Eglises d'Asie

Un orphelinat catholique de Sentani accueille les enfants papouasiens affectés par le conflit

Publié le 07/01/2022




Le 27 décembre dans un orphelinat catholique de Sentani, en périphérie de la ville de Jayapura, capitale de la province de Papouasie dans l’est de l’archipel indonésien, Mgr Leo Laba Ladjar, évêque de Jayapura, a rencontré un groupe d’enfants rescapés d’une zone de conflit (dans le district d’Intan Jaya, en Papouasie). À cette occasion, l’évêque a tenté de leur apporter de l’espoir après avoir écouté leur témoignage, en expliquant qu’il essaie, avec d’autres responsables religieux, de trouver des solutions pacifiques au conflit qui se poursuit en Papouasie.

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Face au conflit qui se poursuit dans le district d’Intan Jaya, dans la province indonésienne de Papouasie, dans l’est de l’archipel, où la population locale a subi de graves violences, plusieurs dizaines d’enfants ont été secourus par un prêtre et accueillis dans un orphelinat catholique. Ils ont été pris en charge à l’orphelinat Hawai Daughter of Mercy (« Fille de miséricorde ») de Sentani, en périphérie de la ville de Jayapura, la capitale provinciale. L’établissement est dirigé par la congrégation des Petites sœurs de Saint-Joseph.

Onike Belau, qui fait partie des enfants accueillis, a témoigné avec émotion, devant Mgr Leo Laba Ladjar, franciscain et évêque de Jayapura, en lui racontant comment elle a dû fuir son village avec ses amis le mois dernier, en se séparant de ses parents déplacés. « Dans notre village, la guerre continue, entre les rebelles et les forces de l’ordre », a-t-elle confié à Mgr Ladjar, qui les a rencontrés à l’orphelinat durant une fête de Noël qui a été retransmise en ligne. Onike a expliqué que dans cette situation, alors que leurs écoles avaient été incendiées, ils n’avaient pas d’autre choix que de quitter le village. « Je suis heureuse de me retrouver enfin ici. »

De son côté, Yulistisina Belau, une autre fille accueillie à l’orphelinat, a aussi raconté les violences survenues dans son village. « Ma mère est morte quand j’étais petite, et mon père est âgé », a-t-elle raconté en pleurant. Hésitante, elle a ajouté que les gens de son village avaient peur, et beaucoup ont trouvé refuge dans une église locale. Les enfants ont pu quitter le village grâce à l’intervention du père Yeskiel Belau.

Depuis Baitapa, leur village reculé dans les montagnes, ils ont décollé dans un petit avion pour rejoindre le port de Nabiro, d’où ils ont franchi la baie de Cenderawasih par bateau durant près de 24 heures, afin d’atteindre Jayapura. C’est la première fois qu’ils quittaient leur village. Le 3 décembre, ils sont enfin arrivés à Jayapura Harbor, où ils ont été accueillis par sœur Alexia Eva, coordinatrice de l’orphelinat.

Au moins 5 850 personnes déplacées en 2021

L’établissement a été fondé en 1992 par le père Nico Syukur Dister, un franciscain néerlandais, et par sœur Maricen, une religieuse d’origine belge. L’orphelinat est également devenu un foyer d’accueil pour au moins 700 enfants papouasiens, qui y ont reçu une éducation. Les derniers accueillis font partie des civils qui sont devenus victimes d’un conflit prolongé entre les séparatistes papouasiens et les forces armées indonésiennes.

Emanuel Gobay, directeur d’un institut d’aide juridique local (Papua Legal Aid Institute), explique que les enfants recueillis « font partie d’un petit groupe qui a eu la chance de recevoir de l’aide de l’Église ». « De leur côté, il y a encore beaucoup d’enfants qui sont délaissés à cause du conflit. Leur vie en subit les conséquences, et leur éducation est également négligée », souligne-t-il.

Selon un groupe de militants (Papuan People’s Solidarity Against State Violence), près de 50 700 personnes ont été déplacées par les violences depuis 2018, dont une majorité de femmes et d’enfants. Au moins 307 sont morts à cause du conflit durant cette période. À Intan Jaya, selon le groupe, le conflit s’est intensifié au cours de l’année dernière ; au moins 5 850 personnes ont dû fuir et on a compté 32 décès et cinq portés disparus. Parmi les victimes, un enfant de deux ans est décédé, et un autre de six ans a été gravement blessé par balle.

Selon Emanuel Gobay, la prochaine génération risque d’avoir des problèmes sérieux à l’avenir. « Le fait de voir leurs parents souffrir, de devoir quitter leurs maisons, bien sûr, cela peut entraîner des désirs de vengeance », confie-t-il. Il dénonce également le gouvernement, en estimant qu’il s’est montré peu engagé à venir en aide aux civils, en particulier pour les enfants. « Les enfants sont aidés grâce à la bonté de l’Église, mais les institutions d’État devraient s’occuper d’eux. » Il ajoute que la Convention sur la protection infantile et la loi sur la protection des enfants garantissent en principe que ceux qui vivent dans les zones de conflit reçoivent protection et assistance. « Dans ce contexte, l’État ignore les droits des enfants dans le conflit papouasien. »

« Ils ne comprennent pas que ce sont vous les victimes »

Sœur Alexia explique qu’elle ressent l’impact que l’expérience de la violence a eu sur les enfants. « Quand ils entendent un bruit fort ou un grand coup, leur réaction est de se cacher. » Elle ajoute que l’orphelinat essaie d’occuper leurs esprits avec d’autres choses, et de favoriser leur croissance en leur confiant des tâches comme le ménage, l’entretien du jardin et les études. Selon la religieuse, l’autodiscipline sera la fondation de leur indépendance en grandissant.

Durant sa visite récente, Mgr Ladjar a essayé de leur donner des paroles d’espoir après avoir écouté leurs histoires. L’évêque leur a dit qu’avec d’autres responsables religieux, ils essaient d’apporter des solutions pacifiques au conflit qui les affecte. « Ils ne comprennent pas que ce sont vous les victimes. Tout le monde est affecté par ce qui se passe », a-t-il regretté. « Vous avez pu échapper aux violences, mais il y a encore beaucoup d’autres enfants qui ne peuvent pas manger et qui ne peuvent pas aller à l’école à cause de ce conflit. »

(Avec Ucanews)


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