Eglises d'Asie – Taiwan
Anniversaire discret pour les 70 ans de relations diplomatiques avec le Saint-Siège
Publié le 22/10/2012
Commencées en 1922, les relations diplomatiques entre la République de Chine et le Saint-Siège n’ont été formellement établies qu’en octobre 1942 avant de subir les aléas de l’Histoire, comme la présence d’un simple chargé d’affaires à la nonciature apostolique du Saint-Siège à Taipei l’atteste aujourd’hui encore.
Après la prise du pouvoir par les communistes en 1949, le nonce de l’époque, Mgr Antonio Riberi, est expulsé du continent chinois en septembre 1951. La nonciature rouvre quelques années plus tard à Taipei, l’envoyé pontifical demeurant accrédité auprès du gouvernement de la République de Chine, à savoir les nationalistes réfugiés à Taiwan. En 1971, le représentant du Saint-Siège à Taiwan ne porte plus le titre de nonce mais seulement celui de chargé d’affaires par intérim.
C’est au nom de la politique de la Chine unique, qui veut que toute nation entretenant des relations diplomatiques avec Pékin ne puisse le faire avec Taipei (et vice versa), que la nonciature de Taipei reste l’unique représentation diplomatique du Saint-Siège avec la « République de Chine » (à savoir Taiwan depuis la proclamation, le 1er octobre 1949 à Pékin, de la République populaire de Chine par Mao Zedong). Au fil des années, Taiwan se trouvant de plus en plus isolé sur la scène internationale, le Saint-Siège se trouve ainsi dans la position de figurer au petit nombre des Etats qui entretiennent des relations diplomatiques avec la République de Chine (Taiwan) – et non avec la République populaire de Chine (Pékin).
Ce 20 octobre, en présence de Mgr John Hung Shan-chuan, archevêque de Taipei et président de la Conférence des évêques catholiques de Taiwan, d’une trentaine de prêtres, de 300 fidèles et des deux vice-ministres du gouvernement taiwanais, l’actuel chargé d’affaires de la nonciature, l’Américain Paul F. Russell, n’a pas éludé ce qui rend les relations diplomatiques entre Taipei et le Saint-Siège si particulières. Cette particularité n’est pas « inhérente à la nature fondamentale tant de la République de Chine que du Saint-Siège, mais est plutôt due à des forces extérieures », a-t-il expliqué dans une référence à peine voilée à la République populaire de Chine.
En réponse, la vice-ministre des Affaires étrangères, Vanessa Shih, qui était accompagnée de la vice-ministre de l’Intérieur, Lin Tzuling, a affirmé qu’en dépit de l’histoire de ces soixante-dix années écoulées, « la relation entre la République de Chine et le Saint-Siège était demeurée solide, fondée sur un engagement partagé en faveur de la paix dans le monde et du bien-être de l’humanité ». Vanessa Shih a également souligné combien le Vatican avait contribué de manière significative à la vie des Taiwanais, que ce soit dans les domaines de l’éducation, de la santé ou des affaires sociales.
Selon les observateurs, la célébration d’un tel anniversaire, en présence d’une délégation gouvernementale de rang assez modeste, cache mal la déception de Taipei de ne pas réussir à obtenir pour le président de la République de Chine le privilège d’une visite au Saint-Père. En mai dernier, au nonce apostolique en poste en Corée du Sud qui était de passage à Taiwan, le président Ma Ying-jeou avait déclaré que « la courtoisie appelait la réciprocité », soulignant qu’il avait souvent reçu de hauts prélats du Saint-Siège de passage à Taiwan, qu’il avait écrit au pape à plusieurs reprises et qu’il œuvrait à améliorer les relations entre les deux rives du détroit de Formose, politique qu’il inscrivait dans la lignée du message pour la paix délivré en 2011 par le pape Benoît XVI.
Cependant, la visite d’un président de Taiwan au Saint-Siège tout comme celle d’un pape à Taipei ne peuvent s’envisager sérieusement, affirme l’universitaire Tou Chu-seng, qui a été ambassadeur de la République de Chine près le Saint-Siège de 2004 à 2008. Trois possibilités s’offre aux dirigeants taiwanais. La première est que le président Ma, baptisé dans la foi catholique mais non pratiquant, mette en avant son appartenance à l’Eglise catholique pour obtenir une visite à Rome. Mais, dans ce cas, souligne le chercheur, « le Saint-Siège prendra en considération les relations Chine-Vatican et il est tout à fait improbable qu’il risque une tempête diplomatique pour cela ». Une autre solution serait que le président Ma accompagne les évêques taiwanais lors d’une de leurs visites ad limina à Rome, mais « cela donnerait l’impression de mêler politique et religion, ce qui n’est pas souhaité ». Enfin, la dernière possibilité serait que le président Ma assiste à une audience publique place Saint-Pierre, « mais là, c’est le gouvernement taiwanais qui renoncera car il ne peut accepter un tel abaissement de la fonction présidentielle ».
L’unique visite d’un chef de l’exécutif taiwanais au Vatican remonte au 8 avril 2005 lorsqu’à la faveur des obsèques du pape Jean-Paul II, le président Chen Shui-bian avait obtenu de s’asseoir parmi la foule des chefs d’Etat présents ce jour-là à Rome. Chen Shui-bian avait passé à peine huit heures à Rome et au Vatican, sans aucune entrevue officielle, pour un voyage aller-retour qui avait duré trois fois plus de temps.
En dépit de ce contexte diplomatique complexe, Rome ne délaisse pas l’Eglise de Taiwan pour autant, expliquent les observateurs. L’an dernier, le cardinal Zenon Grocholewski, préfet de la Congrégation pour l’éducation catholique, était à Taipei pour signer un accord historique de coopération universitaire avec Taiwan : pour les cinquante ans de l’Université catholique Fu Jen, un accord de reconnaissance des diplômes canoniques était signé avec le ministère taiwanais de l’Enseignement supérieur. Peu après, Mgr Savio Hon Tai-fai, récemment nommé n° 2 de la Congrégation pour l’évangélisation des peuples, était lui aussi à Fu Jen pour y recevoir un diplôme honoris causa au titre de sa contribution à l’enseignement de la théologie en Chine continentale. Le cardinal Zen, évêque émérite de Hongkong, ainsi que Mgr Lai Hung-seng, évêque de Macao, ont aussi été récemment en visite à Taiwan, évoquant l’actualité des relations entre les deux rives du détroit avec leurs interlocuteurs taiwanais et son impact sur l’Eglise qui est en Chine et à Taiwan.