Eglises d'Asie – Inde
Un cinéaste indien réalise un film sur Rani Maria Vattalil, une martyre du Kerala béatifiée en 2017
Publié le 30/03/2023
« La fondation de toute Église et de toute communauté chrétienne, dans l’histoire, repose sur ses apôtres et martyrs, dont la vie est une inspiration et dont le martyre nourrit la foi et donne un élan pour la croissance de la communauté, à l’instar de saint Étienne, sainte Agnès, sainte Barbe et sainte Catherine », explique le père Myron J. Pereira, jésuite, basé à Mumbai.
Il assure que cela a également été le cas en Inde, où la liste des martyrs est éloquente – saint Thomas l’Apôtre (qui serait mort en Inde dans les années 70 au Ier siècle), les quatre martyrs franciscains de Thane (Maharashtra, 1321), les cinq martyrs jésuites de Cuncolim (Goa, 1583), Gonzalve Garcia, né en Inde et mort à Nagasaki (1590), saint Jean de Britto, mort à Oriyur (Tamil Nadu, 1693) ainsi que saint Devasahayam Pillai (Tamil Nadu, 1752).
Jusqu’au martyre de bienheureuse Rani Maria Vattalil, tuée en 1995 près d’Indore, dans l’État indien du Madhya Pradesh, dans le centre de l’Inde. Cette sœur de la congrégation des Clarisses franciscaines, née dans le Kerala, a travaillé durant des années pour l’éducation des enfants et pour des programmes de développement en faveur des plus marginalisés, dont des femmes indigènes de la région. Elle a été assassinée pour cette raison, alors que son action menaçait les intérêts d’exploitants sociaux et de propriétaires terriens. Elle avait 41 ans au moment de sa mort.
« Le visage des anonymes »
« Durant les premiers temps de l’Église, les martyrs témoignaient de leur foi. Aujourd’hui, leur témoignage peut prendre de nombreuses formes », poursuit le prêtre, en évoquant ceux qui défendent les droits de l’homme, qui soutiennent les victimes de gouvernements dictatoriaux, qui soutiennent la liberté d’expression et de mouvement, ou encore qui luttent pour l’État de droit contre des pratiques féodales et des lobbies industriels. Selon lui, bienheureuse Rani Maria Vattalil en fait partie. En 2017, elle a été béatifiée par le cardinal Angelo Amato dans l’université Saint-Paul d’Indore, afin d’être montrée comme un modèle de sainteté.
C’est dans ce contexte qu’un jeune cinéaste, Shaison Ouseph, a décidé de réaliser un film sur la religieuse indienne, afin de faire connaître sa vie et sa mission. Shaison Ouseph a acquis une certaine expérience en tant que réalisateur de documentaires, mais son projet exigeait d’autres talents. C’est pourquoi il a fait appel à une équipe de collaborateurs, avec patience, afin d’écrire un scénario, de lever des fonds, de choisir les acteurs, les décors et les lieux de tournage, et de mener à son terme la production et la postproduction du film. Ce dernier est finalement sorti en salles sous le titre The Face of the Faceless (« Le visage des anonymes ») et produit par Trilight Creations (2023, 134 min.), le rôle principal étant joué par l’actrice indienne Vincy Aloysius.
Le film est sorti en quatre langues en 2023
Le film raconte l’histoire de Miriam Vattalil, une jeune fille idéaliste née dans une famille catholique traditionnelle du Kerala, qui décide de rejoindre une congrégation missionnaire avant d’être brutalement confrontée au sort de nombreux « anonymes » vivant dans la campagne indienne. La première partie du film présente cela en décrivant graphiquement une structure féodale éliminant tous ceux qui oseraient la défier.
Le film évoque également des questions posées par de nombreuses communautés religieuses dans une situation similaire : comment s’impliquer sans répercussions sur les œuvres apostoliques des membres de la communauté ? Selon certains comme le réalisateur Shaison, dans les années à venir, ce qui pourra guider le plus l’Église en Inde, ce sera justement l’exemple courageux et le témoignage héroïque de personnes ordinaires comme cette simple religieuse. Le film est sorti en quatre langues (malayalam, hindi, espagnol et français) et sous-titré en anglais.
(Avec Myron J. Pereira, Ucanews)
CRÉDITS
Saji Thomas / Ucanews