Eglises d'Asie – Vietnam
Quang Tri : la menace des terrains minés, plus de 45 ans après la fin de la Guerre du Vietnam
Publié le 03/05/2022
Dans la province de Quang Tri, le mois dernier dans le centre du Vietnam, trois ouvriers du bâtiment ont découvert un obus non explosé et profondément enterré, alors qu’ils creusaient les fondations d’une nouvelle maison. Le propriétaire de celle-ci, Le Phu Dinh, a estimé que les ouvriers et les onze membres de sa famille sont passés tout près de la mort, alors que ceux qui travaillaient sur le chantier ont d’abord envisagé d’utiliser une foreuse électrique, pensant qu’il s’agissait d’une pierre.
Mais Le Phu Dinh, père de deux enfants, a signalé la situation aux autorités locales qui ont déployé une équipe de déminage sur le site. Sa famille a décrit aux médias locaux avec crainte ce qui s’est avéré être un obus de près de 25 kg et 60 cm de long. Il a été retiré en toute sécurité le 2 avril dernier. Le chantier est situé à Khe Sanh, sur le site d’une ancienne base américaine qui a connu des combats violents durant la Guerre du Vietnam (1955-1975).
Par ailleurs, Huynh Thi Sen, membre du groupe de déminage de la province, explique avoir également découvert et vidé, début mars sous les fondations de trois maisons à Dong Ha (capitale de la province), un ancien site de stockage de munitions contenant près de 400 obus de mortier, mines et grenades. Selon Huynh Thi Sen, âgé de 31 ans, qui a rejoint une équipe de déminage (qui compte 63 membres, dont 15 femmes) en 2019, la réserve de munitions s’étendait sur une surface de près de 100 m², et aurait été abandonnée par les soldats du Sud Vietnam quand la province a été saisie par les communistes en 1972.
Son groupe a été affecté au projet « RENEW » (Restaurer l’environnement et neutraliser les effets de la guerre), lancé en 2001 par le gouvernement de la province de Quang Tri, conjointement avec des ONG internationales, afin de réduire le nombre de décès et de blessés causés par l’explosion de munitions ou de mines abandonnées depuis la guerre, qui a pris fin le 30 avril 1975.
40 000 décès et 60 000 blessés depuis la fin de la guerre
Le 3 avril dernier, Hoang Nam, vice-président du Comité populaire de la province de Quang Tri (l’une des plus lourdement affectées par les munitions abandonnées non explosées), a affirmé que 25 000 hectares de terrains contaminés ont été dégagés à ce jour, et que 770 000 engins explosifs ont été retirés. Il a ajouté que la province, qui compte environ mille ouvriers formés au déminage, espère retirer tous les engins explosifs d’ici 2025. Il assure que plusieurs dizaines de milliers de victimes reçoivent des soutiens matériels.
Le Vietnam a enregistré près de 40 000 décès et 60 000 blessés à cause de munitions et obus non explosés depuis la fin de la guerre. Huynh Van Nuoi, de la commune de Cam Nghia dans le district de Cam Lo, a perdu sa jambe gauche à cause d’un éclat d’obus alors qu’il faisait du jardinage en 1978. Âgé de 65 ans, il ajoute qu’en février dernier, son neveu est mort dans une explosion d’obus alors qu’il creusait un caniveau (un obus probablement tiré par la guérilla du nord durant la guerre). Il s’agit du dernier accident survenu dans cette commune, où les habitants ont été hantés durant plusieurs décennies par de telles explosions. Huynh Van Nuoi reçoit une aide de 720 000 dongs (30 euros) par mois de la part du gouvernement.
« Nous sommes des victimes innocentes »
Nguyen Thi Dang, un fermier du district de Gio Linh, confie qu’en juin 2018, son fils adolescent et son ami ont trouvé un obus dans un champ où ils s’occupaient de buffles d’eau. Ils l’ont ramené chez eux alors que le reste de la famille était absent. « L’obus a explosé, tuant les deux garçons sur le coup. Depuis, nous nous demandons pourquoi notre fils innocent est mort si jeune et de façon aussi tragique », regrette cette mère de 47 ans. De son côté, Nguyen Thi Hong, du district de Hai Lang, explique que beaucoup d’habitants gagnent leur vie en explorant les vieux champs de bataille, afin de revendre des balles et des obus comme ferraille. « Je refuse toujours d’en acheter, parce que je n’oublie pas ce qui arrivé à mon mari », ajoute-t-elle. Ce dernier, un forgeron, est mort il y a cinq ans alors qu’il tentait de scier un obus.
Thaddeus Le Ngoc Han, de la province voisine de Thua Thien Hue, explique qu’en 2002, a lui-même perdu un pied à cause d’une mine. « Nous sommes les victimes innocentes d’un conflit qui a pris fin il y a presque un siècle. Tout le monde doit s’unir pour s’assurer que cela n’arrive plus », insiste ce père de famille de 48 ans. « Je remercie les catholiques qui m’ont offert un fauteuil roulant et dix kilos de riz par mois, en plus d’une aide financière offert pour construire ma maison. »
Le père Joseph Phan Tan Ho, de la congrégation du Sacré-Cœur, explique que tous les ans, à Hué, sa communauté donne de l’argent, de la nourriture et des fauteuils roulants à 200 soldats handicapés et autres victimes de guerre, durant le Nouvel an lunaire et les fêtes catholiques. Le prêtre ajoute que sa congrégation apporte un soutien matériel et psychologique aux victimes, afin de les aider à s’en sortir et à réintégrer la société. Leurs enfants reçoivent également des bourses d’étude. « Nous faisons de notre mieux pour aider nos frères et sœurs victimes de la guerre », poursuit-il.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews