Eglises d'Asie

Plusieurs organisations craignent un recul de la démocratie en Indonésie

Publié le 02/06/2023




Le 30 mai, des membres du groupe des Parlementaires de l’Asean pour les droits de l’homme (APHR) ont publié un communiqué à l’approche du 25e anniversaire de la chute du dictateur Suharto, en craignant un recul de la démocratie en Indonésie malgré les réformes entreprises à l’époque. Par ailleurs, le père Bernard Baru, basé en Papouasie, estime qu’il n’y a eu « aucun progrès digne de ce nom » dans l’extrême est du pays, une des régions les plus pauvres et toujours en proie aux conflits internes.

Doni Parera, un catholique de l’île de Flores, a été arrêté pour le mois dernier pour avoir tenté d’organiser une manifestation durant le sommet de l’Asean (du 9 au 11 mai).

Plusieurs organisations ont dénoncé récemment le recul des libertés civiles et fondamentales en Indonésie, alors que le pays d’Asie du Sud-Est se prépare à marquer le 25e anniversaire de la chute du dictateur Suharto et du retour de la démocratie. Dans une déclaration publiée le 30 mai, des membres du groupe des Parlementaires de l’Asean pour les droits de l’homme (APHR) ont exprimé leurs inquiétudes, en particulier face au contrôle renforcé des contenus publiés sur les réseaux sociaux et aux attaques numériques contre les défenseurs des droits de l’homme et les médias.

« L’Indonésie a entrepris de grandes réformes démocratiques après la chute du régime autoritaire de l’Ordre Nouveau il y a 25 ans, mais nous craignons que si la tendance actuelle à la restriction de la liberté d’expression en ligne se poursuit ainsi, ces progrès importants seront perdus », a souligné Yuneswaran Ramaraj, membre de l’APHR et parlementaire malaisien.

« La loi est clairement détournée »

Le communiqué est publié alors que l’APHR vient de conclure une mission d’enquête sur la liberté sur Internet à Jakarta, où les membres du groupe ont rencontré des organisations locales, des journalistes, des entreprises technologiques, des représentants du gouvernement et des parlementaires indonésiens. Une des principales conclusions de la mission d’enquête concerne la façon dont la loi ITE (Electronic Information and Transaction) a été exploitée par ceux qui étaient au pouvoir afin de criminaliser et faire taire des voix critiques pacifiques.

Ils ont cité la poursuite des militants Haris Azhar et Fatia Maulidiyanti, condamnés dans le cadre de la loi ITE pour avoir simplement évoqué sur Youtube des accusations à l’encontre du ministre des Affaires maritimes et de l’Investissement, Luhut Binsar Panjaitan, qui aurait été impliqué dans des activités minières en Papouasie. « La loi est clairement détournée et c’est une grave menace pour les échanges d’opinion en ligne, surtout à l’approche des élections », estime Elvina Sousa Carvalho, un membre de l’APHR au Timor oriental.

834 personnes victimes d’attaques physiques et numériques en 2022

Dans un rapport récent, Amnesty International a également partagé les mêmes préoccupations, en affirmant que la situation de la démocratie dans le pays est contraire aux idéaux des réformes entamées il y a 25 ans. L’organisation précise que cette année, 127 journalistes, étudiants, indigènes, militants et autres opposants ont été attaqués de différentes manières, entre des poursuites judiciaires, des arrestations, des tentatives de meurtre et des attaques physiques. Amnesty cite aussi une accusation de sédition contre quatre catholiques, survenue le mois dernier, alors qu’ils prévoyaient d’organiser une manifestation durant le sommet de l’Asean (Association des nations de l’Asie du Sud-Est) à Labuan Bajo (Flores).

L’organisation affirme que 834 personnes ont été victimes d’attaques physiques et numériques en 2022 contre 328 en 2019. Par ailleurs, l’Economist Intelligence Unit, une société britannique, a classé l’Indonésie parmi les « démocraties défaillantes » avec un « indice de démocratie » de 6,71. Selon l’organisation, les indicateurs en matière de culture politique démocratique et de libertés civiles ont fortement reculé en Indonésie. Ils sont passés respectivement de 5,63 à 4,38 et de 7,06 à 6,18 entre 2010 et 2022.

De son côté le père Bernard Baru, basé en Papouasie, estime qu’il n’y a eu « aucun progrès digne de ce nom, si l’on observe la situation dans la partie la plus à l’est du pays ». « En dehors des restrictions sur les libertés civiles, les approches militaristes envers les civils n’ont pas changé à ce jour [en Papouasie], et les cas de violences et d’exécutions extrajudiciaires n’ont pas été résolus », ajoute-t-il. En 2022, selon le prêtre, il y a eu 14 exécutions illégales en Papouasie, dont cinq menées par la police et l’armée, sans aucune enquête judiciaire par la suite. « Sans compter les arrestations et les dissuasions vis-à-vis des manifestants. Donc si on se demande si les objectifs des réformes ont été atteints, on peut conclure qu’on en est encore loin. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews