Eglises d'Asie

Province de Son La : une villageoise Hmong choisie comme marraine et missionnaire laïque

Publié le 12/07/2022




Mgr Dominique Hoang Minh Tien, évêque de Hung Hoa, a baptisé 90 villageois Hmongs en mars dans l’église de Mai Yen, dans le district de Mai Son, dont une vingtaine de convertis de la station missionnaire de Ho Sen. Le père Joseph Nguyen Tien Lien, curé de Mai Son, a choisi Marie Song Thi May, une Hmong de 32 ans de Ho Sen, comme missionnaire laïque auprès de la communauté locale, et comme marraine pour plusieurs centaines de nouveaux baptisés Hmongs. « C’est un don de Dieu pour apporter son amour au peuple Hmong », assure le prêtre.

Marie Song Thi May, 32 ans, une femme Hmong du village de Ho Sen (province de Son La, à 300 km de Hanoï).

Pour Marie Song Thi May, âgée de 32 ans et mère de deux enfants, son enfance défavorisée et sa jeunesse difficile sont des lointains souvenirs depuis qu’elle est devenue catholique. « Je ne me sens plus sans espoir dans la vie, parce que le catholicisme est un souffle de vie pour moi. Depuis que j’ai rencontré Dieu, je suis déterminée à apporter l’amour divin aux autres gens miséreux », confie-t-elle en ajustant un costume traditionnel coloré.

Marie May vient du village de Ho Sen, dans la commune de Hua Nhan, dans la province montagneuse et reculée de Son La (dans le nord-ouest du Vietnam, à 300 km de Hanoï). Cette femme Hmong cherche tous les soirs à rencontrer les familles locales pour leur parler d’un Dieu puissant, qui est meilleur que les dieux de la nature. Elle évoque aussi les prêtres et laïcs de la paroisse locale de Mai Yen, qui apportent des aides matériels aux plus démunis.

« Au début, ils ne comprennent pas de quoi je veux parler, mais après plusieurs visites, cela fait son chemin et certains finissent par me demander de rencontrer les prêtres. Je pense que c’est Dieu qui ouvre leurs esprits et qui leur montre comment aller à lui. » Le week-end, elle rassemble aussi des villageois catholiques chez elle pour prier dans leur langue hmong, étant donné qu’ils parlent peu le vietnamien. Ils se soutiennent mutuellement, font des dons destinés aux pauvres, envoient des malades à l’hôpital et prient pour une bonne météo et pour les récoltes.

« Ma jeunesse a été plongée dans la misère, mais Dieu m’a comblée »

Le village de Ho Sen est une station missionnaire qui compte 24 familles Hmongs, dont la moitié se sont converties au catholicisme au cours des trois dernières années. La communauté Hmong, dans la commune de Hua Nhan, fait partie des plus précaires du pays. Les membres du groupe ethnique vivent en faisant pousser du riz, des prunes, des pêches et du thé, entre autres, sur les collines environnantes. Ils élèvent aussi du bétail et de la volaille, mais ils souffrent de certaines pénuries alimentaires une partie de l’année.

Les familles, nombreuses, vivent dans des maisons en bois qui sont souvent malmenées par les tempêtes de grêle et par les inondations. Leurs conditions de vie sont difficiles et ils ont peu accès à l’éducation et à la santé. Quand quelqu’un tombe malade, la famille emprunte de l’argent pour acheter un poulet ou autre tête de bétail, avant d’aller voir le shaman pour faire des offrandes aux dieux dans l’espoir d’une éventuelle guérison.

Marie May raconte comment son père est mort de maladie quand elle avait seulement quatre mois. Quand sa mère s’est remariée, sa fille a dû quitter l’école avant le collège pour s’occuper de ses petits frères et sœurs. Elle prenait aussi en charge les tâches ménagères et l’élevage du bétail, et elle travaillait à la ferme pour soutenir sa famille. Elle avait seulement 15 ans quand elle a été « enlevée » et mariée à un adolescent qui était au lycée.

« J’étais trop jeune pour comprendre ce qu’était l’amour », confie-t-elle. Victime d’un mariage précoce, elle a travaillé dur pendant des années pour soutenir son mari jusqu’à ce qu’il soit diplômé à l’université et qu’il commence à travailler pour une agence gouvernementale. « Mais il m’a chassée de la maison et il ne m’a même pas autorisée à emmener mon fils », ajoute-t-elle. Son mari s’est remarié deux fois mais ses autres épouses l’ont quitté. Son fils a aujourd’hui 13 ans. L’infortunée Marie Song Thi May est retournée vivre auprès de sa famille avant de se remarier plus tard avec un autre homme Joseph Hang A Chinh, du village de Ho Sen. Ils ont deux enfants de 2 et 7 ans. « Ma jeunesse a été plongée dans la misère durant des années, mais aujourd’hui, Dieu m’a comblée et bénie », confie-t-elle.

« Les gens ont commencé à changer d’attitude peu à peu »

Marie May en costume traditionnel, comme marraine lors d’un baptême dans l’église de May Yen, en mars 2022.

En 2018, quand sa fille est tombée malade, elle a emprunté de l’argent pour faire des offrandes de poulet et de porcs aux dieux de la nature, sans succès. Une femme catholique lui a alors suggéré de demander l’aide du père Joseph Nguyen Tien Lien, curé de la paroisse de Mai Yen, dans le district de Mai Son. « Il s’est occupé de nous avec bonté dès notre première rencontre. Il m’a aidée à emmener ma fille à l’hôpital, et il nous a donné de l’argent pour payer son traitement », raconte-t-elle. Le père Lien a aussi demandé aux paroissiens de prier la Vierge Marie pour la guérison de l’enfant, ajoute-t-elle.

« En écoutant les conseils du père Lien, nous avons suivi un parcours de catéchuménat au cours duquel nous avons appris le catéchisme et les prières en vietnamien et en langue hmong. Après le parcours, nous avons décidé de nous convertir, et nous avons été baptisés en juin 2019 », confie-t-elle. Les villageois ont ensuite commencé à la mépriser pour avoir suivi une « fausse religion » en l’accusant d’attirer la malchance et de diviser la communauté, alors que personne dans le village n’était catholique. La famille de son mari est restée distante ; son beau-père est protestant et le reste de la famille est sans religion. Le catholicisme était absolument inconnu pour eux.

« Les gens ont commencé à changer d’attitude envers moi et le catholicisme peu à peu. Au cours des deux dernières années, 11 familles sur 24 se sont converties », poursuit-elle. Son mari, Joseph, explique qu’au début, lui et ses proches étaient en colère vis-à-vis de la conversion de Marie May, qui était perçue comme une infidélité envers ses ancêtres et les traditions Hmongs. « Nous avons changé peu à peu notre façon de voir les choses puisque ma femme continuait de bien s’occuper de nos enfants et de la famille élargie. Je pouvais aussi voir que le catholicisme apportait un nouvel espoir et soulageait nos souffrances, donc j’ai fini par me convertir aussi. »

90 villageois Hmongs baptisés en mars

Joseph Chinh et son plus jeune fils ont été baptisés en 2020, et ils se sont joints à Marie May en invitant le père Linh et les autres catholiques à se rendre dans leur village pour célébrer la messe chez eux. Ces derniers ont également fourni de la nourriture et des vêtements aux villageois, et prié pour les défunts et les ancêtres. « Cela m’a émue aux larmes, et j’ai trouvé beaucoup de consolation auprès d’eux. Cela m’a rendue forte, courageuse et déterminée à être disciple. » De son côté, son mari se dit redevable envers Marie May pour avoir introduit la vraie religion dans le village, et il emmène toutes les semaines la famille à moto pour assister à la messe dans une église située à 26 km de chez eux.

Marie encourage également les villageois à soutenir l’éducation de leurs enfants et à refuser les mariages précoces. « Ils doivent se marier après avoir atteint la vingtaine, selon la loi et pour leur propre bien. » Elle conseille aussi aux habitants de visiter les hôpitaux plutôt que les shamans. « Beaucoup de villageois ont retiré les autels dédiés aux faux dieux, après être devenus catholiques », ajoute-t-elle.

« Sans elle, nous ne pourrions pas travailler avec les villageois »

Des villageois Hmongs lors d’un mariage dans la province de Yen Bai, dans le nord-ouest du Vietnam.

Le père Lien explique que Mgr Dominique Hoang Minh Tien, évêque de Hung Hoa, a baptisé 90 villageois Hmongs en mars dans son église, dont une vingtaine originaires de la station missionnaire de Ho Sen. Le prêtre confie qu’il a choisi Marie May, qui s’est portée volontaire pour travailler comme missionnaire laïque, à devenir la marraine de plusieurs centaines de convertis Hmongs, pour qu’ils puissent suivre son exemple. Il apprécie notamment son courage et ses nombreux efforts. « Elle représente un don spécial de Dieu pour apporter son amour à son peuple. Sans elle, nous ne pourrions pas travailler avec les villageois. »

Le père Joseph Lien ajoute que Marie May fait partie d’une vingtaine de missionnaires laïques implantés dans 20 stations missionnaires des deux districts de Mai Son et de Bac Yen. Il ajoute que le travail d’évangélisation repose principalement sur les missionnaires laïcs, étant donné que les autorités locales limitent encore les activités des prêtres et que la paroisse n’est toujours pas reconnue par le gouvernement. « Ce sont ceux sur lesquels nous pouvons nous reposer pour introduire les valeurs chrétiennes auprès des villageois, et pour maintenir des activités religieuses dans les nouvelles communautés. »

La province de Son La compte 12 groupes ethniques pour une population totale d’1,3 million d’habitants, dont 220 000 Hmongs. Dans la province, seulement près de 9 000 habitants sont catholiques. Mais Marie May assure que les villageois non catholiques commencent à s’intéresser au christianisme et qu’ils ont beaucoup de respect pour ceux qui visitent le village. « J’essaie de faire de mon mieux pour transmettre la foi à mes proches et aux villageois », conclut-elle en souriant.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Ucanews