Eglises d'Asie

Un débat en cours pour rebaptiser des rues d’après les pères Alexandre de Rhodes et Francisco de Pina

Publié le 05/12/2019




Depuis le mois d’octobre, les autorités de Da Nang, une ville côtière du centre du Vietnam, sondent l’opinion du public à propos de 137 rues qui doivent être rebaptisées d’ici la fin de l’année. Les intellectuels du pays débattent notamment sur le projet de nommer deux rues d’après les noms de deux missionnaires jésuites du 17e siècle, qui ont permis la systématisation de la langue officielle du Vietnam. Les deux rues, situées dans le district de Hai Chau à Da Nang, doivent être renommées d’après les pères Francisco de Pina (1585-1625) et Alexandre de Rhodes (1591-1660).

Un débat fait rage dans le centre du Vietnam, à propos de l’idée de rebaptiser des rues de Da Nang du nom de deux missionnaires étrangers, qui ont contribué au développement de l’écriture vietnamienne romanisée, qui a fini par être adoptée dans tout le pays. Le père Francisco de Pina, portugais, pionnier de l’apprentissage et de la recherche sur la langue vietnamienne, est arrivé dans le sud du Vietnam en 1617, où il a utilisé la langue locale afin d’enseigner le catéchisme aux habitants de la région, avant d’enseigner la langue aux autres jésuites. Il a également écrit un livre de catéchisme en quoc ngu (transcription phonétique et romanisée de la langue vietnamienne) ainsi qu’un livre de grammaire. Il est mort noyé au large de Hoi An en 1625. Le père Alexandre de Rhodes, arrivé au Vietnam en 1625, a étudié la langue vietnamienne avec le père de Pina et rassemblé les travaux d’autres auteurs sur le quoc ngu. Il a publié trois ouvrages à Rome en 1651 : un dictionnaire vietnamien-portugais-latin, un livre de grammaire vietnamienne et un livre de catéchisme. Ses travaux ont permis la mise au pont du vietnamien phonétisé et romanisé, qui sera utilisé dans tout le pays. Il est expulsé du Vietnam en 1645.

Les autorités de Da Nang, de leur côté, ont souligné que les deux missionnaires ont joué un rôle significatif dans la formation de l’écriture vietnamienne. « La création de l’écriture romanisée vietnamienne a permis de défendre et de soutenir la culture vietnamienne de façon incroyable. Leurs noms ont été suggérés par des historiens et des chercheurs », a expliqué le département culturel et sportif de la ville. Fin octobre, douze historiens, professeurs et chercheurs ont pourtant signé une pétition afin de demander aux autorités de Da Nang de ne pas renommer des écoles et des rues d’après les deux jésuites. Ils prétendent que le père de Rhodes n’a pas créé le quoc ngu et l’accusent de l’avoir utilisé pour l’évangélisation, en condamnant le confucianisme, le taoïsme et le bouddhisme, et en préparant un projet d’invasion du Vietnam par les troupes françaises. Le professeur Hoang Dung, de l’Université pédagogique de Hô-Chi-Minh-Ville, explique que la plupart des chercheurs reconnaissent que le père Rhodes n’a pas créé lui-même le quoc ngu, mais qu’il a repris les travaux d’autres personnes avant lui, dont le père de Pina. Cependant, ils apprécient les importantes contributions du missionnaire français au développement de la langue nationale, en particulier avec la publication de son dictionnaire trilingue.

De nombreux intellectuels ont soutenu le projet d’utiliser les noms des missionnaires pour rebaptiser des rues de Da Nang. Ils estiment que les douze signataires de la pétition ont mal compris la signification du mot « soldats », indiquée dans le livre Divers voyages et missions, publié en 1653 par le père de Rhodes. Le missionnaire français y demandait au roi Louis XIV de lui envoyer des « soldats » (des missionnaires) pour la mission en Orient. Les intellectuels en faveur du projet ajoutent également que les accusations des pétitionnaires, qui affirment que le père de Rhodes était impliqué dans l’invasion française au Vietnam, sont sans fondements. Le missionnaire a vécu au Vietnam de 1625 à 1645, mais les troupes françaises sont arrivées dans le pays en 1858. Ils soulignent également que les missionnaires étrangers et les catholiques vietnamiens ont apporté d’immenses contributions pour permettre d’ouvrir le Vietnam au monde. Ils ont appelé les autorités de Da Nang à rebaptiser les rues en question d’après les prêtres afin d’exprimer la gratitude du pays envers tous les missionnaires étrangers qui ont contribué à la création du quoc ngu. Le 30 novembre, l’Université Van Lang de Hô-Chi-Minh-Ville a organisé un colloque afin de marquer le centième anniversaire de l’enseignement officiel du quoc ngu dans les écoles. Les intervenants au colloque ont salué les travaux des missionnaires et des catholiques vietnamiens qui ont permis le développement du système romanisé. Les autorités de Da Nang prévoient d’organiser, ce mois-ci, un nouveau colloque sur le développement du quoc ngu. À Hô-Chi-Minh-Ville, trois rues vietnamiennes ont déjà été baptisées d’après le père Alexandre de Rhodes, dont l’une près de la cathédrale Notre-Dame.

(Avec Ucanews, Hô-Chi-Minh-Ville)


CRÉDITS

Ucanews