Eglises d'Asie

Un artiste mêle les thèmes bibliques et indiens pour transmettre la foi aux non-chrétiens

Publié le 12/09/2020




Jyoti Sahi, un artiste indien de 76 ans, est considéré comme novateur dans sa représentation d’un Christ à l’indienne, en mêlant des thèmes chrétiens bibliques au folklore indien, à des symboles indigènes et védiques, dans le but de rapprocher Jésus des non-chrétiens indiens. Pour Mgr Thomas Dabre, évêque de Poona, qui connaît l’artiste personnellement, ce dernier a voulu rendre le Christ « accessible au milieu indien multiculturel et multireligieux ». Jyoti Sahi, avec d’autres artistes, a fondé le Mouvement indien d’art chrétien, dans le but d’encourager l’expression artistique chrétienne en Inde.

Le lavement des pieds, Jésus Kashmiri, par Jyoti Sahi.

Les tentatives d’un artiste de 76 ans, Jyoti Sahi, de représenter Jésus Christ et des thèmes chrétiens dans un cadre indien, contribuent à transmettre la foi chrétienne auprès de milliers de non chrétiens à travers le pays. Jyoti Sahi utilise ses peintures afin de mélanger des thèmes bibliques avec des éléments du folklore indien et des symboles indigènes et védiques, dans le but de rapprocher Jésus des non-chrétiens indiens. « Je connais Jyoti Sahi personnellement, et ses peintures sont créatives et novatrices. Elles introduisent un véritable changement de paradigme dans l’art, en utilisant des symboles culturels indigènes et hindous », confie Mgr Thomas Dabre, évêque de Poona. Ce dernier explique qu’à travers son art, Sahi a voulu faire ressembler Jésus à un Indien. Ainsi, l’artiste a voulu rendre le Christ accessible au milieu indien multiculturel et multireligieux, poursuit Mgr Dabre, ancien professeur de spiritualité et traditions indiennes à Jnana-Deepa Vidyapeeth un institut pontifical pour la philosophie et la religion situé à Pune, en Inde. Jyoti Sahi, qui a déjà songé, dans le passé, à devenir moine bénédictin, a trouvé sa vocation dans la peinture. Avec d’autres artistes, il a fondé le Mouvement indien d’art chrétien (Indian christian art movement), afin d’encourager l’expression artistique des thèmes chrétiens dans le pays.

Jyoti Sahi a étudié à la Camberwell School of Art and Craft de Londres entre 1959 et 1963, et il a obtenu un diplôme en design. Il a rencontré le moine bénédictin Bede Griffiths à Londres en 1963. Ce dernier l’a invité dans l’Ashram Kurisumala, une abbaye cistercienne située à Vagamon, dans les montagnes de l’intérieur du Kerala, dans le sud de l’Inde, cofondée avec un autre prêtre du Kerala. Le père Roy M. Thottam, jésuite, explique que Jyoti Sahi est connu comme un « artiste théologien », qui tire son inspiration de la culture locale, des mythologies et du mysticisme indiens, ainsi que des traditions indigènes et populaires. « Il a représenté le Christ de différentes manières, comme ‘l’arbre de vie’ ou ‘l’eau vive’. Il mêle les symboles bibliques et culturels », ajoute le père Thottam, qui a appris la peinture auprès de Jyoti Sahi. Le prêtre explique que quand le processus d’inculturation s’est largement développé en Inde, il y a près de quatre décennies, des artistes indiens se sont lancés. « Ces artistes ont expérimenté des thèmes chrétiens dans un style indien. » Jyoti Sahi, de son côté, a présenté un « Christ indien » avec des thèmes bibliques indiens, même si le père Thottam n’est pas certain que ce soit toujours accepté ouvertement par l’Église catholique locale et par la communauté chrétienne dans son ensemble. Des agences catholiques comme Missio, en Allemagne, ont salué son travail. Mais le prêtre jésuite estime qu’en Inde, « son art et sa pensée ne sont pas largement répandus et appréciés, sauf dans quelques centres chrétiens ». « Une des raisons vient peut-être du fait que ses œuvres peuvent être complexes et difficiles à saisir. » Le père Thottam ajoute néanmoins que dans ses œuvres, Jyoti Sahi excelle à mélanger les thèmes chrétiens aux symboles indiens.

Recherche d’une identité chrétienne indienne

Le père Francis Gonsalves, président de l’institut Jnana-Deepa Vidyapeeth, pense que Jyoti Sahi est parvenu avec succès à donner un « visage indien » à Jésus. « Je ne veux pas dire par là qu’il peint Jésus avec un visage non blanc ou à la peau mate, mais qu’il a su utiliser des symboles et des images, pour apporter un caractère ‘indien’ ». De plus, le prêtre ajoute que l’artiste utilise des mudras (gestes de danse traditionnelle), ainsi que des mouvements des mains et des pieds ou des yeux élargis qui évoquent traditionnellement le Darshana, ou une « vision du divin ». Ses peintures représentent également des vêtements indiens traditionnels, qui donnent à Jésus une identité indienne. Pour le prêtre, son art est profondément théologique. En 1970, Jyoti Sahi a commencé à travailler avec le père Amalorpavadas, de Bangalore, afin de mettre en pratique des enseignements du concile Vatican II. Ainsi, l’artiste a publié plusieurs ouvrages sur les symboles populaires indiens, sur la culture chrétienne indienne ou encore sur « Une nouvelle approche de la mission de l’Église en Inde ». La même année, il s’est marié avec Jane, son épouse, avec qui il vit à Silvepura, un village en périphérie de Bangalore, où ils ont emménagé en 1972. Le couple a cinq enfants, et Jyoti Sahi a fondé un Ashram artistique en 1985.

L’éducation artistique de Joyti Sahi a été influencée par l’approche de l’école bengali. Ainsi, il s’inspire d’artistes chrétiens indiens comme Angelo da Fonseca ou Frank Wesley, qui ont été pétris par le style bengali. Pour le père Wendell D’Cruz, un expert de la peinture indigène Warli, l’artiste est arrivé à « un moment important de l’histoire de l’Église indienne, entre l’ashram chrétien indien traditionnel et sa manifestation plus moderne ». Le prêtre estime que cette recherche d’une identité chrétienne indienne a commencée dès le XIXe siècle avec des penseurs comme Keshub Chandra Sen et Brahmabandhab Upadhyay. « Ses peintures ne sont pas très populaires, mais en repoussant les frontières traditionnelles, il a parfois permis de dévoiler des réalités plus profondes », confie le père D’Cruz. « Les vieux arbres de la culture des Ashrams chrétiens indiens sont peut-être tombés, mais Jyoti Sahi a planté des graines qui pourraient, avec le temps, donner du fruit. L’art, la théologie et la spiritualité sont des courants différents dans l’Église, mais il a su combiner ces trois courants. Pour lui, l’art est une discipline, un mode de pensée, de vie et d’expression. »

(Avec Ucanews, Pune)


CRÉDITS

Ucanews