Eglises d'Asie

Mgr Anh Tuan : « Le pape a dit à propos du Vietnam : ‘Si je n’y vais pas, Jean XXIV s’y rendra certainement.’ »

Publié le 12/12/2023




Mgr Louis Nguyen Anh Tuan, archevêque de Ha Tinh, qui a participé au Synode, témoigne de la joie des fidèles après la lettre du pape François aux catholiques vietnamiens. Dans une interview, il évoque leur espérance d’une visite du Saint-Père au Vietnam. Il souligne aussi la solidarité montrée par les chrétiens durant la pandémie. Selon lui, tous ces événements favorisent une confiance nouvelle parmi les fidèles vietnamiens. Dans sa lettre, le pape les avait appelé à être de « bons citoyens » et à « témoigner de l’Évangile ».

Mgr Louis Nguyen Anh Tuan, archevêque de Ha Tinh et ancien évêque auxiliaire de Hô-Chin-Minh-Ville (Saïgon).

Parmi les délégués qui ont pris part au Synode au Vatican il y a quelques semaines, Mgr Louis Nguyen Anh Tuan, archevêque de Ha Tinh (dans le nord du Vietnam) et ancien évêque auxiliaire de Hô-Chi-Minh-Ville, décrit la situation actuelle de l’Église au Vietnam, à la lumière de la lettre récente du pape François. Celle-ci a suivi la signature d’un accord avec le gouvernement en vue de permettre la présence d’un représentant permanent du Saint-Siège dans le pays.

Le pape François s’est adressé aux catholiques vietnamiens directement pour la première fois… Comment son message a-t-il été reçu au Vietnam ?

Les gens ont été très heureux de recevoir cette lettre de la part du pape François. Maintenant, ils attendent de pouvoir l’accueillir au Vietnam. Cette lettre en était un signe. De plus, il a aussi dit : « Si je n’y vais pas, Jean XXIV s’y rendra certainement. » Nous attendons le pape depuis longtemps ; nous voulions l’inviter depuis des années. Aujourd’hui, je pense que le gouvernement souhaite aussi cette visite, même si l’invitation n’a pas encore été officiellement envoyée.

Pour vous, le climat de l’Église au Vietnam s’est beaucoup amélioré au cours des dernières années ?

Le Groupe de travail conjoint Vietnam – Vatican, entre le Saint-Siège et les représentants du gouvernement, a travaillé avec beaucoup de patience. La visite récente du président au Vatican avec la signature de l’accord sur la présence d’un représentant permanent du Saint-Siège à Hanoï était une étape importante. Nous estimons que cela contribuera à développer nos activités pastorales. Déjà, ces dernières années, nous avons bénéficié de beaucoup plus de liberté. Et je dois dire que l’événement traumatisant de la pandémie a été une opportunité de croissance, en particulier à Saïgon (Hô-Chi-Minh-Ville), qui a été durement touché. De nombreux prêtres, religieuses et laïcs ont beaucoup fait pour aider les victimes, et le gouvernement a reconnu cette contribution. Ils nous font davantage confiance. Et je pense que c’était une opportunité de témoigner de la foi à travers les activités sociales.

Le pape invite les catholiques vietnamiens à être des « bons chrétiens et des bons citoyens ». Des mots qu’il a aussi adressés aux catholiques chinois depuis la Mongolie…

Ce sont des mots que notre gouvernement a beaucoup appréciés. Non seulement les catholiques mais tous les Vietnamiens doivent être de bons citoyens. Pour nous, c’est aussi une manière de témoigner de l’Évangile. Être de bons citoyens, aujourd’hui, c’est être de bons disciples du Christ.

Mais le Vietnam peut-il servir de modèle pour les relations sino-vaticanes ?

C’est le pape lui-même qui a dit aux Chinois d’être « des bons chrétiens et des bons citoyens ». Cela dit, je pense que la situation en Chine est très différente de celle du Vietnam. La Chine est un pays immense. Son gouvernement est fort et veut le contrôle. D’un autre côté, le gouvernement vietnamien a besoin du reste du monde, et pour cette raison, il recherche l’aide d’autres pays dans la sphère économique. Il veut dire au monde qu’aujourd’hui, le Vietnam est un pays ouvert et qu’il fait confiance aux catholiques.

Ce n’est pas le cas en Chine aujourd’hui. Les deux délégués chinois qui sont venus au Synode ont dû obtenir la permission du gouvernement de la République populaire de Chine pour pouvoir se rendre à Rome, mais au Vietnam, ce n’était pas nécessaire : nous pouvons nous déplacer librement. Jusqu’à il y a quelques années, ce n’était pas le cas pour nous non plus, mais aujourd’hui, c’est possible. C’est une différence fondamentale. Ainsi, le pape nous a désignés comme modèle, mais pour la Chine, ce ne sera pas facile de le suivre parce que le contexte est différent.

Dans un pays comme le Vietnam, le développement reste difficile ?

Le fossé entre les grandes villes et les régions rurales est très important. Dans mon diocèse, je vois des jeunes partir pour Saïgon, Hanoï, Da Nang, Haïphong, mais aussi pour la Corée, le Japon, la Malaisie et même les États-Unis ou l’Europe, où ils peuvent gagner leur vie. Nous devons aussi prendre cela en compte dans nos activités pastorales. Il nous faut éduquer les jeunes dans la foi, comme un bagage spirituel qu’ils peuvent emporter partout avec eux, où qu’ils aillent dans le futur. Mais notre Église recherche toujours des solutions pour que notre pastorale soit adaptée à eux.

Nous devons travailler davantage avec les Églises des pays de destination – ceci aussi est un aspect de l’Église synodale. Beaucoup confirment que dans tous les pays où les catholiques vietnamiens se rassemblent en tant que communauté, ils vivent toujours leur foi de façon fervente. Nous essayons de faire face à cette situation, d’envoyer des missionnaires avec eux non seulement pour travailler avec les Vietnamiens mais aussi pour servir les Églises locales où ils s’installent.

Il est aussi possible d’envoyer des missionnaires grâce au nombre de vocations au Vietnam ?

Il y a beaucoup de vocations sacerdotales et consacrées au Vietnam. Un tel ministère ad vitam est possible grâce à cela. C’est un signe de vitalité pour l’Église vietnamienne. L’an dernier, nous avions 105 candidats au séminaire dans mon diocèse, mais nous n’avons pu en accueillir que 30. Certains évêques, quand ils ne peuvent accueillir certains candidats, les envoient dans d’autres pays comme la Nouvelle-Zélande ou l’Australie.

Il y a toujours beaucoup de vocations, en particulier dans les régions rurales. On peut y voir une tendance sociale. Dans les régions les plus pauvres, les familles catholiques sont plus ferventes. Mais j’en vois la signification spirituelle : c’est là que le Seigneur nous appelle à servir le Royaume de Dieu. Après tout, Jésus a dit dans l’Évangile : « Heureux, vous les pauvres, car le Royaume de Dieu est à vous. » (Lc 6, 20)

(Avec Asianews)


CRÉDITS

Asianews