Eglises d'Asie

Taïpei soucieux de défendre la démocratie taïwanaise contre la menace chinoise

Publié le 30/12/2021




Taïwan, pressé par les menaces de la Chine continentale, est soucieux de réduire l’influence de Pékin. Ainsi, durant les Jeux olympiques de l’été 2021 à Tokyo, la présidente taïwanaise Tsai Ing-wen s’est réjouie de l’erreur d’un présentateur japonais, qui a mentionné le nom « Taïwan » et non « Taipei chinois » comme le voulait Pékin. Une petite victoire pour la petite île, certes brève, mais qui semble s’inscrire dans une vaste offensive stratégique destinée à couper les liens, autant que possible, avec la Chine.

La place de la Liberté, à Taipei dans le district de Zhongzheng.

Durant les Jeux olympiques d’été de 2020 (qui se sont finalement déroulés durant l’été 2021), on a pu sentir monter les tensions entre la Chine et Taïwan, alors que l’erreur d’un présentateur japonais a provoqué des tensions politiques inattendues. En effet, le nom officiel de Taïwan durant les JO de Tokyo devait être « Taipei chinois » (comme le voulait Pékin, qui considère ce territoire comme une province chinoise à part entière), mais le présentateur a mentionné le nom de « Taïwan », ainsi que la petite île est connue dans le monde entier. La présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, ainsi que de nombreux Taïwanais vivant au Japon, se sont réjouis comme s’ils avaient gagné de nombreuses médailles d’or, mais il s’agissait simplement d’un lapsus de la part de la présentatrice. La Chine, en revanche, a parlé d’un « sale coup délibéré » de la part de Tokyo.

Bien sûr, cette petite victoire sur la scène internationale a semblé brève, mais il s’agissait en fait d’une offensive stratégique bien plus large de la part de Taïwan, dans sa volonté de couper les liens, autant que possible, avec son puissant voisin. Par exemple, afin d’empêcher que des technologies sensibles ne tombent entre les mains de la Chine, des législateurs taïwanais prévoient aujourd’hui de bloquer les sociétés technologiques taïwanaises de vendre leurs filiales ou d’autres actifs en Chine continentale.

La loi en cours de révision exigera aux entreprises taïwanaises de demander une autorisation avant tout projet de vente ou cessation d’actifs à leurs homologues chinois. Jusqu’à ce jour, il leur aurait suffi d’en informer les autorités pour des transactions similaires. Les investissements des sociétés taïwanaises en Chine, y compris la création de filiales, devront donc passer l’accord de la Commission des investissements de Taïwan (Taiwan Investment Commission).

En tant que centre mondial de la fabrication de puces électroniques, Taïwan cherche à anticiper afin de protéger ses actifs. La Chine n’a jamais hésité à menacer de recourir à la force dans le but de ramener l’État démocratique taïwanais sous son contrôle. Dans un rapport récent, le ministère taïwanais de la Défense a évoqué plus de 500 « intrusions » de la part d’avions militaires chinois dans le sud-ouest de l’espace de défense aérien de l’île, en seulement un an.

Accord du géant taïwanais TSMC et de Sony pour une méga-usine au Japon

Par ailleurs, dans le cadre d’une stratégie d’autoprotection destinée à sécuriser les approvisionnements taïwanais dans le cadre d’une pénurie mondiale de semi-conducteurs, une annonce récente a semblé inhabituelle : la création d’une usine de fabrication de semi-conducteurs estimée à 7 milliards de dollars US, à Kumamoto, dans la préfecture de Kyushu au Japon. Les sociétés TSMC (Taiwan Semiconductor Manufacturing Company) et Sony collaboreront pour la construction de cette usine, qui devrait être mise en exploitation en 2024. Sony va investir 500 millions de dollars, mais l’effort principal du projet sera fourni par la société taïwanaise TSMC, géant mondial du secteur. Le but de l’usine est de produire des semi-conducteurs de 22-28 nanomètres, qui se taillent la part du lion face à la crise globale actuelle qui frappe le secteur.

Mais pourquoi ne pas avoir simplement construit cette usine à Taïwan, où les coûts de la main-d’œuvre (et pas seulement ceux-là) sont significativement plus faibles qu’au Japon ? La réalité est que TSMC se démène afin de diversifier se base manufacturière le plus rapidement possible. Pour la même raison, le groupe a annoncé un nouveau site de production important en Arizona, unes destination idéale en raison des faibles coûts du terrain et de la disponibilité d’une main-d’œuvre qualifiée. Ce n’est pas un secret que Taïwan se sent menacé par la Chine. TSMC est pleinement conscient de la réalité politique du moment, d’où la préparation d’un plan de relocalisation de sa production et de diversification des risques afin de réduire le poids de la Chine, dans le cas où Pékin tenterait d’utiliser TSMC comme un pion dans un conflit géopolitique.

Empêcher une « fuite des cerveaux »

Mais ce ne sont pas seulement les sociétés du secteur électronique qui cherchent à se relocaliser. Dans les industries du textile et de la chaussure, une nouvelle tendance s’est accélérée ces dernières années, afin d’éloigner leurs opérations autant que possible de la Chine continentale. À ce jour, l’Asie du Sud-Est a été une des solutions préférées, en particulier le Vietnam. Par exemple, les sociétés taïwanaises de textile, Eclat et Makalot, produisent presque la moitié de leur rendement total au Vietnam. Dans le cadre de cette lutte acharnée, le capital humain est un atout protégé et à ne surtout pas partager avec l’adversaire. Ainsi, l’administration taïwanaise s’est efforcée de contrôler les professionnels quittant l’île. Soucieux de maintenir le leadership de l’île dans le secteur des semi-conducteurs dans les années à venir, les cabinets de recrutement taïwanais s’assurent qu’aucun ingénieur local ne postule à un poste situé en Chine. Cette décision radicale, destinée à empêcher une fuite des cerveaux en Chine continentale, est un signe clair que tout projet cherchant une réunification avec Pékin rencontrera l’opposition de Taïwan.

(Avec Ucanews)