Eglises d'Asie

Petites îles de la Sonde : Lamalera célèbre l’ouverture de la chasse à la baleine

Publié le 15/05/2019




Chaque année, de début mai à octobre, la saison de chasse reprend à Lamalera, une petite île de la province indonésienne des Petites îles de la Sonde orientales (Nusa Tenggara), dans le sud de l’archipel. L’île est située, en cette saison, sur la route migratoire des baleines qui traversent la mer de Savu de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud. En 1986, la Commission baleinière internationale a autorisé les habitants de Lamalera et quelques autres communautés indigènes de la région à poursuivre la pêche à la baleine, celle-ci faisant « intégralement partie de leurs cultures ». Pourtant, depuis deux décennies, plusieurs organisations de défense de l’environnement font part de leurs craintes, même si les communautés de pêche assurent que ces pratiques ne mettent pas en danger l’écosystème.

La chasse à la baleine est une tradition pratiquée depuis des générations à Lamalera, une petite île de la province indonésienne des Petites îles de la Sonde orientales (Nusa Tenggara), dans le sud de l’archipel. Avant le début de la saison de chasse, qui débute chaque année en mai pour une durée de six mois, les communautés de pêcheurs, en majorité catholiques, pratiquent certains rituels traditionnels durant trois jours, quelques participants tenant des chapelets et récitant des prières. Antonius Boli Azimu, un chef de village de 43 ans, explique que ces rituels mêlent des pratiques traditionnelles au catholicisme. Un point fort de ces trois jours est la Misa Leva ou « messe Leva », célébrée afin de rechercher la protection de Dieu et le succès de la pêche. « Cette tradition est pratiquée depuis l’époque de nos ancêtres », raconte Antonius Azimu. L’île de Lamalera est située sur la route migratoire des baleines qui traversent la mer de Savu de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud, chaque année entre mai et octobre. Les pêcheurs utilisent une flottille de petites embarcations, équipées de harpons et pouvant embarquer jusqu’à vingt villageois. Ils ont cessé d’utiliser des filets à cause des dégâts causés sur l’environnement. « À la place, quand nous apercevons les baleines ciblées, nous sautons du bateau et nous frappons la baleine avec les harpons », ajoute Antonius Azimu. La prise est partagée entre les pêcheurs, et une portion est réservée aux veuves et aux orphelins. Une partie de la viande de baleine est échangée contre des produits agricoles.

Conséquences écologiques

En 1986, la Commission baleinière internationale a autorisé cette communauté et quelques autres communautés indigènes de la région à poursuivre la pêche à la baleine, celle-ci faisant « intégralement partie de leurs cultures ». Pourtant, plusieurs groupes de protection de l’environnement ont fait part de leurs craintes au cours des deux dernières décennies. En 2010, le Fonds mondial pour la nature (WWF) a affirmé que la pêche à la baleine à Lamalera était une menace pour la survie de la population baleinière et pour la vie aquatique. Beaucoup d’écologistes ont critiqué l’usage d’embarcations modernes à la place des bateaux traditionnels, estimant que la pêche était devenue davantage commerciale que culturelle. Les organisations ont également souligné d’autres conséquences écologiques, affirmant que certains chasseurs tuent des raies mantas, qui sont censées être protégées par la loi indonésienne. En 2016, les médias locaux ont rapporté l’action de la police indonésienne qui, agissant suite à la plainte des écologistes, avait arrêté un pêcheur de Lamalera, Gregory Dengekae Krova, pour avoir tué des raies mantas. Beaucoup d’habitants de l’île ont considéré cette arrestation comme une attaque de leur mode de vie.

Emanuel Dile, un pêcheur de 35 ans, fait partie des 2 000 habitants de Lamalera. Ceux-ci vivent en grande partie de la mer, le climat de l’île étant relativement sec. « Pour nous, la mer est comme une mère », explique Emanuel Dile. « Tout en mer peut être utile pour nous, et c’est vrai que nous devons la préserver pour les générations futures. » Mais le pêcheur affirme que ces pratiques ne mettent pas en danger l’écosystème parce qu’ils ne s’attaquent qu’aux cachalots, qui ne sont pas classés comme une espèce en danger. « Nous n’attaquons pas non plus les baleines qui sont enceintes », affirme-t-il, ajoutant qu’ils ne peuvent capturer qu’une dizaine de baleines par an. Le gouvernement indonésien a reconnu officiellement la chasse à la baleine de Lamalera comme une partie intégrante de leur héritage culturel. Ces dernières années, le gouvernement l’a également mise en valeur comme une attraction touristique annuelle, attirant notamment des centaines d’étrangers. Agus Dermawan, du ministère des Affaires maritimes et de la Pêche, souligne que le gouvernement a demandé aux pêcheurs de conserver l’authenticité traditionnelle de la pêche et d’empêcher les abus commis par plusieurs individus.

Sagesse locale

Le père Piter Dile Bataona, natif de Lamalera, est coordinateur de la Commission de la Société du Verbe Divin pour la Justice, la Paix et l’Intégrité de la Création, pour la région du Timor occidental dans la province des Petites îles de la Sonde orientales. Le prêtre a déclaré, durant la messe Leva célébrée le 1er mai, que ces célébrations sont une occasion idéale de réaffirmer la sagesse et le savoir local. Le père Bataona assure que traditionnellement, les habitants de l’île ont des règles qu’ils doivent respecter, y compris des frontières qui délimitent la zone de pêche. « Ils ne font pas ce qu’ils veulent. Ils ont également l’habitude et l’obligation morale de ne pas tuer tous les types de baleines », explique-t-il. Le père Piter Bataona ajoute que quand la foi catholique a été introduite dans l’île en 1886 avec l’arrivée des missionnaires occidentaux, les rituels traditionnels faisaient déjà partie de leur héritage. Plutôt que d’interdire les anciens rituels, les habitants ont cherché ce qui pouvait être intégré dans les pratiques et les traditions de l’Église. Le prêtre précise que le concile Vatican II a souligné que « la foi doit s’enraciner dans les diverses cultures et traditions humaines ». Pour lui, l’héritage des habitants de l’île de Lamalera soutient leur foi.

(Avec Ucanews, Jakarta)


CRÉDITS

Handrianus Atagoran / Ucanews