Eglises d'Asie

Sœur Zenaida Cabrera : « L’assistance aux détenus ne fait pas partie du budget du gouvernement »

Publié le 20/01/2023




La coordinatrice du programme de Caritas Philippines pour l’assistance aux détenus, sœur Zenaida Cabrera, travaille auprès des prisonniers philippins en lien avec la police et les autorités pénitentiaires locales, alors qu’au moins 215 000 personnes sont incarcérées dans le pays, soit environ 200 détenus pour 100 000 habitants. « L’assistance aux détenus ne fait souvent pas partie des budgets du gouvernement, c’est pourquoi l’aide des paroisses et des volontaires est fondamentale », explique-t-elle.

Sœur Zenaida Cabrera, membre de la congrégation des Servantes de la Sainte Eucharistie, et coordinatrice d’assistance aux détenus de Caritas Philippines.

Pour sœur Zenaida Cabrera, de la congrégation des Servantes de la Sainte Eucharistie (SHE), quelque chose a changé aux Philippines depuis l’arrivée de Ferdinand Marcos Jr comme président, « mais il est encore difficile de dire si la situation s’améliore », confie-t-elle. « C’est encore trop tôt et nous ne connaissons pas encore ses projets politiques », explique la religieuse, qui coordonne le programme de Caritas Philippines pour l’assistance aux détenus.

La sécurité semble s’améliorer, à l’intérieur comme à l’extérieur des prisons, six ans après le lancement de la « guerre contre la drogue » et contre la toxicomanie menée par l’ancien président Rodrigo Duterte. Pour beaucoup d’observateurs, celle-ci ciblait avant tout les plus pauvres, les marginalisés et les opposants du dirigeant, avec plusieurs milliers de personnes qui ont été tuées ou emprisonnées.

« Nous voyons les nouvelles politiques et nous comprenons quelle collaboration il peut y avoir avec l’Église », assure sœur Zeny, comme elle se surnomme. « À Caritas, notre programme de justice restaurative est directement lié aux agences gouvernementales, parce que les gens que nous aidons sont dans les institutions correctionnelles, donc nous travaillons avec la police, le Bureau de l’administration pénitentiaire et le Bureau d’administration pénitentiaire et de pénologie [BNMP]. »

Environ 200 personnes incarcérées pour 100 000 habitants aux Philippines

Selon un rapport publié en 2019 par Amnesty International, au moins 215 000 personnes sont en prison aux Philippines, soit environ 200 personnes incarcérées pour 100 000 habitants. « Certains [parmi les autorités pénitentiaires] essaient de gagner la confiance des gens, et peu à peu, beaucoup de détenus [durant la guerre contre la drogue] sont libérés, aussi parce que les prisons sont surpeuplées », confie la religieuse. « Nous avons pu recruter quelques membres de la police comme volontaires », ajoute-t-elle avec joie et satisfaction.

Toutefois, la situation n’est pas revenue à la normale. « Avant la pandémie, avant le Covid, nous visitions les détenus au moins une fois par semaine, afin de les préparer à réintégrer la société à la fin de leur peine », poursuit-elle. Puis la crise sanitaire est arrivée, et les religieuses et volontaires ont dû interrompre leur travail, qui n’a pas encore pu reprendre dans certains établissements. « Nous ne pouvons pas entrer dans les enceintes les plus sécurisées, mais nous cherchons à en rejoindre d’autres », confie-t-elle. En décembre, par exemple, Caritas a pu apporter une aide alimentaire à des prisons ayant des niveaux de sécurité inférieurs.

« Notre charisme, c’est avant tout de préparer la table du Seigneur pour les prisonniers »

En décrivant son travail avec les détenus, sœur Zeny évoque souvent ce qu’elle appelle la « table de la fraternité ». Un travail rendu possible grâce au soutien de l’archidiocèse de Manille et des paroisses individuelles où sont présentes les religieuses de sa congrégation. Les sœurs sont basées dans le diocèse de Novaliches et sont actives dans différents centres pénitentiaires.

« Notre charisme, c’est avant tout de préparer la table du Seigneur pour les prisonniers, selon la culture du ‘Salu Salo’, la tradition philippine de passer du temps à table avec les amis et la famille », explique la religieuse. « Nous voulons leur donner une seconde chance dans la vie. Notre vocation, c’est de les éduquer en leur faisant comprendre qu’eux aussi sont des êtres humains dignes d’amour, et nous espérons qu’ils pourront retourner dans leur famille et leur communauté comme des enfants de Dieu », souligne sœur Zenaida Cabrera.

« Les détenus sentent qu’ils sont loin de leur environnement naturel et qu’ils n’ont ni aide matérielle ni soutien moral », poursuit-elle. « Ils se sentent humiliés et rejetés par leur famille, et nous craignons pour l’avenir des membres de leur famille. La prison risque d’apporter la tristesse, la maladie ou la mort. »

Les programmes de justice restaurative de Caritas sont basés sur trois principes : récupération, réhabilitation et réintégration. « L’assistance aux détenus ne fait souvent pas partie des budgets du gouvernement, donc les prisonniers dépendent de la charité des volontaires et de leur propre famille, mais dans la plupart des cas, ils sont très pauvres. C’est pourquoi l’aide des paroisses et des volontaires est fondamentale. »

(Avec Asianews)


CRÉDITS

Asianews