Eglises d'Asie

Un Sud-Coréen récompensé pour son travail contre le harcèlement scolaire

Publié le 20/09/2019




Kim Jong-ki a créé sa Fondation pour la prévention de la violence juvénile en 1995, après avoir lui-même souffert du suicide de son fils qui était confronté au harcèlement et à la violence à l’école. Près de 24 ans plus tard, la fondation s’est développée et continue de travailler aux côtés du gouvernement et des établissements scolaires pour la prévention et la détection de la violence juvénile, pour l’accompagnement des familles et la protection des victimes. En 2018, une étude a constaté que depuis la création de la fondation en 1995, la violence à l’école en Corée du Sud a chuté de 20 % à 3 %. Kim a reçu le prix Ramon Magsaysay 2019, en reconnaissance de son travail au service de la société coréenne.

Contrairement à d’autres histoires de conversion, Kim Jong-ki n’a pas commencé par chercher Dieu, mais par s’en éloigner. Kim était un homme d’affaires sud-coréen prospère qui travaillait pour une grande firme électronique. Il vivait heureux avec sa femme, son fils et sa fille. Il était au sommet de sa carrière quand la tragédie l’a frappé. Il était en voyage à l’étranger quand son fils de 16 ans, Dae-hyun, s’est suicidé. Sa première réaction a été d’interroger Dieu : « Je suis chrétien, je travaille très dur, je vais à l’église tous les dimanches, mais pourquoi dois-je souffrir autant ? » Le suicide de Dae-hyun a dévasté toute la famille. Kim Jong-ki était tellement désespéré qu’il était proche de mourir de tristesse. « Ma femme aussi », confie-t-il. « Je ne priais plus, je n’allais plus à l’église. Je me suis détourné de Dieu. Pour moi, il n’y avait plus de Dieu. » Plus tard, Kim a appris que son fils s’était donné la mort à cause du harcèlement qu’il subissait à l’école. Malheureusement, à l’époque en Corée, le harcèlement scolaire n’était pas reconnu comme un problème grave. De plus, ceux qui étaient violents envers son fils ont continué à harceler d’autres élèves. La Corée du Sud avait alors l’un des plus forts taux de suicide au monde. En 2005, le taux de suicide parmi les collégiens et les lycéens s’élevait à 7,6 sur 100 000 élèves. Des études affirment que plus de la moitié de ces suicides étaient liés au harcèlement scolaire. Kim a dû apprendre à canaliser sa douleur, et il est convaincu que d’autres tragédies similaires ne devaient pas arriver à d’autres enfants. Il a donc créé la Fondation pour la prévention de la violence juvénile (FPYV – Foundation for preventing youth violence), une première en Corée du Sud. Le but de la fondation est de lutter contre la violence scolaire en tant que « problème social systémique » affectant les élèves, les familles, les écoles et toute la communauté. La tâche n’était pas facile, cependant. La population n’avait que peu conscience de la gravité et de l’étendue du problème de la violence à l’école. C’était considéré comme normal pour des adolescents.

Le gouvernement et les établissements scolaires voulaient éviter d’attirer l’attention du public sur la question. Les victimes et leurs parents avaient peur et ne voulaient pas parler. Pourtant, Kim a persévéré. Il a parlé publiquement du suicide de son fils et du harcèlement qui l’a provoqué. « Il y avait beaucoup de difficultés », confie-t-il. « Mais je suis retourné vers Dieu ». Il explique que tout s’est joué quand il ne pouvait même plus payer les salaires du personnel de la fondation. Je faisais de mon mieux pour la société, pour les enfants, mais nous étions très pauvres. J’ai donc demandé à Dieu de m’aider. Je lui ai dit que c’était Sa responsabilité », explique-t-il. Il ajoute que la fondation a été lancée avec seulement quelques personnes, mais quand d’autres affaires sont survenues, il a commencé à embaucher davantage. « J’ai donc demandé à Dieu de me donner un coup de main, sinon je ne pouvais plus continuer. » Durant les 24 années suivantes, Kim et les membres de la fondation ont développé un programme holistique de détection, de protection et de prévention de la violence juvénile. Des activités comme des campagnes anti-harcèlement, des séminaires, des meetings, des concerts ou des projections ont été organisées. L’organisation a créé une ligne téléphonique d’écoute, qui reçoit jusqu’à cinquante appels par jour. Aujourd’hui, l’organisation propose aussi des services de conseil et de médiation, en partenariat avec le ministère de l’Éducation sud-coréen. Son programme de médiation et de réconciliation se concentre aussi bien sur les anciens coupables de harcèlement scolaire que sur l’accompagnement des familles et la protection des victimes. En 2010, la fondation a lancé un institut qui offre des programmes de formation sur la prévention et la détection de la violence juvénile. En 2018, une étude a constaté que depuis la création de la fondation en 1995, la violence à l’école en Corée du Sud a chuté de 20 % à 3 %. « C’était la volonté de Dieu que consacre ma vie à cette cause. C’est ma promesse envers mon fils », affirme Kim. Pour le « courage discret » dont il a témoigné « en transformant son deuil personnel en mission » pour protéger la jeunesse coréenne du harcèlement et de la violence, il a reçu le prix Ramon Magsaysay 2019, également connu comme le Prix Nobel de l’Asie. Le jury a reconnu son « dévouement inlassable afin de transmettre aux jeunes des valeurs d’estime personnelle, de tolérance et de respect mutuel ». Kim, de son côté, attribue le succès de son travail à Dieu. « Je le dois à Dieu, et je crois que maintenant, mon fils me sourit. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Maria Tan / Ucanews