Eglises d'Asie

Vientiane : un rapport officiel laotien pointe du doigt les pertes liées à une corruption endémique

Publié le 21/04/2022




Selon un rapport d’une agence anti-corruption laotienne, depuis 2016, le pays a subi une perte de 767 millions de dollars à cause d’une corruption endémique. De nombreux habitants se montrent sceptiques et y voient une tentative de se disculper d’accusations de complicité. « Chaque année, ils publient un rapport mais nous ignorons les coupables, leurs noms, leurs positions, où ils travaillent, dans quel ministère, département ou province », explique un commerçant de Vientiane.

Des moines bouddhistes et des touristes à Luang Prabang, ancienne capitale de la province de Luang Prabang dans le nord du Laos.

Le Laos a perdu plusieurs centaines de millions de dollars à cause de la corruption endémique, dans une nation où la majorité des citoyens subissent une grande précarité, selon le gouvernement communiste laotien. Selon un nouveau rapport d’une agence gouvernementale (Lao State Inspection Authority), les programmes d’investissement et les projets de développement sont affectés par cette situation, avec une perte estimée à 767 millions de dollars US depuis 2016.

Presque 3 700 membres du Parti révolutionnaire populaire lao ont été réprimandés et plus de 2 000 membres du parti ont été exclus après avoir été accusés de corruption, souligne également l’agence anti-corruption. De plus, 154 personnes ont été condamnées pour leurs rôles dans différentes affaires et pratiques douteuses. Plus de 1 100 personnes, dont 127 employés du gouvernement, ont également été impliquées dans des exploitations forestières illégales et dans la vente illégale de bois ; près de 300 000 stères de bois, d’une valeur de 127 millions de dollars US, ont ainsi été saisis par les autorités.

Beaucoup d’habitants restent sceptiques après la publication de tels rapports parrainés par le gouvernement. De nombreux citoyens laotiens y voient une tentative de se disculper et considèrent que les autorités sont elles-mêmes corrompues. « Chaque année, ils publient un rapport sur la corruption et évaluent les pertes, mais nous ignorons qui sont les coupables, leurs noms, leurs positions, où ils travaillent, dans quel ministère, département ou province », réplique le propriétaire d’un commerce à Vientiane, la capitale, interrogé par RFA (Radio Free Asia).

Projets de développement et exploitation des ressources

Outre les projets de développement, l’exploitation des ressources naturelles de la petite nation enclavée est aussi une part importante des pratiques illégales, mais les fonctionnaires coupables de la spoliation des forêts et des rivières du pays peuvent souvent s’en sortir en toute impunité, accusent les défenseurs de l’environnement. « Parmi les autorités laotiennes, beaucoup sont loin d’être transparentes et sont corrompues », assure l’un d’entre eux, qui préfère rester anonyme. « Il doit y avoir une sorte de complicité entre les autorités laotiennes et les négociants de bois », pense-t-il.

La plupart des ventes illégales de bois sont destinées à la Chine, à la Thaïlande et au Vietnam. Par ailleurs, certaines espèces en danger continuent d’être braconnées, alors que leur vente peut assurer des sommes considérables aux trafiquants. Ainsi, le tigre de Java a disparu et le nombre d’éléphants d’Asie a diminué ; on n’en compte plus que quelques centaines au Laos, dans un pays autrefois surnommé comme « le royaume du million d’éléphants ». Les experts estiment que les autorités corrompues ferment souvent les yeux face aux crimes contre l’environnement, quand elles n’y participent pas elles-mêmes.

Le Laos, qui compte 7,2 millions d’habitants, fait face depuis longtemps à des accusations de corruption gratuite et d’impunité à l’encontre des dirigeants. « Toutes les voitures de luxe qu’on voit sur la route dans ce pays appartiennent aux autorités. Ce n’est pas normal, puisque leur salaire n’est que de 3 millions de kips [232 euros] par mois. Comment ont-ils les moyens d’acheter des véhicules aussi chers pour leur usage personnel ? Et ils ont encore suffisamment d’argent pour s’acheter d’autres choses également », déplore un habitant, interrogé par RFA. « Nous, le peuple, nous ne pouvons que regarder sans rien dire », ajoute-t-il.

De nombreux citoyens ayant exprimé leurs préoccupations à propos de la corruption et des activités illégales ont été arrêtés ou poursuivis au cours des dernières années. La disparition forcée de voix critiques contre les autorités est également courante au Laos. Il y a notamment le cas de Sombath Somphone, fondateur d’ONG et membre éminent de la société civile laotienne, qui s’est montré critique contre certaines politiques gouvernementales, et qui a disparu en 2012 à Vientiane.

(Avec Ucanews)


CRÉDITS

shankar s. (CC BY 2.0)