Eglises d'Asie

Une religieuse du Gujarat défie la pandémie pour nourrir les handicapés dans les rues de Mithapur

Publié le 27/05/2021




Depuis 2010, sœur Elsie Vadakkekara, de la congrégation des Sœurs de Sainte Anne de la Providence (basée à Mithapur, dans l’État du Gujarat), circule en rickshaw afin de distribuer de la nourriture aux handicapés mentaux vivant dans la rue entre Mithapur et le port d’Okha. La religieuse, âgée de 83 ans, a poursuivi sa tournée quotidienne malgré la pandémie : « Je ne peux pas rester sans rien faire quand les miens sont laissés à l’abandon. »

Sœur Elsie Vadakkekara nourrit une personne handicapée mentale lors d’une de ses tournées quotidiennes, dans l’État du Gujarat, dans l’ouest de l’Inde.

À l’âge de 83 ans, sœur Elsie Vadakkekara ne manque jamais son rendez-vous avec les pauvres qui vivent dans la rue, même pendant un confinement et en temps de pandémie. En toutes saisons, y compris en pleine période de mousson, la religieuse catholique descend dans la rue vers midi, tous les jours, afin de distribuer de la nourriture aux personnes handicapées mentales en situation précaire, dans son quartier, dans l’État du Gujarat (dans l’ouest de l’Inde). Sœur Elsie est membre de la congrégation des Sœurs de Saint Anne de la Providence, basée à Mithapur, dans le diocèse de Rajkot. Elle a défié les risques sanitaires afin de nourrir les plus démunis, une passion qu’elle poursuit depuis près d’une décennie. « Je ne peux pas m’asseoir confortablement dans mon couvent quand les miens sont laissés à l’abandon, en particulier durant ce confinement », explique sœur Elsie. Les autorités ont imposé un confinement strict dans la plupart des régions du Gujarat depuis avril, quand une nouvelle vague d’infections au Covid-19 est apparue dans l’État indien, affectant plusieurs milliers de personnes et tuant plusieurs centaines de victimes quotidiennement.

Le Gujarat fait partie des régions les plus affectées de l’Inde, où plus de 3 000 personnes meurent du Covid tous les jours actuellement, et où l’on compte au moins 300 000 nouveaux cas positifs tous les jours, selon les informations du gouvernement. « Dans ce contexte, puis-je rester chez moi sans rien faire et les laisser mourir de faim », demande sœur Elsie, qui ajoute que même en temps normal, personne ne se préoccupe des personnes qu’elle soutient. « Je ne peux pas prendre de risque, il s’agit de leur vie. » La religieuse est surnommée affectueusement « Mère Teresa de Mithapur ». « Je suis prête à donner ma vie pour eux, mais je ne peux pas cesser de les nourrir tant que je le peux », poursuit la religieuse. Interrogée à propos des risques liés au virus, elle répond : « Je ne mourrais pas avant le jour décidé par Dieu. » Elle nourrit près de 50 handicapés vivant dans la rue, entre Mithapur et le port d’Okha, sur une distance d’environ 15 kilomètres. Elle transporte de la nourriture cuisinée (riz, légumes, chapatis, lentilles) et de l’eau potable dans un rickshaw (type de motocyclette à trois roues). Son chauffeur, Sanjay Siruka, explique qu’ils font environ 45 arrêts pour servir de la nourriture. « Dès qu’ils voient notre véhicule, ils se précipitent pour recevoir de la nourriture des mains de la sœur. »

Un projet lancé le 25 décembre 2010

Avant la pandémie, la religieuse avait l’habitude de prendre les femmes dans ses bras et de bénir les hommes en touchant leur front ou leurs épaules. Elle échangeait avec eux et se montrait très amicale. « Certains écoutent et répondent avec un sourire, d’autres restent sans expression », confie Siruka, ajoutant que sœur Elsie a dû prendre davantage de distance à cause des protocoles sanitaires liés au Covid-19. Le chauffeur explique que la religieuse distribue la nourriture selon les besoins de chaque personne. Certains reçoivent jusqu’à dix chapatis tous les jours et d’autres trois. « Ce que nous donnons est suffisant pour l’alimentation d’une personne deux fois par jour, mais notre but est de leur permettre d’avoir au moins un repas complet », souligne sœur Elsie. Des commerçants et des chefs de communauté lui donnent des légumes et d’autres aliments. Excepté des situations vraiment exceptionnelles, « nous y parvenons avec de l’aide locale ». La religieuse a dû s’interrompre un mois durant le confinement national imposé en mars 2020. Le père Vinod Karumalikal, ancien curé de la paroisse de la religieuse, explique que des membres de l’Église locale voulaient qu’elle cesse ce service à cause de son âge avancé et de la pandémie. « Mais elle n’est pas prête à cela. Elle dit qu’elle est prête à mourir du Covid et qu’elle serait malheureuse de les voir affamés. »

Bien que d’autres religieuses de sa congrégation ont proposé de la remplacer, elle a tenu à continuer. Parfois, certains refusent la nourriture qu’elle offre, parce qu’ils sont effrayés ou pour d’autres raisons inconnues. Plusieurs fois, ils ont reçu la nourriture avant de la jeter. D’autres sœurs se sont jointes à l’opération pour la soutenir, explique le père Karumalikal. Sœur Elsie confie qu’elle a commencé son projet à la demande d’un ancien curé de paroisse, le père Titus Mandy. Il a vu un homme handicapé mental manger de la bouse de vache sur le bord de la route, et il a demandé aux religieuses d’aider. « Quand il nous a sollicitées, je me suis portée volontaire et le projet a été lancé le 25 décembre 2010 », raconte la religieuse. Mgr Jose Chittooparambil, évêque de Rajkot estime que le service rendu par sœur Elsie montre le vrai sens de l’évangélisation et du témoignage chrétien. « Le témoignage a plus de valeur que la prédication », souligne l’évêque. « Dans une situation telle que cette pandémie, sœur Vadakkekara montre que l’amour dépasse tout le reste. »

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

Saji Thomas / Ucanews