Eglises d'Asie – Japon
Mgr Kikuchi : « Les pays asiatiques sont toujours très cléricaux : à Tokyo, je veux introduire cet esprit synodal »
Publié le 23/10/2023
L’Assemblée synodale en cours au Vatican entre dans sa dernière semaine de travaux. Une fois que les discussions sur l’Instrumentum Laboris (le Document de travail, fruits des réponses des Conférences épiscopales et autres organismes durant les phases précédentes du Synode sur la synodalité), durant les prochains jours, les 365 membres de l’assemblée seront invités à présenter un document de synthèse et un message au peuple de Dieu. Ceux-ci seront publiés le dimanche 29 octobre, quand le pape François présidera la messe de clôture de la première session générale du Synode (la seconde aura lieu à Rome en octobre 2024).
Ces textes, ainsi qu’il a été annoncé dès le début, seront ensuite envoyés dans les Églises du monde entier pour une nouvelle phase du processus synodal. Ce n’est que dans un an, après la session finale au Vatican, que l’Assemblée synodale fera la synthèse du parcours entamé au niveau paroissial et diocésain en 2021, avant de confier au pape les conclusions du Synode.
Au cours de la session actuelle à Rome, durant les échanges quotidiens organisés cette semaine avec les journalistes, il y a eu différentes interventions significatives d’évêques asiatiques, qui ont partagé des points de vue intéressants selon leur propre expérience pastorale. Le jeudi 19 octobre, Mgr Tarcisio Isao Kikuchi, archevêque de Tokyo, a notamment souligné l’importance de la méthode de la « conversation dans l’Esprit » – adoptée par le Synode – afin de laisser émerger les traits particuliers de chaque culture.
« Synodalité ne signifie pas uniformité : nous devons travailler ensemble »
« Vous savez que nous, les Japonais, mais aussi tous les peuples d’Asie de manière générale, nous aimons le silence. C’est très difficile pour nous de parler franchement, de nous exprimer ouvertement. C’est pourquoi ces petits groupes de discussion sont très importants », a-t-il expliqué. « En tant qu’Asiatiques, quand nous parlons de synodalité dans l’Église catholique, nous nous attendons à ce que chaque culture locale soit respectée. La synodalité, cela ne signifie par l’uniformité : nous devons travailler ensemble tels que nous sommes, selon nos propres cultures. »
À ce propos, Mgr Kikichi, qui a été nommé président de Caritas Internationalis il y a quelques mois, a justement cité l’exemple de Caritas : « Vous savez que nous rassemblons 160 organisations à travers le monde, chaque organisation étant indépendante. » « Chacune d’entre elle a sa propre identité catholique et travaille avec ses partenaires, en démontrant également sa nature œcuménique et interreligieuse », a-t-il expliqué.
« Dès le début, Caritas a été une organisation synodale, non seulement au niveau exécutif mais aussi au niveau local : nous allons là où c’est nécessaire, nous rencontrons les gens, et nous ne contentons pas d’apporter de l’aide. Nous voulons défendre la dignité humaine de chaque personne, pour qu’elle soit respectée et que l’espérance dans l’avenir puisse jaillir du fond du cœur de chacun. »
Introduire l’esprit d’hospitalité asiatique dans la vie de l’Église
Mgr Kikuchi a également évoqué la question de la participation des personnes laïques dans les prises de décisions dans l’Église. « En retournant à Tokyo, je veux introduire cet esprit synodal dans notre Église également, en en faisant un état d’esprit commun à toutes les paroisses », a-t-il ajouté. Cependant, l’archevêque de Tokyo a déploré le manque d’activités en présentiel dans son pays à cause de la pandémie : « Les gens ont toujours peur, en particulier les personnes âgées, donc nous n’avons pas tant d’opportunité de rassembler les gens ensemble pour participer à ce processus synodal. »
De plus, a-t-il poursuivi, « les pays asiatiques sont toujours très cléricaux : c’est le clergé qui décide. Et nous devons au contraire permettre aux personnes laïques de s’impliquer davantage dans les décisions », poursuit-il. « La difficulté, c’est que nous devons réfléchir sérieusement à la façon dont nous pouvons impliquer les hommes et les femmes laïcs, qui ont peu de temps à cause de leurs vies déjà bien remplies et qui doivent s’occuper de leurs familles », a-t-il confié.
« Mais nous devons aussi trouver les bonnes méthodes pour cela. Par exemple : comment demander à des personnes laïques qui travaillent de poser leurs outils et de venir à Rome pour un mois d’échanges ? C’est impossible. Si nous voulons vraiment impliquer les laïcs dans les décisions de l’Église, nous devons aussi prendre en compte leur vie quotidienne, leurs familles. C’est quelque chose que nous recherchons encore. »
Mgr Kikuchi, qui est également secrétaire général de la FABC (Fédération des conférences épiscopales d’Asie), a ajouté qu’il voudrait introduire l’esprit d’hospitalité asiatique dans la vie de l’Église, ainsi qu’il a été exprimé dans le rapport continental asiatique du Synode. Une culture d’accueil qui demande par exemple aux gens d’enlever leurs chaussures « et de se libérer de leurs inquiétudes et de leurs préoccupations quotidiennes avant d’entrer chez vous », a-t-il expliqué. « C’est vrai qu’en Asie, dans l’Église catholique, nos structures, sont très occidentales, mais il est possible d’introduire notre esprit d’hospitalité dans les activités paroissiales », a-t-il assuré. « D’abord accueillir tout le monde : enlevez vos chaussures, entrez, ne restez pas dehors mais entrez dans ma maison, et parlons de votre vie. »
(Avec Asianews et Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews