Eglises d'Asie

Evêques catholiques et oulémas musulmans ne renoncent pas à la perspective de la paix à Mindanao et consultent les populations locales

Publié le 25/03/2010




A Mindanao, dans l’interminable conflit qui oppose les représentants des populations musulmanes et le gouvernement philippin, les responsables religieux, évêques catholiques d’une part, oulémas musulmans d’autre part, ont repris leur bâton de pèlerin pour faire avancer la cause de la paix. Dans le cadre de la Conférence des évêques et des oulémas, ils ont repris les consultations…

… au niveau des communautés locales, afin de dégager les bases d’un accord plus global, visant à faire redémarrer le processus de paix, mis à mal par la reprise des hostilités armées, l’été dernier, entre des combattants du MILF, le principal mouvement revendiquant l’autonomie pour les populations musulmanes de Mindanao, et les forces armées philippines (1).

Dans la semaine du 6 au 11 avril, des musulmans « facilitateurs » de dialogue se sont mis à l’œuvre à Mindanao, et, comme le précise le jésuite Albert Alejo, professeur de sociologie à l’université Ateneo de Davao et responsable du projet « Konsult Mindanaw » mis en place par la Conférence des évêques et des oulémas, leurs homologues chrétiens se mettront au travail, dans les régions majoritairement chrétiennes, une fois les fêtes de Pâques célébrées.

La Conférence des évêques et des oulémas est l’héritière du Forum des évêques et des oulémas, créé en 1996 par l’archevêque catholique de Davao et le président de la Ligue des oulémas. La Conférence, qui mène ses activités en étroite coordination avec Manille, a pour mission de contribuer à la paix et au développement de Mindanao en favorisant les contacts entre chrétiens et musulmans. Dans les semaines qui viennent, le travail des « facilitateurs » chrétiens comme celui de leurs homologues musulmans sera d’approcher les populations afin de recueillir les avis et les opinions sur quatre sujets principaux : en quoi consiste la paix ; les avis de chacun sur les conditions d’une paix entre le MILF et le gouvernement ; les actions et programmes à mettre en place pour parvenir à la paix ; et enfin les suggestions sur ce que chacun, en tant que membre de telle ou telle communauté et citoyen philippin, peut offrir, apporter ou renoncer pour parvenir à une paix durable à Mindanao.

Les animateurs du projet « Konsult Mindanaw » constatent que, ces douze dernières années, les échanges sur la paix ont principalement été menés par les deux parties en présence, le MILF et le gouvernement. Les populations en ont le plus souvent été tenues à l’écart. Il s’agit désormais, par l’entremise de ces consultations, « d’élargir les bases de la paix, d’atteindre les communautés à la base et les différents secteurs qui constituent la société de Mindanao », explique le P. Albert Alejo.

Le P. Albert Alejo précise qu’une rencontre entre le président de MILF, Al Haj Murad Ebrahim, et l’archevêque de Davao, Mgr Fernando Capalla, a eu lieu le 2 mars dernier à Camp Darapanan, siège du MILF situé dans la ville de Sultan Kudarat (province de Maguindanao). Le prêtre, qui y participait, souligne que le chef du MILF a explicitement donné son soutien au projet « Konsult Mindanaw ». Il est prévu que, durant les prochaines semaines, 300 groupes de discussion se mettront en place, chrétiens et musulmans, afin d’entendre les revendications de l’ensemble des acteurs de la société (mouvements de jeunes, syndicats, associations professionnelles, ONG, personnes déplacées par les combats, chefs coutumiers aborigènes, chefs Moro, paysans, pêcheurs, etc.).

Par ailleurs, le 2 avril dernier, l’un des trois otages de la Croix-Rouge retenus prisonniers par le groupe Abu Sayyaf depuis le 15 janvier 2009 a été libéré (2). Il s’agit de la Philippine Mary Jean Lacaba. Elle a été libérée après que la vice-gouverneur de la province de Sulu, Ann Sahidulla, soit allée au contact des ravisseurs pour obtenir la libération des otages. Selon l’armée philippine, qui maintient une forte pression militaire autour du lieu où les otages sont retenus, aucune rançon n’a été versée et les deux autres otages, le Suisse Andreas Notter, qui dirigeait l’antenne de la Croix-Rouge internationale à Zamboanga City, et son collègue, l’Italien Eugenio Vagni, sont toujours retenus mais en bonne santé. La tension qui était montée après qu’Abu Sayyaf eut menacé de décapiter son otage philippine si l’armée ne desserrait pas son étau semble être retombée d’un cran ; l’issue de l’affaire reste toutefois incertaine. Selon Ann Sahidulla, les ravisseurs ont relâché Mary Jean Lacaba car ils veulent « faire savoir qu’ils souhaitent la paix. Ils veulent changer de vie ». La prise d’otages se déroule à Jolo, à l’ouest de Mindanao, sur une île peuplée de 500 000 habitants, à 98 % musulmans. Le groupe Abu Sayyaf, mouvement évoluant à la lisière du grand banditisme et de l’extrémisme islamique, avait enlevé et détenu durant plusieurs mois des touristes et des journalistes français en 2000.