Eglises d'Asie – Philippines
Un évêque dénonce la reprise des activités minières, en lien avec les élections
Publié le 18/05/2021
La décision du président philippin Rodrigo Duterte, le mois dernier, de mettre fin au moratoire sur l’exploitation minière est directement liée aux élections nationales de 2022, selon les déclarations d’un représentant du clergé catholique.
Rodrigo Duterte a levé le moratoire de neuf ans sur les nouveaux accords miniers à la mi-avril, officiellement pour stimuler l’économie en créant des emplois, alors que l’économie du pays a été durement touchée par la crise du virus Covid-19. Le président philippin a également déclaré que les taxes générées par la reprise de l’industrie soutiendraient des projets de constructions d’infrastructures à travers le pays.
L’administrateur apostolique de Manille, l’évêque Broderick Pabillo, estime quant à lui que la levée de l’interdiction de nouveaux contrats miniers ne profite pas au peuple philippin, mais au contraire, est destinée à servir un agenda politique. « Ils [les représentants du gouvernement] ont vraiment besoin d’argent pour les élections. Et ce sont ces grandes sociétés minières qui donnent de l’argent en échange de permis », a déclaré Mgr Pabillo lors d’une messe célébrée à Manille le 16 mai. « Dans notre situation actuelle, cela ne profitera pas au pays mais seulement à quelques-uns », a-t-il ajouté.
Ardent défenseur des droits des peuples autochtones et de la protection de l’environnement, l’évêque a rappelé l’énorme coût environnemental et sociétal de l’industrie minière, notamment auprès des populations les plus vulnérables. « En autorisant de nouveaux contrats miniers, le gouvernement donne le feu vert à la dégradation de l’environnement et aux violations des droits de l’homme à l’encontre des travailleurs philippins, estime-t-il. L’exploitation minière est l’une des premières causes de la destruction des communautés autochtones dans notre pays ».
En 2013, Mgr Padillo avait lancé une campagne en ligne contre la plus grande société minière de cuivre et d’or des Philippines pour demander à l’ancien président Benigno Aquino d’enquêter sur ses activités et de revoir les concessions et les critères d’obtention des contrats miniers. La campagne avait suscité des violentes attaques du puissant lobby minier. « Nous verrons une fois de plus des violations des droits de l’homme et un marquage au fer rouge des peuples autochtones, des agriculteurs, des pêcheurs et des écologistes contre l’exploitation minière », a déclaré Mgr Pabillo.
L’administrateur apostolique de Manille est un habitué des déclarations cinglantes à l’égard de la politique de Rodrigo Duterte, dont il critique aussi régulièrement la « guerre contre la drogue », vaste opération policière de « nettoyage » des quartiers sensibles, qui a causé la mort de milliers de jeunes philippins.
« Nous avons besoin de quelqu’un comme Mgr Pabillo qui se bat courageusement pour les droits des pauvres, en particulier les peuples autochtones, estime le paroissien Leonardo Harael. Si nos évêques ne se battent pas pour les opprimés, qui le fera ? » Il souligne que les propos de l’évêque sont en ligne avec l’encyclique papale sur la protection de l’environnement, Laudato Si, publiée le 24 mai 2015. « C’est notre rôle à nous les Catholiques de rappeler à nos politiciens qu’ils doivent prendre soin de l’environnement, afin qu’il ne soit pas exploité et abîmé au nom de l’appât du gain. »
Depuis le début de son mandat en 2016, les relations du président Rodrigo Duterte avec la puissante Eglise catholique philippines sont houleuses, le président étant même allé dans un discours du 5 décembre 2018 jusqu’à appeler à « tuer les évêques, un ramassis d’imbéciles », provoquant un tollé dans les rangs catholiques. Avec une population à 85 % catholique, le rôle d’écoute et de conseil des prêtres philippins est crucial, notamment dans les communautés rurales. Les prochaines élections présidentielles philippines sont prévues, d’ici un an, en mai 2022.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Mark Saludes / Ucanews