Eglises d'Asie

Un nouvel archevêque philippin engagé pour la paix dans la région autonome de Mindanao

Publié le 28/04/2023




Alors que l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines, a été marquée par près de cinq décennies de conflits meurtriers entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles musulmans séparatistes, le nouvel archevêque nommé de Zamboanga, Mgr Julius Tonel, se dit engagé en faveur de la paix et du dialogue interreligieux dans la région autonome. Les responsables chrétiens et musulmans de cette zone troublée ont salué sa nomination par le pape François, en affirmant qu’il connaît bien Zamboanga et ses enjeux.

Mgr Julius Tonel Zamboanga a été nommé archevêque de Zamboanga, le 25 avril dans l’île de Mindanao, dans le sud des Philippines.

Le nouvel archevêque nommé de Zamboanga, dans la région en conflit de Mindanao, dans le sud des Philippines, s’est engagé à soutenir un dialogue de paix entre les communautés chrétiennes et musulmanes. Le 25 avril, le pape François a nommé Mgr Julius Tonel, évêque d’Ipil, à la tête de l’archidiocèse de Zamboanga, dans une région philippine majoritairement musulmane.

Après sa nouvelle nomination, Mgr Tonel a déclaré qu’une de ses priorités sera de lutter contre les préjugés des chrétiens de la région contre les musulmans, considérés par certains fidèles comme étant tous terroristes ou membres de groupes djihadistes. « Il y a des gens qui perpétuent les préjugés contre les musulmans, même parmi nos responsables politiques. C’est pourquoi nous devons les former, les préparer pour qu’il puisse y avoir un véritable dialogue et que les préjugés soient éliminés, afin de rechercher la paix », a confié le nouvel archevêque, âgé de 67 ans.

Il s’est dit un peu nerveux d’assumer cette nouvelle responsabilité à Zamboanga, tout en étant déterminé à continuer cette mission en faveur de la paix. « Cela m’effraie parce que mes responsabilités sont désormais plus importantes. Zamboanga est affecté par de nombreuses difficultés, car l’archidiocèse souffre à la fois des attaques terroristes et des préjugés chrétiens contre les musulmans », a-t-il expliqué.

Il est né dans la ville de Davao le 31 août 1956 et il a été ordonné prêtre à Davao le 12 avril 1980. Il a étudié la théologie liturgique à l’Athénée pontifical saint Anselme de Rome (de 1986 à 1990). Il a été nommé évêque d’Ipil le 30 juin 2007, et sa consécration épiscopale a eu lieu le 20 août de la même année. Il est également président de la Commission pour la santé de la Conférence épiscopale philippine.

« C’est un bon médiateur pour la paix dans la région »

Les responsables chrétiens et musulmans de la région ont salué la nomination du nouvel archevêque en affirmant qu’il connaît bien Zamboanga et ses enjeux. « C’est un pasteur qui ne juge pas facilement les gens, il sait écouter et c’est un bon médiateur pour la paix dans la région de Mindanao », assure Francesca Ruizalo, une catholique de Zamboanga âgée de 64 ans. Elle ajoute que le nouvel archevêque est aimé des fidèles de l’archidiocèse en raison de sa capacité à régler des conflits non seulement entre les chrétiens et les musulmans mais également au sein même de la communauté catholique.

« C’est un administrateur qui sait observer et sentir les questions délicates. Il étudie l’histoire et le contexte des parties engagées, ce qui l’a aussi beaucoup aidé à sympathiser. Quand il parle, ses auditeurs savent rapidement qu’il s’est préparé avec des recherches approfondies », poursuit Francesca.

En 2021, Mgr Tonel a été une figure majeure du dialogue interreligieux et du processus de paix dans la province de Sulu, après des attentats terroristes qui ont causé au moins 14 décès et plus de 75 blessés. Le 24 août 2020, le groupe terroriste Abu Sayyaf a également fait exploser deux bombes près de troupes militaires philippines qui transportaient du matériel médical durant la pandémie de Covid-19. Un autre attentat suicide a également ciblé une cathédrale. Mgr Tonel a condamné ces attaques tout en insistant pour que les paroisses catholiques servent de lieux de paix où les enseignements de l’Église sont enseignés à tous.

En 2002, des extrémistes musulmans ont également lancé une série d’attaques dans la province en faisant au moins 11 morts et 80 blessés. Récemment, un fabricant d’explosif d’Abu Sayyaf a aussi été arrêté dans la même province en février 2023 avec en sa possession des bombes et des matériaux utilisés pour leur fabrication.

26 % de la population de Mindanao en situation d’extrême pauvreté

Pour l’imam Osman Balba, le nouvel archevêque est une figure populaire parmi les musulmans de la région en raison de ses contributions remarquables au comité consultatif de la loi BOL (Bangsamoro Organic Law) de 2018, qui a fait de Mindanao une région autonome. « Mgr Tonel a non seulement soutenu la loi [avant qu’elle soit votée], mais il en a aussi été une voix critique. Il y a eu des révisions de la loi et il a facilité le processus de consultation parmi les familles musulmanes de son diocèse », explique le musulman.

Avant que la loi soit promulguée, Mgr Tonel, avec d’autres responsables catholiques de Mindanao, a promis d’améliorer l’éducation catholique afin d’enseigner « une histoire plus inclusive » qui retrace les relations entre les communautés musulmanes et chrétiennes. La région a en effet enduré des conflits meurtriers durant des décennies entre les groupes rebelles islamiques et les militaires philippins, qui ont causé plusieurs milliers de victimes.

Le principal groupe rebelle de la région, le Front Moro islamique de libération (MILF), une organisation fondée en 1978 et insurgée contre le gouvernement philippin, a insisté pour plus d’autonomie dans la région jusqu’au vote de la loi BOL en 2018. Après sa promulgation, le groupe a désarmé plusieurs milliers de ses combattants. Toutefois, beaucoup de ses militants ont refusé de déposer les armes et ont rejoint d’autres groupes actifs dans la région dont le groupe islamiste Abu Sayyaf, affilié au groupe État islamique.

La pauvreté largement répandue dans le sud des Philippines a longtemps été accusée de renforcer l’extrémisme, dans une région connue comme un des greniers du pays en raison de son secteur agricole prometteur et de ses ressources naturelles. Près de 26,1 % de la population de Mindanao, sur environ 24 millions d’habitants, était en situation d’extrême pauvreté en 2021, soit le taux le plus élevé dans le pays selon la Philippine Information Agency.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Zamboanga Archdiocese / Ucanews