Eglises d'Asie – Corée du sud
Père Emile Taquet : pèlerinage sur les traces d’un amoureux de la flore coréenne
Publié le 18/06/2019

Ce jour marqua le début d’un pèlerinage sur les traces du père Taquet pour le père Jeong, qui avait été nommé récemment professeur agrégé à l’université catholique de Daegu. Durant ce pèlerinage, il espérait retracer non seulement la vie d’Emile Taquet, mais également les échantillons des plantes qu’il avait rassemblés et les arbres qu’il avait plantés. En 1898, à l’âge de 24 ans, le père Emile Taquet a été envoyé en Corée par les Missions Etrangères de Paris. Il y resta en tant que missionnaire durant 55 ans, jusqu’à sa mort à Daegu en 1952. Le père Taquet a servi dans les paroisses principales de Busan, Jinju et Masan, ainsi qu’à Hanon et Hongno sur l’île de Jeju, dans la paroisse du quartier de Sanjeong à Mokpo, et dans la paroisse de Noan à Naju. En 1922, il fut ensuite affecté au séminaire Saint-Justin de Daegu en tant que professeur, un poste qu’il occupa jusqu’à la fin de sa vie.
Plus de 10 000 échantillons envoyés en Europe, aux États-Unis et au Japon
Le voyage de Jeong s’est concentré sur Jeju, où le père Emile Taquet passa les treize premières années de son œuvre missionnaire, en rassemblant des échantillons de cerisier royal et de sapin coréen. Lors d’un séjour d’un mois dans l’église de Seogwipo, à Hongno où Taquet avait eut une première affectation en 1902, le père Jeong a retracé les pas du missionnaire français auprès de l’église de Hanon et d’un ginkgo biloba de Seogwipo. Ainsi, Emile Taquet a envoyé plus de 10 000 échantillons de plantes à des botanistes en Europe, aux États-Unis et au Japon. Encore aujourd’hui, on peut trouver ses plantes et ses archives dans des universités et des jardins botaniques partout dans le monde. Son nom est attaché au nom scientifique de 125 espèces de plantes qu’il fût le premier à découvrir, comme le Dryopteris taquetii Christ et le Rosa taqueti H. Lév.
« Je me rendais compte que je devenais de plus en plus curieux du fait que Taquet semblait se concentrer davantage sur sa collection de plantes que sur le travail missionnaire pour lequel il avait été envoyé en premier lieu en Corée. Il avait étudié auprès du père Urbain Pori, un botaniste qui avait travaillé au Japon. En 1901, peu avant l’arrivée de Taquet, des centaines de croyants catholiques avaient été massacrés lors d’une insurrection. Cela signifiait que les conditions missionnaires étaient très pauvres, et les Missions Etrangères de Paris avaient assuré une aide financière au père Taquet pour qu’il puisse envoyer ses spécimens de plantes. En tout cas, il est intéressant de se découvrir que c’est à partir de l’interaction entre ces deux prêtres que le cerisier royal fût envoyé au Japon, et que la tangerine de la préfecture de Kumamoto fut envoyée à l’île de Jeju en retour », raconte-t-il. Le père Jeong a remarqué un point commun entre les deux sites qu’il visita au cours de son périple d’un an : quel que soit le lieu où le père Taquet a servi, il avait laissé sur place d’anciens spécimens de cerisiers royaux. « Je n’ai trouvé aucune archive précisant quand, où et comment Taquet a planté ces arbres, c’est pourquoi j’ai demandé de l’aide à des botanistes. »
Le cerisier de Jeju est natif de l’île et distinct du sakura japonais

« Plus j’en apprenais sur Taquet, plus je sentais que c’était ma mission de le faire sortir de l’oubli et montrer son importance dans l’histoire de la Corée, non seulement comme missionnaire catholique mais aussi comme botaniste », explique le père Jeong Hong-gyu. Ce qui a permis à Jeong de saisir l’histoire de Taquet, qui avait été oubliée par l’histoire, c’est sa propre expérience en tant que prêtre. Né à Gyeongju en 1954 dans une famille bouddhiste, Jeong Hong-gyu fut baptisé catholique à l’âge de onze ans et diplômé de l’université catholique de Gwangju, puis ordonné prêtre en 1981. Jeong a commencé son œuvre pastorale dans les milieux ruraux autour de Daegu et il a pris part au programme de l’Église auprès des fermiers.
Une théologie des plantes basée sur la spiritualité du père Taquet
« C’est une fuite de phénol dans la rivière de Nakdong, survenue en 1991 alors que je servais dans une paroisse du quartier de Wolbae, dans le district de Dalseo de Daegu, qui m’a aidé à vraiment comprendre l’importance de l’environnement et de l’écologie. J’ai créé un groupe environnemental appelé ‘Blue Peace’, qui lança une campagne sur la fabrication artisanale de savons à partir d’huiles de cuisine. Le groupe a également lancé une campagne pour encourager les citadins à acheter leur nourriture directement auprès des fermiers », raconte le prêtre. Sa découverte de Taquet engendra chez lui une réflexion sur ses activités pastorales et lui fit prendre une nouvelle direction. « C’était pendant mon séjour d’un mois dans la paroisse de Hongno, au printemps 2018, que j’ai eu l’idée d’écrire ce livre », ajoute-t-il, affirmant que « personne ne peut sauver le monde seul ». Il ne s’attendait pas à ce que de nombreux amis et bienfaiteurs l’aident à aller au bout de son projet. Ainsi, le père Jeong a pu construire une serre contenant les plantes de Jeju et fonder l’Institut de Recherche de l’arboretum de Cheongdo, avec l’aide de Son Sang-myeong, PDG de Sina Development, et Kang Sang-yun, directeur du café Ajabang de Cheongdo (qui sert également de jardin et de musée). « En progressant, je cherche à réfléchir à une théologie des plantes basée sur la spiritualité du père Taquet et sur sa quête au service de la beauté. »
(Avec Hankyoreh)
CRÉDITS
Archidiocèse de Daegu et éditions Da Vinci
                    