Eglises d'Asie

Selon une enquête nationale, 25 % des Japonais veulent continuer de porter le masque après la pandémie

Publié le 18/12/2021




Selon une enquête nationale, 25 % de répondants japonais affirment vouloir continuer de porter un masque après la fin de la pandémie de Covid-19. « Couvrir le visage devient une façon de cacher un manque de confiance en soi », craint Tatsuji Tamura, médecin d’une clinique neurologique de Naka (au nord de Tokyo), qui prédit qu’après la crise sanitaire, les Japonais, qui avaient déjà cette habitude avant la pandémie, continueront de porter un masque. « Cela rend les contacts plus faciles », avoue Sakura, une employée de bureau du quartier de Shibuya, à Tokyo.

Le quartier de Shibuya, à Tokyo, au début de la pandémie de Covid-19 en 2020.

Au Japon, où la population avait déjà l’habitude de porter des masques avant l’arrivée de la pandémie de Covid-19, même face à la baisse récente du niveau d’infection dans le pays, porter un masque est devenu tellement naturel dans les écoles que c’est même considéré comme faisant partie du seifuku (l’uniforme). Certains ne peuvent quitter leur domicile sans masque sans se sentir honteux et gênés.

Yuki, un étudiant de 21 ans de Mitaka, dans la banlieue ouest de Tokyo, ne voit pas seulement son utilité médicale. « Les masques ont un double effet positif sur moi. Si j’en porte un, cela devient difficile de lire mon expression faciale. Ainsi, si je n’ai pas envie de parler, cela incite les gens à ne pas m’approcher. Par ailleurs, quand je suis en classe, même si le professeur se met en colère contre moi, je ne me sens pas trop honteux », avoue-t-il avec un rire.

Yuki n’est pas seul à penser de cette manière. Selon une enquête nationale, 25 % des répondants ont affirmé vouloir continuer de porter un masque même après la fin de la pandémie. Pour la majorité des Japonais, il semble que le fait de porter un masque permette d’apaiser les anxiétés vis-à-vis des rapports interpersonnels. « Si je porte un masque, j’ai l’impression que cela ajoute quelque chose esthétiquement. Je n’ai pas envie de décevoir les gens en l’enlevant », explique Sakura, une employée de bureau qui travaille dans le quartier de Shibuya, à Tokyo. Elle ajoute qu’elle n’a pas l’intention de l’enlever après la crise sanitaire.

Sakura a rejoint son entreprise actuelle après l’arrivée du virus au japon, et elle a passé presque deux ans au travail sans avoir eu l’occasion de montrer son visage à ses collègues ou de voir le leur sans masque. « Cela rend les contacts plus faciles, d’une certaine manière, de ne pas voir à quoi ils ressemblent tous », avoue-t-elle. Elle ajoute avoir trouvé étrange d’apercevoir le visage d’un collègue un midi, et elle s’inquiète à l’idée de provoquer la même réaction envers elle.

« Une façon de cacher un manque de confiance en soi »

Un commentaire publié en ligne est récemment devenu viral au Japon : « Je n’ai plus le courage d’exposer mon visage à l’extérieur. Il y a deux mois, j’ai senti deux types me regarder alors que je mangeais dehors. Au moment où j’ai enlevé mon masque, j’ai entendu un rire désagréable, et depuis, je crains d’être jugé et blessé par des étrangers. Cela ne me dérange pas de masquer un masque pour le reste de ma vie. »

Tatsuji Tamura, un médecin d’une clinique neurologique de la ville de Naka (au nord de Tokyo), remarque que la dépendance de ce jeune au fait de porter un masque s’inscrit dans les problèmes de communication interpersonnels qui existent entre les jeunes japonais. Il fait le lien entre ce phénomène et une nouvelle maladie moderne affectant ce qu’il appelle la « génération TikTok », qui n’a pas développé les capacités nécessaires aux communications physiques directes. « Couvrir le visage devient une façon de cacher un manque de confiance en soi », ajoute-t-il. Après la pandémie, il prédit donc que des gens continueront de porter le masque pour cette raison.

La situation semble plus grave encore concernant les enfants. Selon une équipe de professeurs italiens en chirurgie plastique, auteurs d’un article publié en juin 2020, le port du masque prolongé peut entraîner, pour les jeunes enfants, une déformation et un décollement permanent de l’oreille. Par ailleurs, le fait de cacher les lèvres et d’étouffer la parole de gens peut affecter la croissance et l’apprentissage linguistique des jeunes enfants, et d’autant plus pour les enfants malentendants qui ne peuvent plus lire sur les lèvres. Incapables de lire les expressions faciales, les jeunes risquent aussi de mal interpréter les autres d’une façon durable, en particulier chez les enfants autistes.

La communication non verbale affectée

Par ailleurs, une équipe de chercheurs de l’université de Witten / Herdecke, en Allemagne, a demandé récemment à presque 18 000 parents de rapporter les conséquences indésirables du port du masque chez leurs enfants. Plus de la moitié ont affirmé que les masques causent des maux de tête chez leurs fils et leurs filles, et que cela affecte leur concentration. Plus d’un tiers ont parlé d’autres conséquences (notamment phobie scolaire, tristesse, somnolence et fatigue) qui affectent l’apprentissage des enfants.

Une loi élaborée par le Dr Albert Mehrabian, un psychologue américain, a établi quelles informations sont considérées comme prioritaires en communiquant – l’information elle-même (communication verbale), les expressions faciales (communication visuelle) et la voix (communication vocale). Après des expériences répétées, les résultats ont conclu que seulement 7 % de la communication est verbale (par le langage), contre 55 % et 38 % respectivement pour la communication visuelle (expressions faciales) et vocale (par la voix).

En d’autres termes, plus de 90 % d’information non verbale, comme l’apparence ou le ton de la voix, est priorisée par rapport au contenu de l’information. Ainsi, en portant un masque, les expressions faciales sont cachées et la quantité d’information visuelle est fortement diminuée. La voix est également étouffée et des nuances subtiles peuvent ne pas être entendues. Enfin, alors que les jeunes générations japonaises semblent avoir du mal à communiquer leurs émotions en face-à-face, comment être sûr qu’en leur donnant un outil de plus pour altérer la qualité de leurs interactions, on n’affecte pas leur croissance future ?

L’auteur (Cristian Martini Grimaldi), basé à Tokyo, couvre le Japon, la Corée et d’autres pays asiatiques. Il a travaillé pour L’Osservatore Romano durant plus de dix ans et contribue régulièrement pour des médias italiens.

(Avec Ucanews, Cristian Martini Grimaldi)


CRÉDITS

nakashi (CC BY-SA 2.0)