Eglises d'Asie – Inde
Onze ans après, l’Église indienne aide les victimes des émeutes d’Odisha à se relever
Publié le 18/07/2019
Il y a onze ans, avant les attaques antichrétiennes de 2008 dans le district de Kandhamal, dans l’État d’Odisha, Liza Nayak était encore une joyeuse adolescente de treize ans quand des groupes d’hindous armés d’épée se sont attaqués à son village dans l’est de l’Inde. Les foules ont tué ses amis et ses proches et incendié les maisons, parce qu’ils refusaient de renier leur foi chrétienne. Avec ses parents et plusieurs centaines d’autres survivants, elle a pu s’enfuir dans la forêt où elle est restée cachée durant plusieurs semaines, vivant seulement de ce qu’ils pouvaient trouver. « Alors que nous étions en train de lutter contre la faim et contre nos peurs, je me souviens que mon oncle a cité la Bible en disant ‘Il ne t’abandonnera pas, ne crains pas, ne te laisse pas décourager’ », raconte Liza, dont l’oncle a été tué durant les événements de 2008. Les conséquences des émeutes en Odisha ont été difficiles à surmonter pour les jeunes comme Liza. Plusieurs milliers d’entre eux ont perdu leurs foyers, plusieurs centaines ont dû quitter l’école et plusieurs sont devenus orphelins. Leur avenir était devenu peu engageant. « Quand Dieu est avec nous, nous n’avons pas peur, parce que ses voies sont impénétrables. J’en ai fait l’expérience », confie-t-elle avec un sourire, en expliquant la façon dont grâce à Dieu, la paix et l’espoir ont chassé ces tristes perspectives. Liza a eu la chance de pouvoir terminer ses études dans un lycée public, mais par la suite, elle ne parvenait pas à trouver du travail. Chaque fois qu’elle déposait sa candidature, les employeurs recherchaient quelqu’un de diplômé et expérimenté. « J’avais l’impression que je ne parviendrai jamais à trouver un emploi », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, pourtant, elle a trouvé du travail au sein du département de la santé de l’État d’Odisha, en tant qu’opératrice de saisie de données, grâce à une formation informatique qu’elle a suivie, financée par un groupe catholique.
Un programme lancé en 2017
C’est en 2017 que le conseil des femmes de la conférence épiscopale indienne a commencé à travailler sur les besoins de la région, après une rencontre nationale de 22 déléguées conseil organisée à Bhubaneswar, la capitale de l’État d’Odisha. Durant cette rencontre, les déléguées ont rendu visite aux zones les plus affectées de la région, ce qui les a convaincues à l’unanimité de la nécessité d’intervenir, explique sœur Talisha Nadukudiyil, secrétaire du conseil. Leur programme comprenait l’envoi de volontaires, le financement de bourses et d’aides pour les frais de scolarité, et d’un accompagnement pour aider les élèves à entrer dans les divers établissements catholiques de l’État et du pays. C’est ainsi que des jeunes comme Liza ont pu suivre des formations professionnelles, comme des stages et des ateliers en informatique ou en couture, afin de les aider à trouver du travail. « Le conseil prévoit également de soutenir des étudiants prometteurs pour leur permettre de suivre des formations professionnelles comme ingénieurs ou infirmiers. Pour cela, nous voulons lever des fonds auprès de plusieurs sources. Le programme a commencé en juin 2018 et 24 femmes en ont déjà bénéficié », confie sœur Talisha Nadukudiyil. « Nous voulions montrer aux victimes des événements de 2008 que l’Église ne les oubliait pas. » Mili Nayak, 25 ans, a également bénéficié du programme. Aujourd’hui, elle est inscrite en master de travail social dans la capitale de l’État. « J’espère que beaucoup d’autres filles pourront faire des études pour aider notre société à progresser », explique Mili Nayak.
Sœur Pancrasia Toppo, secrétaire de la commission pour les femmes de l’archidiocèse de Cuttack-Bhubaneswar, dirige un programme de formation de couture pour aider les mères dans les villages. Elle assure que le gouvernement les surveille constamment afin de vérifier qu’elles ne sont pas engagées dans d’autres activités comme du prosélytisme, parce que le programme s’adresse aux femmes de toutes les religions, même s’il cible avant tout les femmes chrétiennes. Rihila Digal, une mère de 25 ans, a suivi des cours pendant presque un an. Au bout de la formation, elle se sentait prête à fabriquer et vendre des sacs au marché. « Mon mari aussi a pu trouver du travail l’année dernière », ajoute-t-elle. Aujourd’hui, encore onze après les émeutes de 2008, la vie n’est pas retournée à la normale à Kandhamal, confie Rihila Digal. Plusieurs centaines de personnes n’ont toujours pas de logement, et certains ont quitté leurs villages pour toujours ou vivent sur leurs terres comme des migrants. Au moins une centaine de personnes, des chrétiens pour la plupart, ont été tués, et plus de 56 000 se sont retrouvées sans abris, après les émeutes qui ont ravagé des centaines d’églises et de maisons dans la région.
Justice et compassion
Les poursuites judiciaires ont également été chaotiques. Sur plus de 3 300 plaintes, seules 820 ont été acceptées. Sur celles qui ont été acceptées, seules 518 ont été retenues. Finalement, même la plupart de ces dernières ont été abandonnées et seule une dizaine de poursuites ont conduit à des condamnations. Les missionnaires espagnols vincentiens ont évangélisé la région indigène de Kandhamal il y a un siècle, mais les activités des extrémistes hindous se sont multipliées et le nombre de chrétiens a diminué au cours des cinq dernières décennies. Le père Madan Sual Singh, directeur de Jana Vikas, la branche caritative de l’archidiocèse de Cuttack-Bhubaneswar, dirige les programmes financés par le conseil des femmes de la conférence épiscopale. « C’est un geste de compassion et de bonté envers les survivants de Kandhamal », confie le prêtre. « De grandes choses peuvent survenir quand les gens travaillent ensemble avec Dieu, et je suis sûr qu’un jour, nous y arriverons. »
(Avec Ucanews, New Delhi)
CRÉDITS
Ucanews