Eglises d'Asie

Mgr Broderick Pabillo : « Comment allons-nous contenir l’épidémie dans les bidonvilles ? »

Publié le 26/03/2020




Après le départ du cardinal Luis Antonio Tagle pour Rome, le pape François a nommé Mgr Broderick Pabillo, évêque auxiliaire de Manille, comme administrateur apostolique. En poste depuis peu, l’évêque raconte le confinement décrété par le président Rodrigo Duterte dans une bonne partie des Philippines, premier pays catholique d’Asie, aujourd’hui confronté à une hausse récente du nombre de cas de coronavirus. Au 24 mars, on dénombrait aux Philippines plus de 500 cas d’infection au Covid-19 et 35 décès, selon les chiffres officiels. Début février, l’archipel enregistrait le premier mort hors de Chine.

Mgr Broderick Pabillo, évêque auxiliaire de Manille, a été nommé administrateur apostolique de l’archidiocèse après le départ du cardinal Tagle pour Rome.

Eglises d’Asie : Depuis le 15 mars, Manille expérimente les mesures de confinement les plus drastiques d’Asie du Sud-Est, avec l’imposition d’un couvre-feu, une première dans la capitale depuis la dictature de Marcos. Afin de freiner la propagation de l’épidémie, la quarantaine a été ensuite étendue à l’ensemble de Luçon, principale île du nord de l’archipel, où vit la moitié de la population. Comment s’est déroulée cette première semaine de confinement dans la capitale ?

Mgr Broderick Pabillo : Il y avait beaucoup d’appréhension pour cette première semaine. Tout d’abord, le confinement était nouveau pour tous. Deuxièmement, beaucoup de gens n’étaient pas convaincus de sa nécessité. Il y a eu un manque de pédagogie. Les modalités n’étaient pas clairement expliquées. Troisièmement, les consignes gouvernementales étaient parfois contradictoires [ndlr : par exemple, le personnel hospitalier s’est retrouvé sans aucun transport du jour au lendemain, avant que l’armée ne soit finalement appelée à la rescousse pour les reconduire chez eux le soir].

EDA : Quelle est l’atmosphère à Manille ?

Aujourd’hui, c’est relativement paisible, mais je doute que cela dure. Lorsque les gens se retrouvent désœuvrés et n’ont plus assez à manger, il peut y avoir des problèmes. La plupart des habitants travaillent à la journée et dépendent du secteur informel. Ils ne disposent d’aucune épargne en cas de coup dur. Jusqu’ici, le gouvernement se contente d’édicter des règles, mais il n’a annoncé aucune aide spécifique pour aider les journaliers, les pauvres ou distribuer de la nourriture.

EDA : Le 19 mars, la police philippine, déjà très critiquée durant la guerre antidrogue, a empêché une opération de soupe populaire. Quelles sont les principales difficultés auxquelles se retrouvent confrontés les plus pauvres ?

Il est impossible d’imposer le confinement dans les nombreux bidonvilles de la capitale : beaucoup vivent sans toit. D’autres s’entassent dans des abris de fortune où il fait très chaud. Difficile de leur demander d’y rester enfermé pendant longtemps. Comment allons-nous contenir la propagation de l’épidémie une fois qu’elle aura atteint les bidonvilles ? Le coronavirus y est encore plus indétectable, car les habitants n’ont pas forcément accès aux hôpitaux. Surtout, ils se préoccupent d’abord de leur survie au jour le jour, et non du virus.

EDA : Comment venir en aide aux populations malgré les restrictions ?

De différentes manières. Tout d’abord nous proposons des messes en ligne. Nous utilisons également les réseaux sociaux pour diffuser des informations et relayer nos appels aux dons pour les plus modestes. Caritas Manille s’appuie sur son réseau de paroisses pour mobiliser ses bénévoles qui restent en contact avec les habitants des bidonvilles. Deux kits de survie sont distribués, le premier alimentaire, le second hygiénique pour améliorer la prévention. Certaines entreprises ont également fait des dons à Caritas pour que de l’argent soit directement distribuée aux plus pauvres. Mais tous ces efforts resteront insuffisants si le gouvernement n’y contribue pas.

(EDA / Marianne Dardard)


CRÉDITS

Angie de Silva