Eglises d'Asie – Indonésie
Un franciscain néerlandais a rendu la Bible accessible à des millions d’Indonésiens
Publié le 15/02/2019
Quand les Indonésiens ont voulu une traduction fiable de la déclaration signée récemment par le pape François et le grand imam d’al-Azhar, Sheik el-Tayeb, le 4 février à Abou Dhabi, le choix du prêtre franciscain Martin Harun, né aux Pays-Bas, était évident. La rencontre du Saint-Père avec Sheik el-Tayeb a été saluée par le président de la commission épiscopale américaine sur l’œcuménisme et les affaires interreligieuses comme « un appel retentissant pour un dialogue solide qui conduise à la paix ». Le Document sur la fraternité humaine signé aux Émirats Arabes Unis est un appel à tous les chrétiens et musulmans à se respecter mutuellement et à travailler ensemble pour le bien commun de l’humanité. Ce message d’appel à la tolérance religieuse n’aurait pu tomber mieux pour la société indonésienne, alors que le pays continue d’être en proie aux tendances extrémistes. Le père Harun s’est attelé à la traduction de la déclaration en Indonésien – ce qu’il a fait à la fois pour les chrétiens et pour les musulmans – en ajoutant une nouvelle distinction à son incroyable parcours.
Le prêtre est arrivé à Jakarta en 1971. Il est tombé amoureux de ce pays et de sa langue, jusqu’à devenir un acteur majeur de la traduction et de la révision des Écritures en indonésien, des travaux qui sont encore utilisés aujourd’hui par des millions de catholiques dans le pays. Bien que le père Harun se soit retiré de ses fonctions universitaires en 2013 et qu’il vive aujourd’hui dans une maison de retraite franciscaine à Sindanglaya, à Java, le franciscain reste actif dans l’enseignement biblique face aux demandes de ceux qui continuent de profiter de ses méthodes d’enseignement reconnues. « Chaque année, j’écris plusieurs articles et au moins un livre sur la Bible », explique le prêtre de 79 ans, qui est toujours conseiller de l’Institut biblique indonésien (LBI) aux côtés de Mgr Ignatius Suharyo, archevêque de Jakarta et président de la conférence des évêques d’Indonésie. Il a écrit une dizaine de livres et des centaines d’articles sur les Écritures, dont beaucoup sont considérés comme une référence pour les universités catholiques et les fidèles indonésiens.
Le père Harun, qui maîtrise également le grec, l’hébreu, le français et l’anglais, confie que les catholiques indonésiens s’intéressent de plus en plus aux Écritures. « Les études bibliques sont toujours demandées dans les universités de la région et les classes sont remplies », explique-t-il, ajoutant que les livres contenant des lectures et des réflexions quotidiennes ont davantage de succès dans le pays. « Cependant, la majorité des catholiques n’entendent les Écritures que le dimanche à l’église », regrette-t-il. Pourtant, le prêtre continue de tracer la voie en apparaissant régulièrement dans les séminaires, ateliers et retraites à travers le pays, tout en continuant de traduire les documents ecclésiaux importants. Sa traduction de l’encyclique du pape François, Laudato Si « sur la sauvegarde de la maison commune », adaptée sous forme d’e-book, a été adoptée par la conférence épiscopale indonésienne comme ouvrage de référence. « J’ai senti qu’il était important de permettre à autant d’Indonésiens que possible d’accéder à ce document, par souci pour les questions sur l’environnement », explique-t-il.
« Es-tu prêt à partir pour Jakarta ? »
Le père Arnoldus Thomson Richarnot, ancien étudiant du père Harun, est aujourd’hui missionnaire au Congo. Il affirme que les méthodes d’enseignement du franciscain sont particulièrement efficaces parce qu’il s’efforce toujours d’actualiser les Écritures. « Par exemple, un jour, il nous a demandé d’écrire une lettre de saint Paul et de l’adresser aux communautés catholiques d’Indonésie. La lettre devait contenir les problèmes que les gens rencontrent au quotidien. » Le père Yohanes Subagyo, vice-président de l’Institut biblique indonésien et collaborateur de longue date du père Harun, le décrit comme « une personnalité éminemment respectée parmi les biblistes catholiques et protestants ». Il salue « l’incroyable dévouement » du père Harun et ses contributions aux traductions des livres deutérocanoniques de l’Ancien Testament. Le père franciscain Peter C. Aman, professeur de théologie morale à l’institut Driyarkara de philosophie de Jakarta, confie que le père Harun a laissé un héritage précieux. Ses travaux bibliques ont contribué à faire des franciscains une figure dominante des traductions des Écritures, assure le père Aman, qui ajoute que la congrégation prépare ses successeurs pour poursuivre son travail. « Deux de nos frères étudient les Écritures aujourd’hui pour s’y préparer, un à Jérusalem et un autre à Rome. » Mais il ne sera sans doute pas si évident de le remplacer.
L’enthousiasme passionné du père Harun l’a poussé à sauter sur l’occasion d’aller former les séminaristes à Jakarta il y a près d’un demi-siècle, et il n’a jamais regardé en arrière. « Mes supérieurs m’ont demandé, ‘Es-tu prêt à te rendre à Jakarta ?’ », se souvient-il, ajoutant qu’il étudiait la Bible aux Pays-Bas à l’époque. « J’ai toute de suite dit ‘Avec plaisir !’ » Après avoir terminé son doctorat à Jérusalem, il est parti pour l’Asie. Après plusieurs mois passés à étudier l’indonésien, il a commencé à enseigner la Bible à l’institut Driyarkara de philosophie de Jakarta, fondé par les franciscains, les jésuites et l’archidiocèse de Jakarta. Il a également contribué à fonder un secrétariat permanent pour l’Institut biblique indonésien, et il a travaillé aux côtés de l’Indonesian Bible Institute, protestant, et il est intervenu régulièrement auprès de l’université catholique Atma Jaya de Jakarta et de l’université Parahyangan de Bandung, à Java.
(Avec Ucanews, Jakarta)
CRÉDITS
Siktus Harson / Ucanews