Eglises d'Asie

Tokyo : la situation des « hikikomori » aggravée par la crise sanitaire

Publié le 31/12/2020




Au Japon, selon une étude nationale récente, on compte plus de 130 000 femmes hikikomori (un terme japonais désignant des personnes auto-isolées et vivant coupées du monde), sur plus d’1 millions de Japonais souffrant aujourd’hui de ce syndrome. Le phénomène est apparu dans la société japonaise avec l’accélération de l’immigration urbaine durant les années 1960, quand de nombreux jeunes japonais sont arrivés dans les villes. Ce syndrome s’est également développé après le boom économique des années 1990 et la crise financière de 2007. Avec la pandémie, le phénomène a connu un regain d’intensité.

Plus d’1 million de Japonais, sur 127 millions d’habitants, sont concernés aujourd’hui par le phénomène des hikikomori (un terme japonais désignant des personnes repliées sur elles-mêmes et vivant coupées du monde). Ce problème d’auto-isolement extrême, considéré comme une forme de « suicide social », touche majoritairement les hommes. Pourtant, selon une étude nationale récente sur les hikikomori, une part non négligeable de la population a été ignorée ; ainsi, on compte également plus de 130 000 femmes hikikomori au Japon. En fait, un précédent recensement des hikikomori n’avait pas pris en compte les femmes au foyer, les mères célibataires et les employées domestiques. Il avait été supposé que ces catégories sociales ne pouvaient pas être concernées par ce syndrome. En peu de temps, plusieurs groupes de soutien ont été fondés pour aider ces femmes à s’en sortir. Contrairement à une idée très répandue, cette pathologie ne vient pas forcément d’un état psychique fragile et perdu dans le monde des jeux vidéo et des mangas. Beaucoup de personnes confondent les conséquences du phénomène avec les causes, qui sont souvent plus profondes et cachées.

Un phénomène apparu dans les années 1960 avec l’exode rural

Le syndrome hikikomori est apparu dans la société japonaise avec l’accélération de l’immigration urbaine durant les années 1960, quand de nombreux jeunes japonais sont arrivés dans les villes depuis la campagne. En se construisant une carrière solide comme jeunes cadres dynamiques, beaucoup se sont perdus et quelque chose de précieux a été abandonné derrière eux – un lien particulier avec leur jikka, leur village natal. C’est là qu’ils trouvaient non seulement la chaleur et le réconfort des liens familiaux, mais aussi une source d’inspiration spirituelle avec les festivals religieux traditionnels (Shinto matsuri), qui contribuaient à l’unité communautaire. Encore aujourd’hui, certains villages où vivent encore quelques jeunes célèbrent les évènements religieux locaux avec une ferveur inchangée depuis plusieurs siècles. Dans les villes, ces traditions culturelles et religieuses tendent à disparaître ; dans une vie urbaine déracinée et rythmée par les réussites ou les échecs professionnels, de nombreux Japonais se trouvent alors fragilisés.

Ce syndrome s’est particulièrement développé après la forte expansion économique des années 1990, et après la crise financière de 2007 – qui a démarré aux États-Unis mais qui a fortement touché le Japon, entraînant de nombreux nouveaux cas de hikikomori. Cette période suivant la crise financière est également connue localement sous l’expression shushoku-hyougaki, pour désigner une « période glaciaire de l’embauche » et une période de stagnation économique – des années difficiles pour de nombreux jeunes demandeurs d’emploi. Face à un marché du travail ultra-compétitif, à un licenciement ou à un entretien d’embauche raté, les plus vulnérables peuvent perte toute confiance en soi. Sans soutien familial, certains se laissent entraîner et plongent dans l’état d’isolement des hikikomori.

Une expression était alors couramment utilisée pour désigner ce phénomène au sein de la société japonaise : « Shakai no rairu hazureru to modotte kurenai » C’est-à-dire que si une personne s’égare et se retrouve en marge de la société, elle ne peut plus revenir en arrière. Au Japon, être embauché dans une grande entreprise impose de s’immerger corps et âme dans un milieu compétitif qui récompense les employés les plus productifs. Ce système tend à créer un environnement hostile et sans compassion pour le sort des individus qui finissent par décrocher. En général, les Japonais touchés par le phénomène des hikikomori ne recherchent d’eux-mêmes de soutien psychologique auprès de leurs amis, de leurs familles ou auprès de professionnels soignants. La crise sanitaire actuelle n’arrange pas la situation, alors que certaines grandes entreprises japonaises comme la Japan Airlines ou le voyagiste HIS ont cessé leur recrutement de jeunes diplômés.

(Avec Ucanews)


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