Eglises d'Asie – Philippines
Une cérémonie traditionnelle soutient la diversité ethnique et religieuse à Mindanao
Publié le 14/03/2019
Le 8 mars, les représentants de huit tribus indigènes Lumad, ainsi des Moro et d’autres groupes, se sont rassemblés à Songco, un village de la province de Bukdnon (dans l’île de Mindanao) afin de renouveler leurs vœux d’amitié. La cérémonie traditionnelle, organisée par la communauté locale Talaandig, consistait à tuer des poulets et à en répandre le sang sur leurs paumes et sur leurs fronts, ainsi que sur le monument célébrant le renouvellement de leurs liens d’amitié, une jarre symbolisant l’unité des trois peuples indigènes de l’île de Mindanao. En plus des Lumad, un groupe indigène non christianisé et islamisé habitant dans le sud des Philippines (à Mindanao, Cebu et Panay), l’île de Mindanao héberge les Moro, majoritairement musulmans, ainsi que les Sulu et les Basilan, majoritairement chrétiens. Datu Migketay Victorino Saway, chef tribal Talaandig, confie que cette cérémonie est organisée tous les ans depuis 2012 au pied du Mont Kitanglad, au centre de Mindanao. Pour lui, celle de cette année est « particulièrement importante, alors que la Région autonome Bangsamoro est en train d’être implantée dans l’île de Mindanao ». Pour beaucoup, le développement de cette nouvelle région est une étape majeure vers une paix durable, avec les rebelles séparatistes et contre la montée de l’extrémisme islamiste.
« La situation reste stable »
Le 22 février, le président philippin Rodrigo Duterte a en effet remis le pouvoir de la nouvelle région à Murad Ebrahim, président du Front de libération islamique Moro. Murad Ebrahim dirigera l’Autorité de transition du Bangsamoro jusqu’à l’élection d’un parlement régional en 2022. La nouvelle région, créée suite au référendum du 21 janvier, couvre les provinces de Lanao del Sur, Maguindanao, Basilan, Sulu et Tawi-Tawi, ainsi que les villes de Marawi, Lamitan, Cotabato et 63 villages de la province de Cotabato du Nord. Les musulmans de Mindanao sont cependant divisés et selon des sources, les tensions persistent. Le rôle central joué par le Front de libération islamique Moro, composé en grande partie de membres de l’ethnie Maguindanao, a provoqué la colère d’autres groupes ethniques islamiques, dont les Tausug, plus favorables à une structure fédérale, ainsi que les Maranao. Les tensions durant la campagne précédant le référendum ont ainsi conduit, peu après la victoire du « Oui », aux attentats contre la cathédrale de Jolo, dans la province de Sulu (le 27 janvier), et contre une mosquée de Zamboanga (le 30 janvier). Ces divisions ont également nourri les critiques de plusieurs personnalités et groupes politiques. Beaucoup de musulmans craignent que la région autonome ne soit ainsi affaiblie, conduisant à la montée des violences. C’est pourquoi les cérémonies traditionnelles telle que celle de Songo, le 8 mars, permettent de renforcer le dialogue intercommunautaire. Le père Sebastiano D’Ambra, missionnaire PIME et fondateur de Silsilah, un mouvement pour le dialogue islamo-chrétien, assure qu’« à ce jour, la situation est sous contrôle, en particulier d’ici les élections du 13 mai. Les gens attendent de voir comment les choses vont se dérouler durant la période transitoire. En attendant, la situation reste stable ».
(Avec Asianews, Mindanao)
CRÉDITS
Fr Jeffrey Pioquinto, SJ