Eglises d'Asie – Inde
Uttar Pradesh : des élections régionales aux enjeux majeurs pour la minorité musulmane
Publié le 10/02/2022
Ce jeudi 10 février, en Inde, tous les regards sont tournés vers l’État de l’Uttar Pradesh, dans le nord du pays, où se déroule une phase une cruciale des élections régionales. La seconde phase électorale se déroulera peu après, le 14 février, afin de déterminer l’avenir politique de nombreux candidats et de leurs partis.
Les cantons agricoles de Baghpat et de Muzaffarnagar sont particulièrement sensibles sur le plan électoral, leurs habitants ayant pris part activement aux 13 mois de manifestations massives contre la réforme agricole, l’an dernier en périphérie de Delhi. Les musulmans sont également une part non négligeable de l’électorat et sont partie prenante dans plusieurs des 58 segments de l’assemblée régionale.
Les élections en sept phases, qui se dérouleront en Uttar Pradesh – dont le moine nationaliste hindou Yogi Adityanath est le ministre en chef – et dans quatre autres États cette année, sont considérées comme une « demi-finale » avant les élections nationales de 2024.
Les musulmans de la région se retrouvent à un carrefour déterminant à plus d’un titre. Dans la ceinture agricole du nord, qui borde la capitale indienne, les principales minorités devraient s’associer pour tenter d’assurer la défaite du parti pro hindou du BJP (Bharatiya Janata Party). « L’alliance des Jats et des musulmans sonnera le glas du BJP », affirme Naresh Tikait, un fermier du village de Sisoli, où l’on trouve une importante communauté de Jats – des agriculteurs installés dans le nord-ouest de l’Inde et au Pakistan. Ces derniers font partie des fermiers qui se sont opposés à la réforme agricole voulue par le BJP.
Accusations de discriminations et d’injustices contre la minorité musulmane
« Nous serons heureux de voir Yogi Adityanath chassé du pouvoir. Les musulmans ont subi des discriminations et des injustices grossières au cours des cinq dernières années », assure Ahmed Hameed, un candidat du parti d’opposition RLD (Rashtriya Lok Dal), de Baghpat. Mais de nombreux musulmans de la région restent prudents. En 2013, l’État a connu des grèves et des manifestations massives dans la ville voisine de Muzaffarnagar, affectant encore un peu plus les relations entre hindous et musulmans. Cette fois-ci, qui remportera les élections locales à Muzaffarnagar et Baghpat ?
Les musulmans représentent près de 20 % de la population de l’Uttar Pradesh, et ils sont suffisamment nombreux pour peser sur les résultats de la première et de la deuxième phase des élections régionales. Mais voteront-ils pour un seul parti, ou leurs votes seront-ils divisés entre plusieurs partis ?
Le parti AIMIM (All India Majlis-e-Ittehadul Muslimeen), basé dans l’État du Telangana dans le sud du pays et dirigé par Asaduddin Owaisi, un parlementaire musulman indien, émerge comme un candidat sérieux pour les votes musulmans. Ceux-ci pourraient aussi faire confiance au parti socialiste SP (Samajwadi Party), dirigé par l’ancien ministre en chef Akhilesh Yadav, et dont le parti a monté une alliance avec le parti RLD.
« Les autres partis comme le Congrès et le parti Bahujan Samaj [qui représente les Dalits] ne sont même pas dans la course », commente Kohinoor Ahmed Chaudhry, un fonctionnaire à la retraite du département régional de l’Électricité. Le SP n’a pas placé de candidats à Baghpat ni à Muzaffarnagar, bastions du RLD. À Baghpat, Ahmed Hameed, du parti RLD, fait face au parlementaire Yogesh Dhama, un Jat du BJP.
Par ailleurs, à Muzaffarnagar, où le BJP a réélu le ministre Kapil Dev Agarwal, l’alliance SP-RLD a désigné Saurabh Swarup comme principal opposant. Mais les soutiens massifs dont le SP bénéficie parmi les électeurs musulmans s’étendront-ils au RLD dans le cadre de l’alliance SP-RLD ?
« Ce sera une demi-finale pour le Premier ministre Modi »
Le BJP pourrait également perdre un nombre de votes importants du côté de la minorité Jat, mais aussi en gagner parmi d’autres communautés hindoues comme les Gujjars et les brahmanes, selon des observateurs locaux qui parlent d’une tendance anti-BJP en raison du manque d’emplois pour les jeunes dans cette région appauvrie.
Pourtant, l’électorat n’a pas complètement oublié les problèmes également rencontrés alors que l’ancien ministre en chef Akhilesh Yadav était au pouvoir. De nombreux électeurs, hindous comme musulmans, restent donc indécis. Mais beaucoup d’observateurs estiment que le parti pro musulman de Asaduddin Owaisi, l’AIMIM, risque de diviser les votes, ce qui pourrait favoriser le BJP.
« Owaisi risque d’aider le BJP. Les gens doivent être prudents », a averti le candidat Ahmed Hameed, du RLD. L’AIMIM s’est également présenté lors des élections régionales de 2017, sans parvenir à l’emporter. Cette fois-ci, Owaisi semble déterminé et a même annoncé vouloir placer 100 candidats à travers le vaste État. Même une attaque contre sa voiture, la semaine dernière à un poste de péage dans le district de Hapur, alors qu’il se rendait à Delhi après avoir fait campagne à Meerut, ne semble pas l’avoir intimidé.
« Nous pouvons vraiment lutter contre le fondamentalisme hindou. Des partis comme Samajwadi ou même le Congrès n’ont fait qu’exploiter les musulmans comme des ‘réserves électorales’ », répète Owaisi dans ses meetings électoraux. Quoi qu’il arrive, les candidats et les observateurs locaux continuent d’attendre impatiemment la suite des événements. « Ce sera une demi-finale pour le Premier ministre Modi », reconnaît Sahendra Singh, candidat du BJP pour le siège de Chhaprauli.
(Avec Ucanews)
CRÉDITS
Ucanews