Eglises d'Asie – Philippines
Un évêque philippin dénonce une « économie de l’exclusion » face à des prix toujours plus élevés
Publié le 31/01/2023
Malgré les assurances du président Marcos Jr sur la santé de l’économie philippine, un aliment de base du panier alimentaire dans le pays, l’oignon, est devenu une denrée de luxe pour de nombreux d’habitants actuellement, alors que son prix a même dépassé celui de la viande.
Récemment, Mgr Gerardo Alminaza, évêque de San Carlos et responsable de l’organisation caritative CWS (Church People-Workers Solidarity), a évoqué ce légume, devenu un symbole de la situation précaire du pays, dans un commentaire publié sur le site de la Conférence épiscopale philippine (CBCP). L’évêque y a cité cet exemple dans une réflexion sur une « économie de l’exclusion » aux Philippines.
« Le 13 janvier, le ministre des Finances Benjamin Diokno a déclaré que l’économie philippine a progressé de 7,5 % en 2022, et qu’elle devrait encore croître de 6,5 % en 2023, une prévision qui a été vantée par le président Marcos cette semaine au Forum économique mondial », a-t-il souligné. « Par ailleurs, cette semaine, le prix d’un kilogramme d’oignons a atteint 800 pesos [13,50 euros environ]. Bien que cette augmentation du prix de ce produit de base semble presque comique, ses conséquences ne le sont pas », a-t-il assuré.
« Le mois dernier, l’inflation a atteint plus de 8 %, le niveau le plus élevé en 14 ans »
« Plusieurs fermiers ont déjà fait part de leur frustration face aux pertes subies malgré l’augmentation du prix de l’oignon, et au moins cinq d’entre eux se seraient donné la mort. Certains ont exprimé leurs inquiétudes concernant des annonces d’importations d’oignons de l’étranger dans le but de diminuer les prix, et les signalements sur des trafiquants et profiteurs se sont multipliés », a insisté l’évêque.
Pour lui, « les oignons ne sont pas les seuls aliments de base dont les prix ont grimpé en flèche au cours des derniers mois ». « Le mois dernier, les économistes ont signalé que l’inflation avait atteint plus de 8 %, soit le niveau le plus élevé depuis 14 ans. Cette semaine, le diesel aura subi une augmentation de 0,5 peso par litre, tandis que celui de l’essence a également augmenté de 0,95 peso par litre. À cause de l’inflation, les économistes reconnaissent qu’il n’y aura pas de véritable augmentation de salaires pour les employés cette année. »
En citant le rapport d’Oxfam sur les inégalités mondiales, qui indique que les neuf Philippins les plus riches possèdent plus de richesse que 55 millions d’habitants, soit la moitié de la population de l’archipel, l’évêque de San Carlos a poursuivi en demandant : « Qu’est-ce que cela dit de notre société quand nous célébrons la croissance économique alors que nous savons que la vie devient plus difficile pour nos voisins les plus démunis ? Qu’est-ce que cela veut dire quand les riches non seulement s’enrichissent, mais profitent d’autant plus durant ces temps de crise ? La réponse est simple : le pape François avait raison. Nous sommes dans une économie de l’exclusion. »
Le Saint-Père, dans son encyclique Evangelii Gaudium publiée en 2013, avait en effet employé cette expression : « Aujourd’hui, nous devons dire ‘non à une économie de l’exclusion et de la disparité sociale’. Une telle économie tue. »
Indice des droits dans le monde : les Philippines parmi les dix pays les moins bien classés
Pour Mgr Alminazan, « quand on affirme que l’économie ‘progresse’ alors que les pauvres ont de plus en plus de mal à subvenir aux besoins fondamentaux, cela veut dire que nous avons accepté cela et le fait que ‘l’économie n’est pas pour ces gens’ ». D’où « les migrations des travailleurs à cause du chômage qui est accepté comme une normalité, parce que ce n’est pas leur économie ».
Selon l’évêque philippin, il n’y a qu’une seule façon de changer cette situation : l’inclusion. « Nous pouvons inclure les gens en les écoutant, en les respectant, en comprenant ce qu’ils ressentent et en reconnaissant que si les choses vont peut-être mieux pour nous, ce n’est pas forcément le cas pour eux. »
Selon l’Indice CSI des droits dans le monde (Global Rights Index), les Philippines ont été parmi les dix pays les moins bien classés pour les travailleurs au cours des six dernières années, les syndicalistes et militants étant souvent menacés. Selon Mgr Alminazan, « le Centre CTUHR [Center for Trade Union and Human Rights] a enregistré 56 victimes parmi les ouvriers, les syndicalistes et les défenseurs des droits ».
Pourtant, pour lui, rien n’est perdu car « il y a toujours des opportunités pour que la détresse des exclus soit entendue ». « Et c’est notre devoir, en tant que chrétiens, de porter la Croix », a-t-il ajouté, en assurant que « des responsables de différentes confessions chrétiennes s’unissent pour exprimer leur solidarité avec les travailleurs philippins, pour que leurs inquiétudes et leurs préoccupations soient entendues ».
(Avec Asianews)