Eglises d'Asie – Indonésie
Un avocat catholique prend la défense des droits de l’homme en Papouasie
Publié le 16/03/2022
Emanuel Gobay, un avocat catholique de 35 ans, originaire de Papouasie et militant pour les droits de l’homme dans la province indonésienne, appelle la plus haute hiérarchie de l’Église locale à soutenir les prêtres et les organisations religieuses qui osent défendre ouvertement la dignité et les droits des Papouasiens. « Ces voix seront entendues si elles sont soutenues par la conférence des évêques voire même le Saint-Père au Vatican », estime-t-il. « Dans la Bible, il y a un passage où Jésus dit qu’il a été envoyé pour ‘remettre en liberté les opprimés’ [Lc 4, 18]. Dans le contexte actuel en Papouasie, ceux que Jésus appelle ‘opprimés’, c’est nous, les Papouasiens », poursuit-il.
Emanuel, considère donc son engagement comme un « devoir prophétique », en se demandant toujours comment défendre la dignité de sa communauté. « Je veux toujours m’assurer que nous ne sommes pas traités injustement à cause de notre aspect ou des préjugés qui pèsent sur nous », ajoute-t-il. Il se dit reconnaissant envers ceux qui les soutiennent en dehors de la province indonésienne, y compris les organisations internationales. Il évoque notamment une lettre récente du Rapporteur spécial de l’ONU sur les droits de l’homme, adressée au gouvernement indonésien à propos du sort des réfugiés et de la question des détentions forcées.
Plusieurs décennies de conflits
Depuis 1969, la partie occidentale de l’île de la Nouvelle-Guinée fait partie intégrante de l’Indonésie en tant que province de Papouasie, mais la région continue d’être en proie aux conflits internes avec les groupes armés pro-indépendance qui poursuivent la résistance. Le gouvernement indonésien a donc déployé une forte présence militaire dans l’est de l’archipel, officiellement pour maintenir l’ordre.
Mais en réalité, des abus ont eu lieu contre les indigènes, selon des experts nommés par l’ONU dans une déclaration du 1er mars dernier. « Entre avril et novembre 2021, nous avons reçu plusieurs accusations indiquant des cas d’exécutions extrajudiciaires, notamment contre des enfants, des disparitions forcées, des actes de tortures, des traitements inhumains et le déplacement massif d’au moins 5 000 indigènes papouasiens par les forces de sécurité », affirment-ils.
Au cours de la dernière décennie, Emanuel Gobay est toujours resté à l’affût de nouvelles signalant de tels abus, qui surviennent presque tous les jours selon lui. Il recherche et signale les cas rapportés, se documente et assure une veille de la situation avec l’aide de différents collaborateurs, notamment des journalistes. « Nous ne pouvons pas gérer tous les cas rapportés, mais au moins, ceux qui font appel à nous sont entendus », explique-t-il.
Il est né à Wamena, dans le district de Jayawijaya, et il a déménagé dans le district de Paniai quand il était au lycée. « Quand j’étais enfant, j’ai souvent vu des habitants de mon village se faire frapper de manière aléatoire par la police ou les militaires », raconte-t-il. Cela l’a poussé à s’engager pour la défense de sa communauté, en étudiant le droit dans une université privée de Yogyakarta. « Je pense juste que nous devons être traités équitablement, et j’ai voulu aider les autres. J’ai découvert qu’en étudiant le droit, je pouvais me défendre face aux forces de l’ordre », ajoute-t-il.
Entre 60 000 et 100 000 déplacés en 2018
Cette détermination s’est accentuée quand quatre étudiants ont été abattus et 20 autres blessés lors d’une manifestation en 2014 dans son village de Paniai. Il précise qu’un des jeunes tués est un membre de sa famille qui était venu leur rendre visite. Les enquêtes menées par la Commission nationale pour les droits de l’homme ont prouvé une grave violation des droits de l’homme de la part des soldats, mais l’affaire a été bloquée et les coupables restent impunis.
Emanuel Gobay a alors rejoint le Legal Aid Institute de Yogyakarta, où il a commencé à venir en aide aux étudiants et militants papouasiens arrêtés ou accusés de trahison pour avoir participé à des manifestations. Il a également soutenu d’autres communautés marginalisées dans la région. Il a pu poursuivre son engagement en novembre 2018 quand on lui a demandé de s’installer en Papouasie ; il a assumé des responsabilités plus importantes en mars 2019 quand on lui a confié la direction locale du Legal Aid Institute.
Depuis, il s’est engagé pour plusieurs affaires, notamment à propos des déplacements forcés depuis l’escalade des violences en Papouasie en décembre 2018. Selon les Nations unies, le nombre de déplacés s’élève entre 60 000 et 100 000 habitants. Il a également lutté contre les expropriations territoriales par les sociétés d’exploitations agricoles. Emanuel confie qu’à cause de son action, on l’a souvent considéré comme faisant partie des séparatistes ou de leurs partisans actifs. Il raconte notamment comment un chef de police du district de Merauke l’a menacé l’an dernier. « Mes photos sont parfois manipulées et transformées pour créer des fausses affiches provocatrices », explique-t-il.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews