Eglises d'Asie – Divers Horizons
Un rapport enregistre un nombre record de coupures délibérées d’Internet en Inde et en Birmanie
Publié le 07/05/2022
L’an dernier, selon un nouveau rapport publié par la coalition KeepItOn, on a compté 129 coupures forcées ou réduction d’accès à Internet dans sept pays de la région Asie-Pacifique, contre 114 coupures dans cinq pays en 2020. Parmi ces chiffres préoccupants, l’Inde semble clairement en tête de liste avec 106 coupures délibérées d’Internet, dont 85 dans le territoire de Jammu-et-Cachemire, dans le nord de l’Inde (constituant la partie sud de la région du Cachemire, qui fait l’objet d’un différend avec le Pakistan depuis 1947, et avec la Chine depuis 1962).
La Birmanie est en deuxième place avec 15 coupures d’Internet, suivie par l’Iran, le Soudan et plusieurs autres pays d’Afrique et du Moyen-Orient. L’Asie compte aussi un autre triste record, avec les plus longues coupures Internet enregistrées. En haut de la liste, on compte 2 026 jours (plus de cinq ans) dans les FATA (Federally Administered Tribal Areas), les régions tribales du nord-ouest du Pakistan. Le rapport a également enregistré 593 jours de coupure dans l’État de Rakhine (Birmanie), ainsi que 551 jours au Jammu-et-Cachemire (de 2019 à 2021), après la perte d’autonomie du territoire.
106 coupures d’Internet enregistrées en Inde en 2021
Comme le reconnaît le rapport, les données en Inde restent incomplètes à cause du manque de transparence du gouvernement. Les autorités locales ont fermé ou limité l’accès à Internet, bloqué les plateformes de communication et interféré avec les informations en ligne durant les périodes de fortes tensions, afin de réprimer la dissidence et maintenir le contrôle.
En Inde, le rapport a également exploré les différences entre les raisons avancées par le gouvernement et les vraies causes des coupures. Dans 60 cas, Internet a été bloqué officiellement pour des raisons de « sécurité nationale », tandis que la cause véritable venait de tensions politiques. À plusieurs reprises, Internet n’a pas été accessible durant les jours fériés, ou encore parce que des personnalités politiques étaient de passage. Dans au moins quatre cas, la raison officielle visait à empêcher les étudiants de tricher aux examens, tandis que dans tous les autres cas, le but véritable était de réprimer la dissidence et/ou de bloquer les partages d’informations sur les réseaux sociaux.
En Birmanie, le coup d’État militaire du 21 février 2021 a entraîné une forte répression et des conflits internes se poursuivent encore. Entre le 15 février et le 28 avril 2021, la junte au pouvoir a imposé plusieurs couvre-feux nocturnes. Durant ces périodes, les militaires ont renforcé les violences contre les civils, utilisant des balles en caoutchouc et des balles réelles, ainsi que du gaz lacrymogène contre les manifestants. Le 3 mars, durant une coupure nationale, au moins 38 militants ont été tués – un jour alors considéré par un envoyé des Nations unies comme « le plus sanglant depuis le coup d’État ».
Dans le pays, les accès à Internet ont été coupés de force afin d’empêcher les organisations internationales d’enquêter sur des crimes de guerre commis par les militaires – durant ces coupures, des soldats ont incendié des habitations et lancé des frappes aériennes, causant le déplacement forcé de plusieurs milliers d’habitants. Afin d’arriver à temps, les équipes de secours ont dû faire appel à des messagers humains pour savoir où et quand intervenir auprès des blessés. À cause de cette situation, des groupes comme Witness Myanmar n’ont pu couvrir les violations des droits de l’homme et rassembler des preuves en vue de futures poursuites juridiques internationales.
Un impact économique considérable
Le rapport de KeepItOn illustre non seulement les pratiques répressives de nombreux gouvernement asiatiques, en particulier en Inde (considérée comme la plus grande démocratie au monde), mais aussi un impact économique considérable causé par ces coupures délibérées. Au Cachemire, la coupure a duré 18 mois, avant même l’arrivée de la pandémie, forçant de nombreux commerces à fermer. Certaines personnes qui se sont retrouvées sans travail ont trouvé des emplois comme chauffeurs, tandis que les petits commerces indépendants qui ont survécu se sont tournés vers les réseaux sociaux, en particulier Instagram, pour survivre. Les coupures ont été dures pour certains, comme pour Gatoes, un service de livraison de courses en ligne, qui a perdu près de 1 000 dollars US par jour durant ces périodes. Au Cachemire, le secteur local de la restauration a perdu jusqu’à 9 000 dollars par jour. En 2020, les coupures d’Internet ont coûté près de 2,8 milliards de dollars à l’Inde.
(Avec Asianews)