Eglises d'Asie

Un évêque taïwanais estime qu’il n’y a « aucune raison pour qu’il y ait une guerre avec la Chine »

Publié le 09/06/2023




Le mois dernier, Mgr Su Yao-wen, évêque de Taichung, a évoqué les tensions renforcées avec la Chine dans le détroit de Taïwan, en se montrant réservé sur une éventuelle menace militaire. Selon lui, les habitants sont « habitués à cette situation depuis 70 ans ». « À moins que les autorités chinoises aient perdu la tête, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait une guerre », estime-t-il. De son côté, le père Joy Tajonera, missionnaire de Maryknoll, pense que les gens sont plus inquiets vis-à-vis de l’économie et de la population qui diminue.

Une rue du quartier commerçant de Ximending, à Taipei.

La Chine a renforcé les patrouilles et la surveillance autour de Taïwan, et augmenté le nombre de navires militaires dans le détroit de Taïwan, suscitant de nouvelles inquiétudes face à la menace chinoise. Pourtant, beaucoup d’habitants vivant dans l’État insulaire se sont « habitués à cette situation depuis 70 ans », assure Mgr Martin Su Yao-wen, évêque de Taichung, deuxième ville du pays après Taipei, sur la côte ouest.

« Le gouvernement chinois veut montrer sa puissance militaire, donc il envoie un avion tous les jours pour le démontrer. Les Taïwanais sont parfois, je ne veux pas dire effrayés mais un peu inquiets de temps en temps », ajoute Mgr Su, interrogé par un journaliste américain début mai. « À moins que les autorités chinoises aient perdu la tête, il n’y a aucune raison pour qu’il y ait une guerre. Les gens ont un peu peur, mais ils ne pensent pas qu’il se passera réellement quelque chose. »

Beaucoup d’habitants, à Taïwan et en Chine, se considèrent comme faisant partie d’une même nation, malgré un gouvernement séparé depuis 1949 (quand le gouvernement de la république de Chine s’est replié à Taïwan après la victoire du Parti communiste chinois). Taïwan, ou la république de Chine (nom officiel du pays), compte environ 23 millions d’habitants, tandis que la population chinoise dépasse 1,4 milliard d’habitants. Les deux gouvernements se considèrent comme légitimes et la Chine ne cache pas son intention de récupérer Taïwan.

La population serait plus inquiète vis-à-vis de l’économie et de la crise démographique

Le père Joy Tajonera, missionnaire de la congrégation de Maryknoll, qui a passé les 22 dernières années à Taïwan, cité par OSV News, explique que les tensions renforcées dans la région n’affectent pas réellement les gens ordinaires à Taïwan. « Cette situation, pour nous qui vivons ici, est normale. Nous ne perdons pas le sommeil en craignant une invasion durant la nuit ou le lendemain », assure le prêtre interrogé fin mai. « Les choses qu’on entend tous les jours – qu’il y a eu une incursion des militaires chinois – font juste partie de la vie ordinaire », explique le missionnaire, basé à Taichung.

De quoi les Taïwanais ont-ils peur ? Le père Joy estime qu’ils sont plus inquiets vis-à-vis de l’économie et du fait qu’il y a « plus de gens qui meurent que d’enfants qui viennent au monde ». Selon lui, les gens pensent que si la paix et la stabilité sont troublées, cela affectera l’économie. Par ailleurs, les Taïwanais âgés de plus de 65 ans devraient atteindre 41 % de la population de l’île d’ici 2060. « Taïwan a besoin des travailleurs migrants qui viennent trouver du travail », ajoute le père Tajonera, en notant que « les migrants sont des jeunes, ils ont entre la vingtaine et la quarantaine ».

« Une confrontation armée n’est absolument pas une option »

« L’Église catholique à Taïwan ne grandit pas, parce que la population est en baisse », explique le prêtre, qui précise que les migrants représentent environ 30 % de la population catholique locale (qui elle représente seulement 1 % de la population totale). Le Saint-Siège demeure l’un des seuls États gardant des liens diplomatiques avec Taïwan, et la présidente Tsai Ing-wen a écrit récemment au pape François pour souligner qu’« une confrontation armée n’est absolument pas une option ». Elle a ajouté que le dialogue bilatéral est la meilleure façon de garder des relations apaisées à travers le détroit de Taïwan (qui est d’une largeur de 130 km dans sa plus petite portion). Selon les informations du gouvernement taïwanais, la valeur des échanges commerciaux dans le détroit s’élevait à 273 milliards de dollars US en 2021.

Le père Tajonera explique que même si tout le monde ne fait pas confiance au gouvernement chinois, la guerre pourrait au moins être évitée en maintenant le dialogue entre les deux pays. « Je pense que parmi nous, personne ne veut la guerre, ni un conflit ou une invasion », ajoute-t-il, même s’il estime, en lisant l’actualité, que les États-Unis et les pays occidentaux continuent de mettre la pression parfois de façon imprudente. « Les pays occidentaux ont une façon de s’imposer », poursuit-il.

Durant un forum de sécurité à Singapour, organisé les 3 et 4 juin, les autorités chinoises et américaines se sont accusées mutuellement d’être responsables de l’augmentation des tensions dans la région. Sans citer de noms, le ministre chinois de la Défense, Li Shangfu, a souligné que des pays renforcent des alliances militaires dans la région Asie-Pacifique et « se mêlent des affaires internes des autres pays ». De son côté, Lloyd Austin, Secrétaire à la Défense des États-Unis, a mis en garde la Chine contre les menaces et les avions interceptés en mer de Chine méridionale (une importante région maritime dont les eaux comprennent des territoires revendiqués par sept pays différents).

(Avec Ucanews)