre à toutes les demandes de rendez-vous, ni ses collaborateurs.
Sa nomination en mai dernier a été critiquée par certains groupes à cause de son passé militaire. Le gouvernement a défendu cette décision en expliquant qu’il fallait quelqu’un d’expérience pour diriger le district à cause des risques de conflits liés aux frontières de certains villages. Syarif Papaliya, qui fait partie de la branche des Moluques de l’Association étudiante Muhammadiyah (affiliée à Muhammadiyah, la deuxième plus grande organisation islamique modérée du pays), confie de son côté que les critiques de son organisation sont plus mesurées.
« Par exemple, concernant le contrôle des actifs publics, comme les voitures [confiées aux responsables religieux], je pense que c’est une bonne chose. Pourquoi ? Il se trouve que beaucoup de biens publics ont été mal employés à ce jour », explique-t-il. Il ajoute que le gouvernement devrait établir un dialogue digne de ce nom avec les responsables religieux, « pour qu’il n’y ait pas de malentendus et d’accusations qui puissent troubler des relations harmonieuses ».
(Avec Ucanews et Asianews)
CRÉDITS
Ucanews