Eglises d'Asie – Inde
Surexploitée, la manne touristique de Goa risque de s’essouffler
Publié le 25/01/2019

D’autres touristes se plaignent sur les réseaux sociaux, en particulier pour dénoncer les prix toujours plus exorbitants à leurs yeux. « Pour les blancs, les prix sont doublés, voire triplés. Je ne pense pas que je reviendrai, j’irai plutôt en Asie du Sud-Est », affirme l’un d’entre eux sur Facebook. Les pays comme la Thaïlande, l’Indonésie ou la Malaisie attirent de nombreux touristes, qui viennent profiter d’une politique de visas plus libérale et des taxes moins élevées, explique Savio Messais, de l’association Travel and Tourism de Goa. La Taxe sur les produits et les services (TPS) introduite par le gouvernement fédéral indien en 2017 a affecté les prix des chambres d’hôtels, ajoute Savio. Sans compter d’autres facteurs comme la montée du prix de l’essence et des tarifs des taxis. De leur côté, les catholiques de Goa font campagne pour un tourisme plus responsable. Les autorités religieuses de Goa, où les chrétiens représentent près d’un quart de la population d’1,4 million d’habitants, font pression depuis des années pour le développement d’une politique touristique plus respectueuse de la culture locale et de l’environnement.
Un tourisme sans repères
Aujourd’hui, l’industrie touristique a perdu ses repères, selon le père Mavrick Fernandes de l’archidiocèse de Goa, responsable du Centre pour un tourisme responsable. « C’est la logique du chacun pour soi. Depuis longtemps, nous demandons au gouvernement de développer un tourisme communautaire. Mais nous ne voyons aucune mesure sérieuse pour répondre aux problèmes, notamment à propos des décès de touristes. Le comportement désinvolte du gouvernement aggrave la situation. Si les touristes ne se sentent pas en sécurité, ils ne reviendront pas », poursuit le prêtre, qui ajoute qu’en 2017, à Goa, les décès d’au moins 245 touristes avaient été recensés en douze ans. Près de vingt touristes meurent chaque année en moyenne dans l’État de Goa. Certains décès passent pour des morts naturelles, d’autres sont accidentels ou liés à des overdoses. Certains de ces décès sont également suspects voire reconnus comme des meurtres par la police. Le père Savio Fernandes, directeur du comité diocésain pour la justice sociale, ajoute que parmi les facteurs qui éloignent les touristes, on compte aussi des montagnes de déchets et la destruction de la beauté naturelle du lieu. Il affirme qu’un nombre inquiétant de touristes traitent Goa comme une décharge publique.
Pourtant, malgré les affirmations des hôteliers et des agences touristiques locales qui annoncent le départ des touristes, les chiffres officiels du gouvernement disent plutôt le contraire. Ils indiquent en effet qu’en 2017, 7,7 millions de touristes ont visité Goa, dont 6,8 millions d’Indiens et presque 900 000 touristes étrangers. Soit une hausse de près de 300 % depuis 2012. De plus, entre janvier et juin 2018, 481 000 auraient visité Goa, soit davantage qu’en 2017. « Nous ne faisons pas confiance en ces chiffres, explique Savio Messais. Selon lui, en octobre et novembre 2018, comparé à la même période en 2017, on comptait 55 % de Russes en moins et 25 % d’Anglais en moins. Savio affirme que les pertes estimées par les professionnels du tourisme à Goa s’élevaient, fin 2018, à près de 40 % de touristes étrangers en moins. Le ministre indien du Tourisme a confié récemment aux médias que le gouvernement s’engageait à « apporter son soutien autant que possible pour faire de Goa une destination de choix pour les touristes. Des mesures sont en cours pour en faire une expérience mémorable pour tous ».
Une économie fragile

Le 4 janvier, le ministre Azgaonkar a également tenté de faire baisser les prix des chambres d’hôtels en proposant de préparer une loi permettant de légiférer les tarifs. Toutefois, l’association de Savio Messai, Travel and Tourism of Goa, a prévenu que cela risquerait d’empirer la situation et d’affecter l’économie locale, qui souffre déjà de l’interdiction de l’extraction du minerai de fer. « Nos prix sont basés sur les coûts et sur les taxes, explique-t-il. Les tarifs varient entre les hôtels, selon leur réputation et les standards proposés. Toute tentative d’imposer un plafond risquerait d’affecter l’industrie plutôt que de la nourrir. » Les agents de voyages ajoutent que les taxes imposées aux touristes qui s’élèvent jusqu’à 33 % font plus de mal que de bien, et qu’elles cachent d’autres problèmes tels que les embouteillages et les signalements de viols, meurtres ou d’autres crimes impliquant des touristes. D’autres dénoncent le manque de professionnalisme des responsables du développement touristique de Goa. Ranjan Soloman, un consultant spécialisé dans la résolution de conflits, remarque que les visiteurs doivent également supporter une baisse de la qualité des services proposés. « Que ce soit en termes d’infrastructures, de facilité d’accès, de maintien de l’ordre ou d’entretien des plages, les choses ont tendance à se détériorer. Il y a trop de monde et une foule trop disparate, ce qui rend la situation encore plus compliquée », ajoute-t-il. Mais selon Ranjan, le véritable problème ne vient pas de la montée des prix. Pour lui, il faut « décentraliser la politique touristique dans la région, pour se rapprocher des autorités des villages de Goa, pour que celles-ci se sentent impliquées quand de nouvelles mesures sont mises en œuvre. »
(Avec Ucanews, Panaji)
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