Eglises d'Asie

Manille : un élu philippin propose de supprimer une agence anti-corruption

Publié le 15/09/2022




Le 12 septembre, un élu philippin a présenté un projet de loi en vue de dissoudre l’agence anti-corruption PCGG (Commission présidentielle pour une bonne gouvernance), en affirmant qu’elle a « fait son temps ». Créée en 1986 après la fuite de l’ex-dictateur Marcos (père de l’actuel président Ferdinand Marcos Jr), la commission était chargée de récupérer des fonds détournés, notamment par la famille de l’ancien président. La proposition a été critiquée par des groupes et militants accusant de vouloir « réécrire l’histoire ».

Des ouvriers philippins manifestent à Manille lors de la Journée internationale de lutte contre la corruption (photo d’archives, 2012).

Le 12 septembre, l’élu philippin Bienvenido Abante a présenté un projet de loi au Parlement en vue de supprimer l’agence anti-corruption PCGG (Commission présidentielle pour une bonne gouvernance), en considérant la commission nationale comme ayant « fait son temps ». La proposition a été vivement critiquée dans le pays, alors que l’agence en question était notamment chargée de récupérer plusieurs milliards de dollars de fonds détournés.

Depuis 1986, la commission a ainsi récupéré près de 5 milliards de dollars US auprès de la famille du président actuel Ferdinand Marcos Jr., fils de l’ancien dictateur Marcos, et continue de mener une bataille juridique pour récupérer 2,4 milliards de dollars supplémentaires. L’agence a été créée peu après la fuite de Ferdinand Marcos Sr., qui a quitté le pays avec sa famille après un soulèvement populaire en 1986, qui a mis fin à plus de deux décennies de dictature.

Un groupe catholique local (Society of critical catholics for the nation), qui lutte pour une gouvernance propre et honnête, a critiqué le projet comme « une tentative de réécrire l’histoire ». Le groupe estime que le projet de loi est soutenu par le fils de l’ancien dictateur, dans le but de décharger sa famille de toute responsabilité envers le peuple philippin.

Le porte-parole du groupe, Arnold Ochete, pense que la décision tombe « à point nommé » pour les Marcos et leurs partisans, et prouve leur volonté de réécrire l’histoire récente du pays. « Ce n’est pas un hasard si la PCGG est remise en question justement maintenant sous la présidence d’un Marcos. Bien sûr, il nierait toute responsabilité derrière cette décision, mais il ne faut pas être un génie pour deviner qu’il y a là des motifs politiques. »

« Nous avons la mémoire très courte »

De son côté, le parlementaire Abante a déclaré que « si après une longue période, ils n’ont pas pu prouver si les biens confisqués ont été mal acquis ou non et qui en sont les propriétaires véritables, ils ne pourront plus le faire même si la commission devait avoir encore une centaine d’années devant elle ». Il a ajouté que l’agence a été créée comme une « agence anti-Marcos », en considérant comme injuste de cibler spécialement la famille Marcos comme corrompue. « C’était injuste de la part de la PCGG de présumer dès le départ que la richesse de cette famille était mal acquise », a-t-il ajouté.

De son côté, l’ancienne élue Etta Rosales, qui a été victime de la loi martiale, a réagi en expliquant que la question a été réglée en 1998 par la Cour Suprême philippine, en référence à une décision de justice qui a reconnu les biens détournés par la famille Marcos. « La Cour a déclaré que la récupération de ces biens détournés était une question d’intérêt national, parce qu’il s’agit de biens publics. » Elle a ajouté qu’en 1998, la Cour Suprême avait découvert que les Marcos avaient dissimulé leurs biens derrière différentes couches de sociétés écrans. En 2003, la Cour Suprême a parlé de biens détournés d’une valeur de plus de 25 milliards de pesos.

Ferdinand Marcos est mort en exil à Hawaï, aux États-Unis, en 1989. Sa famille est ensuite retournée aux Philippines et s’est à nouveau engagée en politique, jusqu’à la victoire de Marcos Jr. lors des élections présidentielles du 9 mai dernier. Face à la décision de remettre en question la commission, le père Flavie Villanueva, un prêtre philippin, tient à demander à la population, représentée par les élus au Parlement, de ne pas oublier la longue impunité des dirigeants sous le régime de Marcos. « Nous avons la mémoire très courte vis-à-vis de l’histoire. Nous aimons voir les petits criminels condamnés, mais les pires et les plus impitoyables sont au pouvoir », a-t-il affirmé.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Jimmy Domingo / Ucanews