Eglises d'Asie

Les chrétiens et les élections

Publié le 18/03/2010




Les minorités, qui représentent 3,3% de la population, et tout spécialement les chrétiens qui, avec leurs 1,5%, en forment près de la moitié, se préparent activement aux élections programmées pour le 24 octobre 1990 (2).

Ainsi les mouvements de jeunesse catholique du diocèse de Multan ont-ils organisé, dès le 2 septembre, une réunion à laquelle ils avaient invité leur évêque, Mgr Patras Yousaf. Reconnaissant que, dans le passé, la hiérarchie s’était désintéressée des scrutins autant que des élus catholiques, l’évêque a souligné combien cette attitude avait été préjudiciable à l’Eglise et à la communauté chrétienne. Non seulement les élus catholiques ne s’étaient pas battus pour défendre les valeurs chrétiennes, mais encore, la plupart du temps, ils avaient poursuivi des intérêts égoïstes. Maintenant, l’Eglise encourage les candidatures de laïcs dévoués au service du peuple, le clergé devant rester en dehors de la politique active, ainsi qu’en avait décidé la Conférence épiscopale en décembre 1989 (3). Ensuite, les 150 participants firent part de leurs réflexions à propos des qualités requises pour faire un candidat acceptable. L’assemblée fut unanime à recommander aux chrétiens de prendre en compte les dispositions réelles de ceux qui se proposaient à leurs suffrages, sans se référer à des critères de castes ou de “chapelles”. On sait que les chrétiens, comme les autres minorités religieuses, forment un électorat séparé auquel sont réservés quelques sièges au Parlement (4). Dans son exposé, Mgr Yousaf s’était fait l’avocat d’un futur “parti chrétien”, dont la nécessité, dit-il, se fera de plus en plus sentir dans un Pakistan presque totalement islamisé.

Un “parti chrétien”, c’était aussi le voeu du P. Rufin Julius, ministre des Minorités dans le cabinet Bhutto. Il lance aujourd’hui l’Alliance chrétienne pakistanaise, tout en rompant avec les autorités religieuses catholiques (5). Après plusieurs avertissements qui l’avaient apparemment laissé insensible, et alors qu’il était encore député et ministre, le père avait fait part aux évêques, le 28 juin 1990, de son désir de poursuivre sa carrière politique, leur demandant de revenir sur leur décision, prise six mois plus tôt, d’interdire aux prêtres toute activité politique. Le cardinal Joseph Cordeiro, président de la Conférence, lui avait répondu en août par la négative. Le père, néanmoins, commença sa campagne électorale. Finalement, le 13 septembre, son évêque lui a confirmé officiellement qu’il était désormais “suspens a divinis”, et donc déchargé de toute fonction sacerdotale. Pour les minorités, le pays tout entier ne forme qu’une seule circonscription, et le prêtre désavoué espère donc regagner son siège à la Chambre sans le soutien de son Eglise.

De son côté, et pour la première fois dans l’histoire du protestantisme pakistanais, le Conseil national des Eglises a décidé de patronner des candidats de son choix pour les 4 sièges dévolus aux chrétiens à l’Assemblée nationale, et leur a déjà préparé un programme. D’autre part, l’Organisation des minorités unies (6) fait campagne pour obtenir davantage de sièges : elle en réclame 6 de plus pour les chrétiens à l’Assemblée nationale, et quelques uns aussi au Sénat où ils n’en ont aucun. Lors d’une conférence de presse tenue à Karachi, M. Naurus, président de cette Organisation, déclara que celle-ci exigeait que soient tenues les promesses que lui avait faites le gouvernement déchu : un quota de 5% d’emplois réservés aux chrétiens, et le retour aux Eglises des écoles nationalisées en 1972 (7). Quant à l’Association des supérieurs religieux, elle avait, dès le mois d’août, attiré l’attention des autorités sur leur devoir d’assurer l’honnêteté des élections et le respect des formes démocratiques.