Eglises d'Asie

Province de Quang Nam : des religieuses vietnamiennes offrent une nouvelle vie aux malades de la tuberculose

Publié le 08/05/2021




Les Sœurs de Saint Paul de Chartres de Quang Nam, dans le centre du Vietnam, font partie de plusieurs congrégations locales (dans les villes de Da Nang, Hué et Dong Ha) qui fournissent une aide alimentaire et divers produits de première nécessité aux patients démunis, notamment les patients atteints de tuberculose ou du sida. Près de 100 000 nouveaux cas de tuberculose sont identifiés et soignés chaque année dans le pays. Le Vietnam est classé 11e sur 30 pays dont le taux de tuberculose est le plus élevé. Le pays s’est engagé politiquement à vaincre définitivement la maladie d’ici 2030.

Huynh Thi Phung, une ancienne malade de la tuberculose, vend de la nourriture traditionnelle sur le trottoir, à Hoa Vang dans la province de Quang Nam.

Il y a quelques années, Truong Van Lenh, un bouddhiste vietnamien du centre du Vietnam, a attrapé la tuberculose auprès de ses codétenus, alors qu’il purgeait une peine de prison de neuf mois pour trafic de drogue. Après sa libération en 2017, il a appris que sa femme et ses deux enfants avaient vendu sa maison, dans la province de Quang Nam (sur la côte centrale du pays), et qu’ils étaient partis en le laissant sans-abri. Sa santé s’est rapidement détériorée et il ne parvenait pas à se réintégrer dans la société, à cause des risques de contagion et de son statut d’ancien détenu. En 2018, Truong Lenh a été envoyé au service de pneumologie d’un hôpital public de Da Nang pour y recevoir un traitement médical. Il y a bénéficié de repas gratuits grâce aux sœurs de Saint Paul de Chartres et aux volontaires catholiques.

Les religieuses font partie de plusieurs congrégations locales (dans les villes de Da Nang, Hué et Dong Ha) fournissant une aide alimentaire et divers produits de première nécessité aux patients atteints de la tuberculose et du sida, entre autres, afin d’aider les malades dans le besoin soignés dans les hôpitaux publics de la région. « Les religieuses m’ont offert un million de dongs [36 euros] par mois pour que je puisse payer mon loyer une fois rétabli. Elles m’ont aussi donné 2 millions de dongs [72 euros] supplémentaires pour que je puisse vendre des billets de loterie afin de pouvoir m’en sortir », raconte Truong Lenh, aujourd’hui âgé de 53 ans, qui se déplace en fauteuil roulant après avoir perdu sa jambe droite à cause de complications liées au diabète. « Aujourd’hui je suis heureux, je peux gagner environ 70 000 dongs [2,5 euros] par jour pour pouvoir me nourrir », poursuit-il, cité par Global Sisters Report, en ajoutant que dans le passé, il a fait une tentative de suicide parce qu’il ne voyait aucune perspective d’avenir.

135 patients rétablis depuis 2015

Sœur Lucia Dong Thi Tam, des sœurs de Saint Paul de Chartres, dirige une clinique dans la province de Quang Nam. Trois religieuses y apportent des soins gratuits à 27 patients atteints de tuberculose. Beaucoup de ces patients n’ont aucune adresse permanente et sont sans domicile fixe ni papiers – ils ne peuvent donc accéder aux hôpitaux publics. Parmi les autres patients, on trouve des chauffeurs de taxi moto, des vendeurs de billets de loterie et de biens d’occasion, ainsi que des balayeurs qui travaillent dans les marchés traditionnels. « Nous demandons régulièrement des dons à nos bienfaiteurs pour pouvoir nourrir et soigner nos patients, et pour pouvoir transférer les cas les plus graves dans les hôpitaux publics », confie sœur Lucie Tam, âgée de 55 ans, qui ajoute que les religieuses financent aussi la sécurité sociale de beaucoup de patients.

Depuis l’ouverture de la clinique catholique en 2015, 135 patients ont été pleinement rétablis après avoir attrapé la tuberculose. Sœur Lucie explique que les religieuses qui travaillent dans les paroisses identifient les patients atteints de tuberculose pour leur rendre visite régulièrement et prendre soin d’eux. Elles leur montrent également comment se soigner et leur font passer des examens cliniques. Les sœurs leur offrent aussi de l’argent et de la nourriture. Si un patient meurt, les religieuses participent aux funérailles et consolent les proches. Certaines religieuses de Da Nang fournissent une aide alimentaire quotidienne à trente patients d’un hôpital public, qui ne peuvent acheter leur propre nourriture faute de moyens. « Nous sensibilisons aussi la population locale sur la tuberculose, on leur apprenant comment prévenir la maladie et soigner les patients. Nous leur disons que la tuberculose peut se guérir, et qu’ils doivent aimer et aider les patients à recevoir un traitement le plus tôt possible », ajoute sœur Tam.

Vaincre la tuberculose d’ici 2030

Selon le Programme national vietnamien de contrôle de la tuberculose, environ 100 000 nouveaux cas de tuberculose sont détectés et soignés chaque année, tandis que 50 000 nouveaux patients sont non diagnostiqués. Près de 12 000 personnes meurent chaque année au Vietnam à cause de la maladie, un bilan supérieur aux décès liés aux accidents de la route. Les tuberculeux meurent souvent parce que la maladie n’a pas été traitée à temps. Le pays d’Asie du Sud-Est est classé 11e sur 30 pays dont le taux de tuberculose est le plus élevé dans le monde. Le Vietnam s’est engagé politiquement à vaincre définitivement la tuberculose d’ici 2030. Nguyen Truong Son, ministre adjoint de la Santé, a déclaré en mars que tous les patients atteints de tuberculose doivent être soignés gratuitement selon la loi. Pourtant, nombre d’entre eux subissent le poids financier lié au diagnostic, entre les radios, les médicaments, la nourriture et autres frais, pour un total couvrant plus de 20 % de leurs revenus annuels. Dans son intervention, le ministre vietnamien a reconnu qu’il y avait toujours trop de discrimination contre les patients atteints de tuberculose, ce qui a tendance à donner à ces derniers un complexe d’infériorité et à les pousser à cacher leur maladie.

« J’ai une nouvelle vie grâce aux religieuses »

Marie Luong Thi Xuan Phuong, de Hoi An, a attrapé la scrofule (tuberculose ganglionnaire) par son mari, qui est mort du sida. Bien que guérie après un traitement dans un hôpital local en 2019, elle explique que ses voisins sont restés à distance et qu’elle a été rarement invitée aux mariages et aux fêtes de funérailles. Quand c’était le cas, peu de gens restaient à sa table et certains allaient jusqu’à jeter les baguettes et les assiettes qu’elle utilisait. « Mais j’ai une nouvelle vie grâce aux religieuses, qui viennent me voir souvent et qui me réconfortent », confie Marie Phuong, âgée de 42 ans. « J’ai aussi participé à une formation de 3 jours sur la prévention de la tuberculose et sur le sida, dans leur clinique de Binh An. » Marie Phong, qui enseigne dans un centre d’accueil de jour dirigé par les sœurs de Saint-Paul de Chartres, est aussi devenue volontaire dans un programme de prévention du sida créé par le diocèse de Da Nang. « Le week-end, je me joins aux religieuses lors des opérations de sensibilisation des catholiques des paroisses locales sur le sida et sur la tuberculose », explique-t-elle, ajoutant qu’avec son fils, ils se sont convertis au catholicisme l’an dernier.

Huynh Thi Phung, qui fumait beaucoup autrefois et qui a attrapé la tuberculose, confie qu’elle a été guérie et qu’elle gagne aujourd’hui jusqu’à 100 000 dongs (3,6 euros) par jour en vendant de la nourriture traditionnelle sur le bord de la route, à Da Nang. Huynh Phung, âgée de 46 ans, explique qu’avant cela, elle ramassait des ordures pour survivre, après avoir purgé trois ans de prison en 2018 (après avoir été impliquée dans un réseau de prostitution). Son fils unique, par ailleurs, a été placé dans un camp de détention pour vol. « Aujourd’hui, j’ai retrouvé ma dignité et j’ai une vie meilleure, grâce au soutien généreux des religieuses qui m’ont soignée comme l’une de leurs proches », se réjouit-elle. Sœur Agatha Le Thi Bich, des sœurs de Saint Paul de Chartres, travaille avec une autre religieuse dans un hôpital de la province de Quang Tri. Elle explique que chaque mois, elles donnent de l’argent à 47 patients dont neuf ont la tuberculose, pour couvrir leurs frais hospitaliers et leur nourriture. Sœur Agatha, infirmière, ajoute qu’elles travaillent aussi avec des patients externes et qu’elles offrent un accompagnement psychologique pour qu’ils puissent dépasser leurs épreuves et poursuivre leur traitement. « Les patients démunis rechignent à recevoir un traitement hospitalier, c’est pourquoi leur maladie s’aggrave », confie la religieuse. « Nous nous occupons d’eux avec amour et nous les accompagnons avec patience, tout au long de leur traitement. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Joachim Pham / globalsistersreport.org