Eglises d'Asie

Manille : les Philippins font mémoire du cardinal Sin pour son 94e anniversaire

Publié le 06/09/2022




Le mercredi 31 août, une messe spéciale a été célébrée au sanctuaire de Marie Reine de la Paix (également appelé Notre-Dame d’EDSA, le site se trouvant sur Epifanio de los Santos Avenue) afin de faire mémoire du cardinal défunt Jaime Sin, ancien archevêque de Manille, qui aurait célébré son 94e anniversaire ce jour-là. La communauté locale a notamment rappelé les contributions du cardinal Jaime Sin en faveur de la restauration de la démocratie après des années de loi martiale sous l’ancien dictateur Ferdinand Marcos Sr.

Mgr Socrates Villages (à gauche), ancien secrétaire du cardinal Jaime Sin (à droite), durant une messe à Manille.

Le 31 août, les catholiques philippins ont commémoré ce qui aurait été le 94e anniversaire du cardinal Jaime Sin, archevêque défunt de Manille. Né le 31 août 1928 dans la province d’Aklan, au centre des Philippines, Jaime Sin était le quatorzième des seize enfants d’un commerçant chinois, Juan Sin, né à Xiamen (Amoy), dans la province du Fujian, en Chine, et d’une Philippine, Maxima Lachica. Ordonné prêtre en 1954, il est devenu évêque de Jaro en 1972, avant d’être nommé archevêque de Manille en 1974.

Deux ans plus tard, le pape Paul VI le crée cardinal. Le dictateur Ferdinand Marcos est alors au pouvoir depuis 1965 et, depuis septembre 1972, la loi martiale a été imposée à tout le pays. Dès son arrivée à Manille, le nouvel archevêque se pose en chef de file de la ligne alors majoritaire au sein de l’Église catholique des Philippines, celle d’une « collaboration critique » vis-à-vis du gouvernement Marcos. Il dénonce les excès de la dictature, sans aller jusqu’à appeler à un changement de régime.

Dans les années 1982-1983, l’écart se creuse entre l’Église et le gouvernement. La Conférence épiscopale publie alors deux lettres très critiques. En 1983, quand le principal opposant, Benigno « Ninoy » Aquino, est assassiné à son retour d’exil, le cardinal Sin persuade sa veuve, Cory Aquino, de prendre la relève. Après l’élection présidentielle de 1986, le cardinal Sin est l’un des principaux acteurs des manifestations connues sous le nom de « People Power » au cours desquels il dépose « moralement » le président Marcos. Lâché par les militaires, celui-ci doit quitter le pouvoir.

« Pour lui, c’était son rôle de défendre la justice et la vérité »

Durant la célébration du 31 août dernier, au sanctuaire de Marie Reine de la Paix (également appelé Notre-Dame d’EDSA, le site se trouvant sur l’avenue Epifanio de los Santos), les paroissiens ont rappelé les contributions du cardinal défunt en faveur de la restauration de la démocratie après des années de loi martiale.

Selon le sanctuaire d’EDSA, le site a été construit en mémoire de l’intercession miraculeuse de la Vierge pour la fin de la dictature par un soulèvement pacifique et sans violence, aujourd’hui appelé le mouvement « People Power » de 1986. « C’est dans ce même lieu saint que le cardinal Sin a autrefois appelé le peuple à restaurer la démocratie. Son plus grand héritage, c’est tous ses efforts pour que le pays retrouve la démocratie et une bonne gouvernance », confie un paroissien, Gilbert de la Cruz.

Ce dernier salue aussi l’engagement patriotique du cardinal Sin, décédé en 2015, ainsi que son honnêteté pour avoir refusé d’accepter les pots-de-vin offerts par les partisans de Marcos. « Il n’a pas eu peur des nombreuses menaces qui lui ont été faites. Pour lui, c’était son rôle, en tant que pasteur pour les Philippins, de défendre la justice et la vérité. » Un autre paroissien, Dennis Oliveros, raconte avoir participé à deux manifestations à l’époque, en présence du cardinal. « J’étais là lors des mouvements de 1986 puis de 2001 qui ont permis de renverser les anciens présidents Ferdinand Marcos et Joseph Estrada. J’ai répondu à l’appel du cardinal parce que c’était l’appel d’un pasteur à son troupeau », explique-t-il.

« Le monde est vraiment entre les mains de Dieu »

De leur côté, deux évêques philippins ont regretté que malgré les sacrifices du cardinal pour le pays, les catholiques philippins semblent avoir oublié son héritage. Mgr Arturo Bastes, évêque de Davao, a notamment affirmé que le fils de l’ancien dictateur, Ferdinand Marcos Jr, élu comme nouveau président des Philippines le 30 juin dernier, est arrivé au pouvoir par corruption. « Les Philippins ont la mémoire courte, et les pauvres se sont laissés attirer par l’argent des Marcos », a-t-il souligné. Pour lui, le nouveau président aurait profité de l’ignorance des gens en se présentant comme un défenseur des pauvres.

De son côté, Mgr Socrates Villegas, archevêque de Lingayen-Dagupan, ancien secrétaire du cardinal Sin, a remarqué sur Facebook que « nous ne sommes pas sortis d’un cercle vicieux de péchés et de scandales ». Il a également remercié le cardinal défunt en célébrant sa 21e année comme évêque. Son ordination épiscopale, célébrée le 31 août 2001, a eu lieu juste avant l’anniversaire du cardinal Sin (fêté le même jour). « Éminence, il impossible de raconter l’histoire de mon épiscopat sans que vous en fassiez partie. Vingt ans comme évêque m’ont appris que le monde est vraiment entre les mains de Dieu », a-t-il confié. « Chaque fois que j’étais avec vous, je me disais : Dieu est bon en tout temps ! J’ai vu tant de Dieu et de sa bonté en vous. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Archidiocèse de Manille / Ucanews