Eglises d'Asie

Noël en Asie : « N’ayez pas peur et louez le Seigneur, comme le message proclamé par les anges »

Publié le 30/12/2023




Pour le père Silas Bogati, du vicariat apostolique du Népal, « Noël est un temps joyeux que nous devons célébrer sans peur ». Pourtant, dans plusieurs régions d’Asie, les fêtes sont arrivées dans une atmosphère tendue. Au Sri Lanka, le cardinal Ranjith a évoqué la situation économique précaire du pays. Au Hebei, en Chine, les autorités ont imposé des restrictions exceptionnelles avant Noël. Au Manipur, en Inde, l’archevêque d’Imphal a prié qu’à Noël, « Dieu nous unisse tous », en souhaitant que 2024 apporte une solution durable pour la paix.

Une initiative caritative de Noël auprès des habitants d’un bidonville à Bangkok, en lien avec une paroisse de la capitale thaïlandaise.

Le 25 décembre dans son message de Noël, lu avant la bénédiction Urbi et Orbi depuis la loggia de la basilique Saint-Pierre, le pape François a évoqué Bethléem où règnent « douleur et violence ». Il a cité Isaïe (« De leurs épées, ils forgeront des socs, et de leurs lances, des faucilles. Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre ») en souhaitant que la prophétie se réalise.

Le Saint-Père a imploré la paix sur les zones de conflit, notamment sur la terre qui a vu naître Jésus. Il a aussi évoqué l’Ukraine, la Syrie et la péninsule coréenne, entre autres. « Que s’approche le jour où se renforceront les liens fraternels dans la péninsule coréenne, ouvrant des parcours de dialogue et de réconciliation qui puissent créer les conditions d’une paix durable », a-t-il déclaré.

Cette année, en Asie, la joie de Noël s’est souvent mêlée d’inquiétude et d’indignation, notamment à cause des situations de pauvreté qui affectent durement la vie de nombreuses familles, communautés et populations de l’immense continent asiatique. Par ailleurs, on trouve des jeunes qui ont été forcés de quitter leur famille pour chercher du travail ailleurs, où ils ont souvent été exploités et empêchés de réaliser les projets légitimes.

Les fêtes étaient aussi endeuillées par les victimes du terrorisme, des guerres, et des violences, notamment le conflit perpétré par la junte birmane contre son propre peuple. Les violences se poursuivent aussi sous d’autres formes comme en Afghanistan, au Pakistan ou en Inde. On compte aussi de graves violations des libertés fondamentales dans différentes régions d’Asie, comme dans les provinces du Tibet et du Xinjiang et dans la ville de Hong-Kong.

Le Sri Lanka toujours précaire au milieu des fêtes de Noël

S. Manoharan, un commerçant sri-lankais, devant sa boutique à Pettah, un quartier de Colombo.

Au Sri Lanka, où plusieurs millions d’habitants ont été frappés par la crise économique, le cardinal Malcolm Ranjith, archevêque de Colombo, a appelé les chrétiens à partager un repas avec ceux qui ont faim durant les fêtes de Noël. Il a rappelé que la situation reste « précaire » dans le pays, le 19 décembre en s’adressant aux médias avant les fêtes, depuis l’évêché dans la capitale.

Selon le cardinal, âgé de 76 ans, de nombreuses familles sri-lankaises manquent de nourriture, d’après une étude récente qui indique qu’une famille de quatre personnes a besoin de 120 000 roupies (334 euros) pour couvrir ses dépenses mensuelles, alors qu’en moyenne, le revenu mensuel d’une famille est seulement de 219 euros. « Avec de tels revenus, ils ne peuvent pas se procurer ce qu’il faut pour leurs repas, sans compter les dépenses scolaires de leurs enfants, ou l’électricité, l’eau et le gaz, entre autres », a-t-il ajouté.

Le pays, qui compte 1,5 million de catholiques pour 22 millions d’habitants, fait face à la pire crise économique de son histoire. Cette crise a conduit à une inflation sans précédent, à l’épuisement quasi-total des réserves de devises étrangères et à une pénurie de matériel médical, ainsi qu’à une hausse des prix des produits de base comme l’huile de cuisson, le riz et le carburant. « C’est une situation que nous ne pouvons ignorer alors que nous célébrons Noël, car Jésus Christ est justement né dans la pauvreté. »

Au Népal, célébrer Noël sans peur malgré les tensions

Près de 2 500 participants prennent part à une fête de Noël, le 3 décembre dans l’État de Sarawak (Bornéo, Malaisie).

En Malaisie, Mgr Simon Poh, archevêque de Kuching, a invité à célébrer la Nativité en priant « pour la paix et l’harmonie dans notre pays et dans le monde ». Il a souligné l’importance de la joie, de l’espérance et de la paix alors que la guerre se poursuit entre les nations. « Dieu nous envoie comme ambassadeurs du Christ pour la paix et l’espérance. Nous devons défendre la paix dans nos sociétés fragiles, dans les salles de classe, au travail et dans nos familles », a-t-il confié. Il a aussi exprimé son espérance d’une paix durable et d’une vraie harmonie en Malaisie. « N’ayez pas peur et louez le Seigneur, comme le message proclamé par les anges à la naissance de Jésus. »

Au Népal, les chrétiens ont célébré Noël dans une situation tendue, après une série d’incidents antichrétiens ces derniers mois dans le pays, causés par des groupes hindous extrémistes. « Il y a un sentiment de peur et d’insécurité au sein de la communauté chrétienne au milieu des célébrations de Noël. Nous nous sentons exposés », a confié le père Lalit Tudu, de la cathédrale de l’Assomption de Katmandou. Les 12 paroisses du vicariat apostolique du Népal ont renforcé leurs mesures de sécurité avant les fêtes. Selon le recensement national de 2023, on compte seulement 513 000 chrétiens dans le pays, soit moins de 2 % de la population pour 80 % d’hindous. Malgré tout, le père Silas Bogati, vicaire général du vicariat apostolique du Népal, a rappelé que « Noël est un temps joyeux que nous devons le célébrer sans peur et dans la joie ».

Au Hebei, la police chinoise empêche les enfants de fêter Noël à Baoding

Une voiture de police devant une église de Wangfujing, un quartier commerçant dans le district de Dongcheng à Pékin.

De son côté, le diocèse de Baoding a une longue histoire et on compte de nombreux catholiques dans la région. Pour cette raison, cette année, la police locale a adopté des mesures exceptionnelles dans le centre-ville. Les autorités ont notamment contrôlé le trafic dans le centre historique de la rue Yuhua, où se trouve la cathédrale Saints-Pierre-et-Paul, siège du diocèse de Baoding. Aucun véhicule n’a été autorisé à entrer dans le centre historique le 24 décembre après 16 heures, et les bus ont dû changer d’itinéraire. De plus, toutes les boutiques du quartier autour de l’église ont été fermées et les ventes et promotions spéciales de Noël ont été interdites.

Selon une source locale, des policiers étaient déployés tout autour de l’église. Des véhicules de police étaient garés près de l’église, avec des policiers vêtus d’équipements antiémeutes. Selon la source, la police a empêché les parents avec enfants d’entrer dans l’église et demandé aux parents de partir de l’église parce que c’était « dangereux pour les enfants car il y avait trop de monde à l’intérieur ». La police était aussi présente dans l’église, avec un comportement tendu contrastant radicalement avec l’esprit de la célébration.

L’atmosphère était également tendue à Donglu, dont l’église est une destination de pèlerinage. Selon la même source, la police a été déployée dans le village une semaine avant Noël. La Vierge de Donglu, à 20 km de Baoding, est aussi connue sous le nom de Notre-Dame de Chine. La situation dans la province chinoise du Hebei reflète un contrôle renforcé sur les religions dans tout le pays depuis quelques années. On trouve ainsi des consignes du gouvernement, destinées aux écoles et aux entreprises, sur « comment boycotter les fêtes étrangères » ou imposant « l’interdiction de la promotion commerciale de Noël ». Cependant, les autorités chinoises ont envoyé leurs vœux de Noël à l’Association patriotique des catholiques chinois et au Conseil chrétien chinois, les organisations « officielles » catholiques et protestantes.

« Que la Nouvelle année 2024 apporte une paix durable au Manipur »

Le mai 2023 lors d’une prière œcuménique devant la cathédrale du Sacré-Cœur de New Delhi, pour la paix au Manipur.

Par ailleurs, dans sa lettre de Noël aux catholiques de l’État du Manipur, dans le nord-est de l’Inde, Mgr Linus Neli, archevêque d’Imphal, la capitale du Manipur, a souligné qu’à Noël, « Dieu nous unit tous, quelles que soient notre tribu, notre langue et notre culture ». Alors que le Manipur est frappé par des violences interethniques et religieuses depuis début mai 2023, la Cour Suprême indienne a demandé au gouvernement du Manipur de dresser une liste de lieux de culte devant être restaurés après les dégâts causés par les violences de ces derniers mois.

Alors que plusieurs communautés catholiques locales n’ont pas pu célébrer Noël comme les années précédentes à cause des violences passées, Mgr Neli a confié que pour cette raison, l’Église a invité cette année à « éviter des célébrations trop fastueuses » par solidarité. « Que Dieu apporte la joie dans nos cœurs en rassemblant la famille humaine autour de son Fils, quels que soient les races, tribus, langues, cultures, statuts sociaux, genres et appartenances communautaires », a-t-il ajouté.

« Les mêmes difficultés surviennent partout dans le monde. Beaucoup souffrent de stress et d’angoisse parmi les réfugiés, et c’est pire encore pour les femmes et les enfants. Certains ne peuvent se retrouver, ni communiquer sur de longues distances. Dans ce contexte, Jésus, Emmanuel, est proche de nos souffrances. Il est avec les personnes déplacées internes, et avec ceux qui ont perdu des proches, des biens, un emploi ou leur éducation », a poursuivi l’archevêque d’Imphal, en souhaitant que la Nouvelle année 2024 apporte une solution durable et une réconciliation authentique pour la paix et l’harmonie au Manipur.

(Avec Asianews, Ucanews, Vaticannews et Rvasia)


CRÉDITS

Asianews ; Ucanews ; S. Rubatheesan / Ucanews ; The Borneo Post / Ucanews ; Ucanews