Eglises d'Asie – Timor Oriental
Une veuve est-timoraise revit grâce à un projet scolaire
Publié le 05/01/2019
Après la mort de son mari dans les troubles qui ont frappé le Timor-Leste après son indépendance en 2006, Isabel Maria Trindade, 56 ans, a dû se contenter d’une vieille cabane délabrée en guise de logement, avec ses chiens pour seuls compagnons. Ce petit abri de 4 mètres carrés en bambous était bien trop petit pour elle. Aux yeux de la plupart de ses voisins de Samatae – un village du district d’Ermera, à environ 40 kilomètres de Dili, la capitale –, il ne pouvait même pas être considéré comme un véritable logement. « J’étais en détresse. Depuis la mort de mon mari, tout est devenu bien plus dur », confie Isabel Maria. « Je suis pauvre, et quand je me suis retrouvée aussi démunie, j’ai failli me donner la mort. Comme j’étais seule, je ne savais pas vers qui me tourner. » En se nourrissant seulement de manioc, de maïs et de bananes, elle souffrait aussi de malnutrition. Les quelque 20 dollars par mois qu’elle touchait en s’occupant du bétail des autres suffisaient à peine à lui permettre d’acheter du riz, des bougies et du pétrole pour sa lampe à huile. Elle ne pouvait pas payer l’électricité.
Finalement, elle a fini par obtenir de l’aide des étudiants de l’école de l’Immaculée Conception d’Ermera. En entendant parler du sort de Isabel Maria, le président de l’école, le père Deolindo d’Andrade est venu lui rendre visite avec les enseignants et les élèves. Ils ont apporté du riz, de l’huile de cuisson et d’autres produits de première nécessité. Isabel Maria fait partie des 17 personnes dans le besoin que les étudiants ont choisi de visiter. « Le plus important est qu’ils ont promis de me construire un nouveau logement », se réjouit-elle. Son nouveau foyer de 24 mètres carrés a été financé et construit par les lycéens et les enseignants de l’école, à côté de son ancien abri. Il n’y a plus de fuites, son nouveau logement a été construit en béton avec un toit d’aluminium. Le nouveau logement, six fois plus grand que l’ancien, a été béni en septembre par l’évêque de Dili, Mgr Virgilio do Carmo da Silva. Isabel Maria n’est pas la seule de son pays à avoir vécu des épreuves semblables, alors qu’une grande partie de la population d’1,3 million d’habitants vit dans une situation précaire. Selon un rapport du ministère des finances Est-Timorais, près de 42 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, et 35 % n’ont pas accès à l’électricité. « Je suis vraiment bénie », confie Isabel Maria.
Des canettes pour un nouveau foyer
L’école de l’Immaculée Conception d’Ermera a été fondée en 1983. Elle est devenue une école catholique reconnue et compte 973 élèves, de la maternelle au lycée. Ses enseignants cherchent à transmettre aux élèves les valeurs catholiques, telles que l’engagement auprès des pauvres comme Isabel Maria. « En les encourageant à aider les personnes démunies, nous complétons ce qu’ils apprennent en classe », explique le père Andrade, qui est également curé de la paroisse Notre-Dame de Lourdes. « Cela permet aux élèves de découvrir des situations réelles et d’apprendre à les résoudre. » Le prêtre cherche aussi à leur apprendre à respecter l’environnement en se débarrassant des déchets de façon responsable. Pour le père Andrade, c’est une façon de mettre en pratique l’encyclique du pape François, Laudato Si. En alliant discipline et charité, le prêtre explique qu’il est demandé aux élèves qui enfreignent les règles de l’école ou qui ont de mauvais résultats de ramasser les cannettes usagées. Celles-ci sont ensuite revendues entre 65 centimes et 1 dollar par kilogramme. Entre mars et avril 2018, ils ont ainsi collecté 800 dollars pour financer plusieurs programmes caritatifs, dont la construction d’un nouveau foyer pour Isabel Maria.
Le père Andrade confie que les élèves apprendront à être plus créatifs dans les collectes de fonds, en vendant par exemple des beignets de bananes ou en organisant des concours de chants… « Le but est de construire de nouveaux foyers pour les personnes dans le besoin », ajoute le prêtre. Dulcia Denisfatima, 17 ans, fait partie des élèves à qui il a été demandé de ramasser 50 canettes usagées. Elle avait obtenu de mauvais résultats en informatique, et elle était d’abord embarrassée. « Mais cela m’a donné envie de travailler plus », explique-t-elle, en ajoutant qu’elle a compris, en voyant que son action avait permis d’aider des personnes en difficulté, que cela faisait partie de son éducation. Agostinho de Jesus Madeira, 20 ans, un lycéen qui a également participé aux collectes de canettes, explique qu’il a ouvert les yeux en comprenant que la sanction imposée par l’école pour ses mauvais résultats consistait à aider les autres… « J’étais heureux de rejoindre le groupe d’élèves chargé de la construction des logements et de la collecte de fonds », assure Agostinho, cinquième d’une famille de sept enfants, et qui espère devenir prêtre un jour. Esaurino Madeira, parent d’élève et conducteur d’ambulance de 52 ans, soutient la méthode employée par l’école. « Ma fille a changé depuis qu’on lui a demandé de ramasser 50 canettes pour avoir échoué une matière », explique-t-il. Pour lui, la tâche de venir en aide aux pauvres ne dépend pas seulement du gouvernement ou de l’Église, mais de tous les citoyens, y compris les jeunes.
(Avec Ucanews, Dili)
CRÉDITS
Thomas Ora / Ucanews