Eglises d'Asie

Mumbai : l’Église locale protège les droits des populations tribales

Publié le 23/03/2023




Dans la station missionnaire d’Alibag, une ville balnéaire dépendant de l’archidiocèse de Mumbai, un groupe d’animateurs formés et rémunérés par l’Église locale travaille auprès des villageois indigènes des villages alentour. Les animateurs, qui expliquent soutenir l’accès à l’éducation et à la santé des minorités ethniques (qui représentent près de 9 % de la population indienne), évoquent différents problèmes rencontrés comme l’échec scolaire, les mariages précoces et les addictions.

Une femme de l’ethnie Katkari avec ses enfants.

Chaque matin, Shailaja, une enseignante de 46 ans se lève à 5 heures du matin. Avant 8 heures, elle a déjà petit-déjeuné et parcouru près de 2 km à pied vers un village indigène, où elle donne des cours de soutien scolaire en math et en langue Marathi à 22 adolescents. Avant le début des classes à 10 heures dans leur école publique, Shailaja essaie aussi de les aider face à différents problèmes qu’ils rencontrent.

Elle travaille pour la station missionnaire d’Alibag, une ville balnéaire située à une centaine de kilomètres au sud de Mumbai. Enseignante depuis 14 ans, elle fait partie d’un groupe d’animateurs – enseignants, soignants et travailleurs sociaux – formés et rémunérés par l’archidiocèse de Mumbai. Ils sont chargés de travailler auprès des villageois indigènes de la région.

Les populations tribales, parfois appelées « Adivasis », représentent presque 9 % de la population indienne. La Constitution est censée assurer leur protection économique, leur accès à l’éducation et leur émancipation politique. Une loi indienne de 2006 sur les droits forestiers protège notamment leur accès aux ressources forestières, afin que les populations indigènes puissent les utiliser selon leurs traditions et éviter les expulsions illégales – une grande partie de leurs terres sont riches en ressources minières, et des sociétés ont exploité le manque de titres officiels de propriété.

Fin février, des membres des Œuvres pontificales missionnaires USA ont rencontré les animateurs et les communautés indigènes locales dans un village rural en périphérie d’Alibag. La rencontre a eu lieu dans un centre d’accueil au centre du village. Alors que plusieurs dizaines d’enfants étaient assis par terre sous le toit de tôle, les animateurs, également indigènes, ont eu une conversation enthousiaste avec les visiteurs, traduite par un prêtre de l’archidiocèse.

Accès à l’éducation et à la santé, mariages précoces et addiction

Près de 120 familles du groupe ethnique Katkari vivent dans ce village depuis 60 à 70 ans, et depuis de l’autre côté de la route non goudronnée, des villageois observaient depuis chez eux, à l’ombre. Même si la plupart des animateurs ne sont pas chrétiens, ils expliquent partager le même engagement que l’Église catholique pour les œuvres sociales et l’amour du prochain. Durant la rencontre, ils ont évoqué différents problèmes rencontrés par les habitants : les situations d’échec scolaire, les mariages précoces, les addictions ainsi que l’accès à la santé.

Jayshree, une assistante sociale âgée de 20 ans, explique qu’elle gagnait huit fois plus avec son emploi précédant, mais qu’elle sent que ce nouveau travail est plus important. Elle se dit reconnaissante du diplôme paraprofessionnel qu’elle a obtenu grâce à l’Église locale ; elle se sent responsabilisée et ne craint pas de se rendre dans une agence gouvernementale pour défendre les droits des indigènes – par exemple pour leur accès aux sanitaires. Elle explique que les fonctionnaires locaux savent qu’ils ne peuvent pas la tromper, parce qu’elle est formée.

Les animateurs encouragent aussi les parents à ne pas traiter leurs filles différemment par rapport aux garçons. Ils tentent d’empêcher les mariages précoces et luttent contre l’idée qu’une fille doit se marier dès qu’elle a atteint la puberté. Selon eux, certains parents disent que leur fille risque de ne pas se marier si elle n’est pas mariée jeune. L’âge légal du mariage est fixé à 18 ans en Inde officiellement. Selon les animateurs, grâce à leurs recommandations, les filles indigènes de la région se marient désormais plutôt entre 16 et 17 ans, contre 12 à 14 ans auparavant.

Previn, travailleur social, raconte qu’une fois, il a pu empêcher un mariage précoce dans son village, en expliquant aux parents que leur fille risquait d’avoir un accouchement difficile. Il explique que quand il y a un mariage précoce, les parents font en sorte que les animateurs ne soient pas présents dans le village, pour que la famille ne soit pas signalée. Les hommes qui se marient à des filles mineures peuvent être condamnés jusqu’à deux ans de prison et une amende. Selon l’Unicef, on compte près d’1,5 million de filles de moins de 18 ans en Inde, ce qui fait que le pays est celui qui compte le plus de mariages précoces au monde.

« Tous sont nos frères et sœurs »

Outre l’archidiocèse de Mumbai, de nombreux autres diocèses indiens s’efforcent de soutenir les populations indigènes. Ainsi, dans le diocèse voisin de Vasai, Mgr Felix Machado souligne que l’Église a le devoir de « vivre parmi les gens comme des frères et sœurs, au milieu d’eux ». « Tous sont nos frères et sœurs, et pas seulement les chrétiens », a-t-il insisté, interrogé par OSV News.

Son diocèse est notamment engagé auprès de l’ethnie Warli et d’autres plus petits groupes ethniques comme les Katkaris. Dans le diocèse, beaucoup de ces communautés cultivent le riz, mais quand la saison agricole est passée, ils vont travailler dans les fours à briques. Parmi les initiatives locales, les Filles de la Croix gèrent un internat pour filles âgées de 5 à 15 ans, pour qu’elles puissent recevoir une éducation, et les religieuses forment également environ 50 soignants par mois. Sœur Albina Murzello, membre de la congrégation, rend régulièrement visite aux villages et hameaux, ou elle accompagne ceux qui doivent se rendre à l’hôpital en ville.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Center for Social Action Database / Ucanews