Eglises d'Asie

L’Inde épinglée par le rapport d’Oxfam sur les inégalités économiques et sociales

Publié le 29/01/2021




Publié ce mois-ci, un rapport d’Oxfam International, intitulé « Le virus des inégalités » met en lumière un accroissement des grandes fortunes en 2020, année de la crise sanitaire liée au Covid-19 et des confinements imposés à travers le monde. L’ONG publie son rapport chaque année avant l’ouverture du Forum économique mondial de Davos, en Suisse. L’élite des milliardaires, qui détient aujourd’hui plus d’argent que 60 % de l’humanité, s’est enrichie au cours de cette période. Les milliardaires indiens occupent une place privilégiée, avec une augmentation de 35 % de leur richesse durant le confinement imposé en mars dernier.

En novembre 2019, des travailleurs migrants indiens rentrent dans leurs villages depuis Delui, pour les célébrations annuelles du festival hindou de Chhat Puja.

Dans un rapport intitulé « Le Virus des inégalités », l’organisation Oxfam International tire l’alarme face aux dernières tendances observées sur la répartition des richesses. Chaque année, l’organisation publie ainsi un rapport avant l’ouverture du Forum économique mondial de Davos, en Suisse. Pour cette étude, Oxfam s’est appuyé sur les données publiées par la revue Forbes et par la banque Crédit Suisse, complétées par les analyses de 295 économistes issus de 79 pays différents. Sur ces bases, Oxfam a calculé que 2 153 milliardaires détenaient plus d’argent que 60 % de la population mondiale. En décembre 2020, leur fortune totale a atteint 11 950 milliards de dollars, l’équivalent des montants consacrés par les pays du G20 pour combler les répercussions économiques de la pandémie. Les dix plus grosses fortunes se sont notamment enrichies de 540 milliards de dollars depuis le 18 mars 2020, alors que plusieurs centaines de millions de personnes ont été précipitées dans la précarité de l’emploi. Le constat d’Oxfam est sans appel : la concentration des richesses « dépasse l’entendement », dans des inégalités économiques qui « échappent à tout contrôle ».

Depuis que la pandémie a frappé, les riches sont donc devenus plus riches et les pauvres plus pauvres. « Notre système économique biaisé concentre les richesses entre les mains d’une élite fortunée qui traverse la pandémie dans le plus grand des luxes, alors que les personnes en première ligne de cette crise peinent à payer leurs factures et à se nourrir », a commenté Gabriela Bucher, directrice générale d’Oxfam International. « En neuf mois seulement, les 1 000 personnes les plus riches au monde sont déjà parvenues à compenser les pertes qu’elles avaient subies du fait de la crise causée par le Covid-19. En parallèle, il faudra plus de dix ans aux personnes les plus pauvres pour se relever des impacts économiques de la pandémie. » À l’avenir, l’accroissement des inégalités devrait continuer de s’amplifier dans la quasi-totalité des pays du monde.

84 % des foyers indiens ont vu leurs revenus baisser durant la crise sanitaire

En Inde, les écarts se creusent de façon prononcée. « Les inégalités ont diminué après l’indépendance, mais elles ont récemment retrouvé des niveaux que le pays n’avait pas connus depuis l’époque coloniale », souligne le rapport. Les milliardaires indiens ont vu leur richesse augmenter de 35 % durant le confinement, alors que le spectre de la faim s’est propagé au même moment à travers le pays ; 84 % des foyers indiens ont vu leurs revenus baisser durant cette période. D’après les calculs d’Oxfam, l’enrichissement des milliardaires indiens aurait été suffisant pour verser un chèque de près de 1 300 euros à chacun des 138 millions d’Indiens les plus pauvres. En première ligne de ceux qui ont profité de cette période de crise se trouve Mukesh Ambani, l’homme le plus riche du pays, qui dirige le conglomérat Reliance Industries hérité de son père. Il est notamment connu comme celui qui a dépensé le plus d’argent au monde pour une résidence privée, en érigeant sa tour spectaculaire au cœur de Mumbai. « Entre mars et octobre 2020, sa richesse a plus que doublé pour atteindre 78,3 milliards de dollars, et il est passé du 21e au 6e rang des plus grandes fortunes mondiales », note le rapport d’Oxfam. « Au cours de cette période, l’enrichissement moyen de M. Ambani sur à peine plus de quatre jours seulement représentait plus que les salaires annuels combinés de l’ensemble du personnel de Reliance Industries, qui compte 195 000 employés. »

Oxfam met également en lumière les différentes formes d’inégalités créées en Inde par la crise sanitaire, comme dans de nombreux pays de la planète. Par rapport au reste de la population, les Indiens les plus fragiles ont ainsi été défavorisés en termes de santé, d’éducation et selon leur sexe. Les communautés historiquement opprimées ont été les plus ciblées par ces discriminations. « Les inégalités économiques sont renforcées par le système des castes, par les inégalités sociales, par la position des femmes dans la société et par les discriminations religieuses », a souligné Amitabh Behar, responsable d’Oxfam en Inde. Par exemple, le chômage a touché plus fortement les femmes que les hommes. Dans le domaine de la santé, le respect des règles sanitaires pour freiner la propagation du virus n’est réalisable qu’auprès des plus aisés. La moitié de la population a accès à des soins de santé élémentaires et débourse de sa poche pour payer la plupart des frais de santé. « L’Inde a le quatrième budget de santé le plus faible au monde en proportion des dépenses publiques », rappelle le rapport.

« Le gouvernement doit se donner les moyens d’un vrai changement »

Sans protection sociale, 40 millions de migrants internes se sont notamment retrouvés à la rue. L’Inde a alors connu le plus large exode migratoire depuis son indépendance, avec des millions de personnes fuyant à pied les grandes villes pour rejoindre la sécurité informelle de leurs villages d’origine. Au niveau de l’éducation, il existe la crainte d’une très forte déscolarisation à la suite de la fermeture prolongée des établissements durant le confinement. Les plus concernés seraient les filles, les Dalits (autrefois appelés « intouchables »), les aborigènes et la minorité musulmane. Face à ces disparités économiques en période de crise sanitaire, un impôt temporaire sur les bénéfices excédentaires des 954 grandes fortunes indiennes serait en mesure de représenter 1 % du PIB, d’après Oxfam, qui en appelle à la responsabilité politique. « Le gouvernement doit aujourd’hui se donner les moyens d’un vrai changement, en s’assurant que les très riches et les sociétés payent leur part d’impôt et que cet argent soit investi dans le système public de santé et d’éducation. Le gouvernement doit construire un avenir meilleur pour tous, et pas seulement pour une poignée de privilégiés. »

(EDA / A. R.)


CRÉDITS

Bijay Kumar Minj / Ucanews