Eglises d'Asie

DE QUOI DEMAIN SERA-T-IL FAIT ?

Publié le 18/03/2010




L’Eglise de Hongkong devant l’échéance de 1997

par Sylvain Rabiller

8 décembre 1989. On sonne à la porte du presbytère: c’est Madame Chan, accompagnée de ses deux enfants, 8 et 6 ans. Ils viennent saluer leur curé avant de partir, demain matin, pour le Canada. Le papa est déjà làbas, depuis plusieurs années. Il a obtenu un permis de résidence permanent. Il a trouvé du travail. Il s’est installé. Il peut donc faire venir sa famille. Cet incident, authentique, n’est pas rare dans le Hongkong actuel. Un rapport publié en avril 1989 signalait qu’un nombre important de catholiques étaient déjà partis ou se préparaient à le faire. Le même phénomène existe aussi chez les protestants, et certains responsables se préoccupent très fort de l’animation spirituelle des nouvelles communautés de langue chinoise établies un peu partout dans le monde. Ces départs ne sont pas caractéristiques de la communauté chrétienne. Ils s’inscrivent dans une tendance qui se généralise à Hongkong. Pour l’année 1989, on évalue le nombre des départs définitifs à 42 000 et 55 000 sont prévus pour 1990 (1). Depuis les accords sinobritanniques de 1984, et encore davantage depuis les événements de Tien An Men du 4 juin 1989, les habitants de Hongkong regardent de plus en plus vers les rivages lointains de l’Amérique, de l’Australie, de l’Europe, susceptibles de les accueillir éventuellement. Les chrétiens ne font pas exception à la règle. Il est donc intéressant d’observer cette Eglise de Hongkong qui s’apprête à fêter, l’année prochaine, 150 ans d’existence et qui est arrivée à un tournant important de son histoire.

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Pour artificielle qu’elle soit, la division adoptée pour notre étude aura l’avantage d’une certaine clarté. Aussi essaieronsnous d’abord de voir rapidement ce que fut le passé de cette Eglise. Cette première partie s’arrêtera à la nomination du premier évêque chinois. Nous parcourrons alors l’annuaire 1990 du diocèse de Hongkong, ce qui nous donnera une idée de la manière dont celuici se présente actuellement. Nous nous arrêterons aussi sur quelquesuns des aspects les plus marquants de cette Eglise locale telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui. Enfin, nous nous tournerons vers l’avenir et essaierons de voir comment Hongkong se prépare à son entrée dans le XXIè siècle.

HIER – RAPIDE SURVOL HISTORIQUE

Fondation

L’histoire de l’Eglise catholique à Hongkong est liée de près à celle de la présence britannique. Avant l’arrivée des Anglais, Hongkong n’était rien d’autre qu’un rocher au milieu d’autres îles, dont les parages étaient surtout infestés de pirates. Ici et là, des villages regroupaient des familles de pêcheurs: à peine 5 000 âmes. On dit aussi que l’île de Lantau, à proximité, aurait dans un passé lointain servi de base pour des échanges commerciaux avec l’extérieur, en particulier la province voisine du Guangdong.

En 1841, à la fin de la première guerre de l’Opium,l’Angleterre signe avec la Chine l’accord lui cédant ce qui va devenir l’île Victoria (2). Un deuxième traité “infâme”, à la fin de la seconde guerre de l’Opium (185860) permettra à la GrandeBretagne d’acquérir la presqu’île de Kowloon, sur le continent, en face de Hongkong. Puis, en 1898, le gouvernement de Sa Majesté, profitant de la défaite de la Chine dans sa guerre contre le Japon, se fera donner un bail de 99 ans sur ce qu’on a immédiatement appelé “Les Nouveaux Territoires”.

La population augmente rapidement. Un demisiècle après l’arrivée des Anglais, on comptera, dans la colonie, 250 000 habitants, dont 100 000 peuplent les Nouveaux Territoires. Dans le contexte de 1990, gardant à l’esprit les discussions qui opposent depuis plusieurs mois la GrandeBretagne, Hongkong et la Chine, sur le problème de la nationalité des habitants de Hongkong et de leur droit à habiter ou non en Angleterre, il est intéressant de noter qu’au moment où le bail cédant les Nouveaux Territoires à la GrandeBretagne était signé, leurs habitants se trouvaient “tous obligatoirement naturalisés, devenant sujets britanniques” (3). Quant aux autres 150 000 personnes vivant dans la colonie, beaucoup étaient des travailleurs venus de Chine sans

leurs familles. Ils n’habitaient donc, en principe, que temporairement à Hongkong. Le recensement de 1931 montrait que seulement 21% des Chinois vivant dans l’île de Hongkong et à Kowloon y étaient nés. La population du territoire s’élevait, à la fin de 1989, à 5 812 300 personnes (4), dont environ 3,25 millions nées sur place.

L’intérêt de Hongkong pour la GrandeBretagne était que l’île, où un port en eau profonde pouvait facilement être aménagé, lui permettait d’y faire stationner des troupes afin de protéger ses intérêts en Chine. En même temps, la colonie découvrait sa vocation commerciale, au carrefour des routes maritimes de l’Asie. Les autres puissances ne s’y sont pas trompées, qui, très rapidement, y ont envoyé leurs représentants.

Parmi les soldats britanniques, se trouvent de nombreux Irlandais catholiques. Ils ont besoin de prêtres. Jusque là, ce territoire était rattaché, du point de vue ecclésiastique, au diocèse de Macao. La Sacrée Congrégation de la Propagande y entretenait une délégation en la personne du P. Théodore Joset, un prêtre diocésain suisse. Très tôt, celuici comprend l’importance que Hongkong, devenu anglais, est appelé à avoir. Il intervient donc auprès de Rome pour qu’une mission permanente y

soit établie. Ce qui est fait, le 22 avril 1841. Une Préfecture apostolique est érigée, dont le prêtre suisse est nommé responsable. Ce nouveau territoire ecclésiastique comprend l’île de Hongkong “avec tout ce qui l’entoure, jusqu’à une distance de six lieues”.

Dès le début, le préfet apostolique et ses successeurs auront le souci de déborder le cadre de l’institution britannique et de s’adresser à la population chinoise. Après la construction d’une première chapelle dans ce qui est devenu Wellington Street,

on crée un centre de prière à Wanchai, à l’est de “Central”. Puis on avance vers le sud, jusqu’à Stanley, Aberdeen. Vers le nord, on aborde à Tsuen Wan. Les soeurs de St-Paul de Chartres arrivent en 1848: elles ouvrent un dispensaire, se mettent au service des enfants et des personnes âgées. Dès 1846, un séminaire a été ouvert, pour la formation d’un futur clergé chinois. Le 5 octobre 1847, Mgr Fourcade, m.e.p., vicaire apostolique au Japon mais empêché d’entrer dans ce pays, est nommé propréfet apostolique de Hongkong. La Procure des Missions Etrangères s’y installe: cette maison servira, au cours des années, de base de départ pour des générations de missionnaires en route vers la Chine, la Corée, le Japon, le Vietnam. Saint Théophane Vénard y a séjourné plusieurs mois en 185354. Il y commença même l’étude de la langue chinoise, avant de voir sa “destination” changée pour le Tonkin, où il mourra martyr le 2 février 1861 (5).

Les Missions Etrangères de Milan (6)

Lorsque, le 10 avril 1858, débarquent à Hongkong les premiers prêtres des Missions Etrangères de Milan, la communauté catholique n’a à son service, en plus du préfet apostolique, que deux prêtres fransciscains, deux prêtres chinois et un catéchiste. Environ 73 000 habitants peuplent la colonie, dont 70 000 Chinois. Les catholiques sont moins de trois mille, parmi lesquels 1 500 Portugais, 600 Chinois et 300 soldats européens. Les civils anglais ne sont pas plus d’une vingtaine. On voit alors débarquer six nouveaux missionnaires de Milan. La Congrégation des soeurs canossiennes, fondée en 1808 à Vérone, vient la même année s’installer à Hongkong. Toute cette fin du XIXè siècle va être occupée par des fondations d’églises, d’écoles, d’hôpitaux. Les relations avec les autorités britanniques sont généralement bonnes et le travail avance à grands pas.

L’arrivée des prêtres italiens permet de reculer les frontières de la préfecture apostolique. Toute la presqu’île de Kowloon en fait désormais partie. Et les missionnaires partent à la découverte de leur nouveau champ d’apostolat (186061). Ils visitent Tai Po, Sai Kung, dans la partie est des Nouveaux Territoires. Ils vont jusqu’à Nam Tau, dans la province du Guangdong. Le travail n’est pas toujours facile. Tous les lieux visités, qu’on atteint maintenant en une heure de bus au maximum, étaient alors fort éloignés. Il fallait d’abord traverser en barque le bras de mer qui sépare l’île du

continent. On devait ensuite marcher à travers les collines pour atteindre des villages où l’on n’était pas sûr d’être reçu à bras ouverts. Ou bien naviguer entre les îles, au risque très réel de se faire attaquer par les pirates. Sans compter l’état de guerre qui se prolongeait entre la Chine et les puissances occidentales et que les conventions de Pékin (1860) n’ont pas forcément arrêté.

Le 17 novembre 1874, la préfecture devient le vicariat apostolique de Hongkong, dont les limites s’étendent bien au delà des Nouveaux Territoires. Mgr Raimondi reçoit la consécration épiscopale quelques jours plus tard.

En 1880, du 4 au 11 avril, Hongkong accueille le premier “Synode régional de la 5ème Région de l’Eglise de Chine”. D’autres Synodes se réuniront en 1891 et 1909. La cathédrale, dédiée à l’Immaculée Conception, et dont la première pierre fut posée le 8 décembre 1883, est solennellement inaugurée le 8 décembre 1888.

Mgr Raimondi meurt le 27 septembre 1894. Il sera remplacé par Mgr Louis Piazzoli, qui va continuer son oeuvre en la développant. Les quinze dernières années du XIXè siècle marquent la fin de l’époque héroïque. L’Eglise est désormais bien établie. La population du territoire a augmenté: celuici compte maintenant 250 000 habitants. Les catholiques sont plus nombreux aussi: 6 000 dans l’île et un millier sur le continent. Treize prêtres exercent parmi eux leur ministère, dont 5 chinois et 8 italiens des Missions Etrangères de Milan. A leur nombre s’ajoutent parfois des missionnaires de passage. Douze séminaristes se préparent au sacerdoce. Quatre églises et trentequatre chapelles accueillent chaque semaine les diverses communautés.

Au cours des années, l’Eglise s’est organisée. Réalisant le désir du premier préfet apostolique, le séminaire fonctionne normalement. Prémices du clergé chinois, le P. Anthony Tam a été ordonné en 1875. Les soeurs de St-Paul de Chartres, les soeurs canossiennes, les frères des Ecoles chrétiennes, dirigent plusieurs écoles. Des hôpitaux et dispensaires pourvoient aux soins des malades et des vieillards. Un journal, le “Hongkong Catholic Register”, ancêtre de l’actuel “Sunday Examiner”, paraît chaque semaine. Des associations pieuses ou d’aide sociale ont vu le jour: celle de l’adoration des QuaranteHeures en 1862, la Conférence St-Vincent de Paul en 1863.

Les choses n’ont pas toujours été faciles. L’avancée missionnaire sur le continent a fait que les prêtres se trouvent souvent dispersés, éloignés les uns des autres, surchargés de travail. Les santés sont éprouvées. Plusieurs meurent très jeunes. En 1864, la guerre du Kwantung avec la France a provoqué une persécution à Nam Tau, cette partie du vicariat qui se trouve dans la province du Guangdong (7): déjà Hongkong a accueilli nombre de réfugiés, inaugurant une tradition qui dure encore…

Changement de siècle

Mgr Louis Piazzoli, second vicaire apostolique de Hongkong, est nommé le 11 janvier 1895. Il fait la charnière entre les deux siècles. En 1898, l’acquisition, par la GrandeBretagne, des Nouveaux Territoires, amène une réorganisation du vicariat. Plusieurs districts missionnaires sont érigés, dont Sai Kung et Nam Tau.

Après la mort, en 1905, de Mgr Piazzoli, Mgr Dominique Pozzoni lui succède en juillet de la même année et poursuit son oeuvre de développement et de consolidation. A mesure qu’arrivent de nouveaux prêtres de Milan et qu’augmente le nombre des catholiques, il faut diviser les paroisses, construire des églises, aller de l’avant. Les missionnaires américains de Maryknoll débarquent en 1920, précédant d’une année les soeurs de Maryknoll. En 1922, les soeurs du Précieux Sang deviennent une congrégation indépendante des canossiennes. Les Petites Soeurs des Pauvres fondent, en 1923, leur maison de Kowloon.

A partir de 1926, Mgr Valtorta prend la succession. La même année, il accueille les premiers jésuites. Ceux-ci, en 1931, prendront la responsabilité du séminaire créé sous l’impulsion du délégué apostolique en Chine, Mgr Costantini.

Ainsi, au fil des années, les instituts missionnaires d’hommes et de femmes viennent s’installer, de plus en plus nombreux, à Hongkong. Tout va bien, jusqu’à la seconde guerre mondiale.

Le jour de Noël 1941, les Japonais débarquent à Hongkong (Ils n’en repartiront que le 15 août 1945). Commence alors une période difficile, avec ses combats, ses destructions. Un certain nombre d’habitants émigrent. Les missionnaires étrangers sont, au moins pendant quelque temps, emprisonnés. Certains sont déplacés de force. Tout travail normal est devenu impossible.

Mais dès le départ des occupants, on recommence. Le “Catholic Centre”, où l’administration diocésaine se trouve centralisée, est officiellement ouvert le 9 novembre 1945. Le 1er mars 1946, l’hebdomadaire de langue anglaise, “Sunday Examiner”, inaugure une carrière qui dure encore.

Le 11 avril 1946, la hiérarchie est établie en Chine: Hongkong est alors érigé en diocèse, dont Mgr Valtorta devient le premier évêque.

Les fondations reprennent, avec l’arrivée de nouveaux instituts missionnaires. A l’époque, la circonscription ecclésiastique s’étend jusque dans la province du Guangdong. Si bien qu’en 1949, lorsque les communistes s’emparent de la Chine, un certain nombre

de prêtres et de fidèles se trouvent séparés de leur centre. Mgr Bianchi luimême, qui vient d’être consacré auxiliaire et qui est en visite dans cette partie du diocèse, se retrouve en prison en compagnie de ses confrères italiens. Il n’en sortira que le 17 octobre 1952, pour être aussitôt installé évêque de Hongkong, à la place de Mgr Valtorta décédé l’année précédente.

1949 voit le début d’une immigration qui se poursuit encore, en provenance de Chine. Selon Norman Miners, entre le départ des Japonais en 1945 et mai 1951, la population du territoire est passée de 600 000 à 2 360 000 âmes. Le gouvernement de la colonie a bien signé avec la Chine communiste un accord visant à limiter l’arrivée des immigrants, mais beaucoup continuent de venir, illégalement, de la province du Guangdong ou même de plus loin. Tous ne sont pas des réfugiés politiques à proprement parler. Mais tous ont été marqués on pourrait dire traumatisés par les bouleversements subis en Chine après l’arrivée au pouvoir des communistes. D’après le même auteur, en 1989, 60% seulement des habitants de Hongkong sont nés sur place. Ce chiffre important d’immigrés anciens et nouveaux explique en partie le désir éprouvé par beaucoup de prendre la route (ou l’avion) encore une fois. Un sondage d’opinion effectué en 1982 (deux ans avant les accords sinobritanniques) donnait 85% de réponses en faveur d’une continuation de la présence anglaise à Hongkong: “Apparemment, la plupart préféraient le diable britannique’ connu au risque de voir un bouleversement politique mettre prématurément fin à l’existence de la colonie comme entité séparée” (8).

Dans les années 50, cette arrivée d’immigrants par centaines de milliers pose alors un défi énorme, non seulement au gouvernement, mais aussi, entre autres, à l’Eglise. Parmi les nouveaux arrivés se trouvent de nombreux catholiques: il faut réorganiser les paroisses, vaquer aux besoins spirituels de ces fidèles. Les conversions se multiplient. D’après les statistiques diocésaines, dans les années 5060, au moment des grandes migrations venues de Chine, l’Eglise catholique augmentait en moyenne de près de 12 000 baptisés par an. De 1958 à 1968, elle est passée de 131 698 fidèles à 241 986: une augmentation de 83% (9). Par ailleurs, le diocèse a pris conscience du devoir qui lui incombait de participer au travail d’entraide: ce qui aboutit, en 1953, à la création de la “Conférence catholique d’aide sociale”. L’organisation deviendra, en 1955, membre de “Caritas Internationalis”. En 1958, elle prendra le nom de “Bureau d’aide sociale de l’Eglise catholique à Hongkong”, avant de s’appeler tout simplement “Caritas”, en 1961.

Sur le plan proprement ecclésiastique, il faut signaler, en septembre 1964, l’ouverture du séminaire du St-Esprit à Aberdeen; ou plutôt, comme il n’y a plus, désormais, de candidats originaires de Chine, le séminaire régional devient séminaire diocésain. Le petit séminaire vient s’installer dans les mêmes murs.

Quelques jours avant Noël 1968, Rome accepte la démission de Mgr Bianchi. C’est l’auxiliaire qui lui a été donné en octobre 1967, Mgr Francis Hsu Chenping, qui prend la succession. L’Eglise de Hongkong a parcouru une nouvelle étape. Une ère s’achève: désormais, elle se prend en charge.

HONGKONG AUJOURD’HUI

Avant de revenir à la situation de l’Eglise catholique telle qu’elle se présente en 1990, il n’est pas inutile de présenter très brièvement l’état des religions tel qu’on le

trouve à Hongkong aujourd’hui.

Religions non chrétiennes

A la fin de 1989, la population de Hongkong s’élevait à 5 812 300 habitants. Elle avait augmenté de 15,7% par rapport à 1979 (10).

Les religions dominantes sont, naturellement, le bouddhisme et le taoïsme. Le culte des ancêtres est très largement pratiqué, en accord avec les coutumes issues du

confucianisme. Les temples sont nombreux (plus de 360), et certains font partie du circuit touristique de Hongkong.

Les musulmans se comptent aux environs de 50 000, dont à peu près la moitié sont chinois, les autres étant originaires de l’Inde, du Pakistan, de Malaisie, d’Indonésie ou des pays du MoyenOrient. Plusieurs mosquées importantes leur servent de points de repère. Ils gèrent leurs propres institutions – écoles, hôpitaux, centre communautaire, bibliothèque – et leurs cimetières séparés.

La communauté hindoue rassemble quelque 12 000 adeptes et se concentre surtout autour du temple de “Happy Valley”. C’est là qu’ils célèbrent leurs principales fêtes ainsi que les événements familiaux importants. Des récitals de musique religieuse y sont régulièrement donnés. Des conférenciers de passage viennent y enseigner.

Les sikhs sont présents à Hongkong depuis le début de la colonisation. Ils y sont venus d’abord avec les forces armées britanniques et, jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, ils formaient une part importante de la Police royale de Hongkong. Au cours des années, leurs activités se sont diversifiées. Comme en d’autres pays d’Asie, beaucoup d’entre eux sont commerçants. Parmi eux se recrutent aussi nombre de gardiens de banques et d’hôtels. Ils ont, eux aussi, leur temple à l’entrée de “Happy Valley”. Ils y animent une salle de lecture et une crèche pour enfants indiens, sans distinction de religion.

Robinson Road, dans l’île de Hongkong, possède une synagogue, à laquelle sont adjoints une école et un club, et qui rassemble le millier de membres de la communauté juive (11).

Chrétiens non catholiques

Les communautés chrétiennes sont nombreuses et variées. “Hongkong 1990” n’en dénombre pas moins de 52.

En dehors de l’Eglise catholique, le groupe le plus important est, d’après l’annuaire 198990 des “dénominations” protestantes, constitué par les baptistes, qui animent 77 chapelles ou églises, un séminaire, un collège, une vingtaine d’écoles, un centre de communications, de nombreux centres d’aide sociale et des salles de lecture.

Suivent les luthériens, avec plus de 50 églises et chapelles, un séminaire, 27 écoles, plusieurs centres d’aide sociale, des services d’accueil pour la jeunesse, des maisons de retraite pour personnes âgées. Ils se divisent en quatre obédiences principales.

L’Eglise méthodiste est importante, elle aussi.

Puis viennent les dizaines de groupements autonomes, dont plusieurs se sont repliés de Chine au cours des années 50. On trouve encore une très grande variété d’associations chrétiennes indépendantes, qui se regroupent de manière très souple dans l'”Union des Eglises”. Celleci publie un hebdomadaire, le “Christian Weekly”. Les grandes “dénominations” chrétiennes et les organes oecuméniques se retrouvent, eux, dans le “Conseil chrétien de Hongkong”.

En mars dernier, une consultation était organisée par ce Conseil chrétien de Hongkong avec, pour thème général: “Quelle mission pour l’Eglise dans les années ’90?” Un certain nombre de problèmes ont été abordés, en particulier celui de l’avenir au

delà de 1997. Nous verrons plus loin ce qu’il en est pour l’Eglise catholique. Les protestants ne sont pas moins inquiets. D’après des statistiques non vérifiées, 60% d’entre eux auraient l’intention d’émigrer. Se pose donc de manière très aiguë le problème de la survie des institutions sur place, et celui des communautés de langue cantonnaise installées dans les divers pays d’accueil. Ces communautés réclament des pasteurs. Il semble qu’actuellement plusieurs centaines de jeunes soient en train de se former au ministère, en vue de servir ces communautés d’émigrés.

L’Eglise anglicane

Il faut faire une place à part à l’Eglise anglicane.Encore plus que celle des catholiques, son histoire à Hongkong est liée à la colonisation britannique. Le premier pasteur arrivé dans le territoire en 1843, le Rév. Vincent Stanton, était venu à la fois comme aumônier militaire pour s’occuper de la communauté européenne, et comme missionnaire désireux de prêcher l’évangile au milieu de la population chinoise. L’église St.John était ouverte au culte le 11 mars 1849. La même année, par la grâce de Sa Majesté la Reine Victoria, elle devenait cathédrale (12). Le nouveau diocèse anglican de Hongkong s’étendait alors à toute la Chine et même au Japon. A mesure que l’évangélisation progressait, les divisions successives ont fini par ramener le diocèse à ses dimensions actuelles, réduites, depuis 1951, à Hongkong et Macao. Pour les anglicans comme pour les catholiques, la guerre a été dure. L’occupation japonaise leur donna cependant une occasion de travailler ensemble. En juillet 1944, lorsque le bruit courut que les autorités japonaises avaient l’intention de transformer la cathédrale St.John en club et salle de réception, Mgr Valtorta s’arrangea pour mettre en sûreté, chez les soeurs de St-Paul de Chartres et dans son propre évêché, la plus grande partie du mobilier de la cathédrale anglicane. Malheureusement, une partie de ce qui avait été entreposé chez les soeurs fut détruit au cours d’un raid aérien…

Après la guerre, l’expansion reprit avec la fondation de nouvelles paroisses et institutions. A partir de 1949, l’immigration venue de Chine faisait monter en flèche la

population de Hongkong. L’évêque de l’époque, Mgr Hall, se mit lui aussi, avec sa communauté, au service des nouveaux arrivés, commençant une tradition d’entraide qui dure toujours. Actuellement, l’Eglise anglicane anime de nombreuses activités en faveur des jeunes comme des vieillards, des marins comme des Philippines. Elle gère actuellement, sur le territoire de Hongkong, 24 paroisses, un collège et 77 écoles.

Elle aussi pense à l’avenir. Le diocèse de HongkongMacao fait actuellement partie de la province anglicane du Sudasiatique. Après son arrivée au pouvoir en Chine continentale, le gouvernement communiste a réuni en un seul groupement toutes les “dénominations” non catholiques. L’Eglise anglicane chinoise n’existe donc plus comme entité séparée. L’un de ses représentants les plus éminents, Mgr Ding, continue d’exercer, comme il le faisait avant la libération, mais comme membre (et président) du Mouvement des Troisautonomies. La communauté anglicane de Hongkong, officiellement ou non, se considère comme la partie chinoise de la communion anglicane. Depuis quelque temps, certains expriment l’idée qu’une province séparée devrait être formée. Cela comblerait un certain désir d’indépendance. Selon les termes mêmes du Rév. Paul Tong, membre du comité chargé d’étudier la question, cela aurait l’avantage de libérer Hongkong de sa dépendance à l’égard d’un archevêque dont la résidence est dans un autre pays d’Asie. De plus, à son arrivée en 1997, le gouvernement chinois trouverait une province anglicane autonome, ce qui sans doute faciliterait les choses. C’est apparemment comme une première étape vers la réalisation de ce désir, que trois “archidiaconés” ont été fondés: leurs responsables pourraient éventuellement devenir évêques des nouveaux diocèses. Pour qu’une province puisse être érigée, il faut en effet au moins deux évêchés suffragants du nouvel archevêché. La question a été posée au cours du synode qui s’est tenu en novembre 1989. Une commission a été formée, qui doit étudier le problème en vue du prochain synode de novembre 1991.

L’oecuménisme

Le P. Harold Naylor, s.j., est président de la Commission diocésaine pour l’oecuménisme. Son amabilité, sa douceur, son intelligence, lui ont attiré l’amitié de beaucoup de chrétiens non catholiques. Depuis vingt ans, il travaille avec eux, participe à de nombreuses réunions interconfessionnelles, s’intéresse à ce qui se fait dans les autres Eglises. Mais, peutêtre par souci de discrétion, il parle peu de son action parmi elles. Au long des années, un certain nombre de projets ont cependant été réalisés. Ainsi, vers 1975, un accord a été passé avec les anglicans sur la reconnaissance mutuelle des baptêmes donnés de part et d’autre. On cherche actuellement à renouveler le même accord avec les autres confessions chrétiennes importantes.

Catholiques et noncatholiques ont, l’année dernière, souvent participé ensemble aux diverses manifestations en faveur de la démocratie en Chine. Et depuis, les contacts à ce sujet ont été nombreux entre représentants des diverses “dénominations”.

Au mois de mai 1990, les chrétiens se sont joints aux bouddhistes, aux taoïstes et aux musulmans pour parler des problèmes de l’environnement à Hongkong.

Surtout, au cours de l’année qui vient de s’écouler, de nombreux protestants se sont enquis auprès du P. Naylor de ces fameuses “petites communautés de foi”, dont on reparlera plus loin, et qui prennent l’allure d’une panacée pour l’avenir de l’Eglise à Hongkong après 1997. Il ne semble pas y avoir beaucoup de contacts sur le plan théologique. Mais dans la pratique quotidienne, les relations sont bonnes, amicales. L’entraide existe: par exemple la chapelle du “Mariners’ Club” à Kowloon est utilisée par les catholiques aussi bien que par les anglicans. Ainsi en estil du “lieu de prière” à l’aéroport. La maison de retraite des salésiens accueille fréquemment des “frères séparés”, qui y trouvent calme et silence. Parmi les noncatholiques, seuls les anglicans possèdent une maison semblable.

Le P. Naylor signale cependant quelques points négatifs.

Sur le plan vocabulaire, d’abord: les noncatholiques de Hongkong se désignent euxmêmes comme “chrétiens”, par opposition aux “catholiques”, ce qui ne manque pas de blesser ces derniers. Un responsable catholique demanda un jour s’il était possible de faire admettre au sein du YMCA quelques jeunes qui pourraient participer aux activités de l’Association. On lui répondit avec beaucoup d’enthousiasme qu’ils étaient les bienvenus, qu’on appréciait chez les catholiques leur dévouement, leur sens social et leur solidité dans la foi. Mais il n’était pas question de permettre à aucun catholique d’accéder à un poste de responsabilité, car, selon les constitutions de l’organisation, seuls des “chrétiens” le peuvent…

Pour lire la Bible, les protestants utilisent encore, sembletil, une vieille traduction chinoise éditée à Shanghai en 1919. Elle a été mise à jour. Mais on n’a pas vraiment refait une nouvelle traduction. Et la “Bible Society of Hongkong” ne semble pas être en faveur d’un travail oecuménique en ce domaine. Toujours d’après le P. Naylor, lorsque des protestants sont élèves ou enseignants dans des écoles catholiques, il n’est pas rare de voir se former des groupes dont l’esprit laisse parfois à désirer.

Mais il faut bien dire que les relations restent bonnes en général. Catholiques et protestants se joignent aux bouddhistes, aux confucéens, aux taoïstes et aux musulmans pour former ce qu’on appelle “le groupe des six religions”. Des rencontres ont lieu régulièrement tous les six mois pour discuter des problèmes qui se posent aux religions. La préparation à 1997 est actuellement un important sujet d’échanges.

L’Eglise catholique

Situation actuelle

Les deux premiers évêques chinois de Hongkong n’ont fait, pourraiton dire, que passer… Installé en 1969, Mgr Francis Hsu est décédé en 1973. Son successeur, Mgr Peter Lei, devait le suivre dans la tombe dès l’année suivante.

Mgr JeanBaptiste Wu Chengchung est né en 1925 dans la province du Guangdong. Ordonné prêtre en 1952, il a travaillé à Taiwan jusqu’à sa nomination, le 5 avril 1975, comme évêque de Hongkong. Le 28 juin 1988, le Pape JeanPaul II le créait cardinal.

Au moment de son installation, le 25 juillet 1975, Mgr Wu trouva dans son diocèse une société en pleine fermentation. Depuis plusieurs années déjà, les constructions d’immeubles se multipliaient, Hongkong affermissait sa position comme place financière et commerciale d’importance mondiale. L’Eglise ellemême continuait à se développer, érigeant de nouvelles paroisses, multipliant les constructions d’immeubles scolaires, modernisant ses structures: de 1969 à 1988, une vingtaine de nouvelles paroisses ou de nouveaux centres de culte ont été ouverts.

L’Eglise catholique compte, au début de 1990, 258 209 fidèles, au service desquels travaillent 74 prêtres diocésains (73 Chinois, un Irlandais). Les divers instituts et congrégations rassemblent 263 prêtres (dont 68 Chinois), 77 frères (dont 30 Chinois) et 708 religieuses (dont 444 Chinoises). Le grand séminaire accueille 27 séminaristes: 10 pour le diocèse de Hongkong, un pour Macao et 16 pour divers instituts. Les étudiants y sont en fait plus nombreux car des religieuses suivent aussi les cours. Les noviciats de religieuses rassemblent un total de 16 soeurs; 28 jeunes gens et 18 jeunes filles se préparent à rejoindre diverses congrégations. Parmi les religieux ou membres des instituts, 33 seulement travaillent à plein temps en paroisse. (On peut cependant noter que, sur un total de 55 paroisses, 31 ont pour responsables des prêtres appartenant à divers instituts). 37 églises, 34 chapelles et 33 halls rassemblent la communauté catholique pour les célébrations dominicales. Il faut ajouter que plusieurs prêtres appartenant à des instituts missionnaires travaillent à plein temps au service du diocèse, comme aumôniers d’hôpitaux, de prisons, de mouvements d’action catholique ou dans l’administration diocésaine. Par ailleurs, de nombreux prêtres religieux sont au service de leur institut, en procure ou en maison de formation; ou bien ils se livrent à des activités extraministérielles, comme l’observation de la Chine voisine. Nombre d’études, revues, bulletins, au sujet de la Chine, partent de Hongkong.

Le chiffre des conversions a beaucoup baissé depuis les années 60. En 1989 l’Eglise a tout de même accueilli 4 571 néophytes, dont 2 206 audessus de l’âge de 7 ans. A la fin de l’année, les catéchumènes étaient au nombre de 5 123, et 796 catéchistes, dont 720 volontaires, les préparaient au baptême.

Au service de la communauté, l’Eglise de Hongkong dirige un total de 284 écoles, du jardin d’enfants aux écoles secondaires, en passant par les cours du soir. 314 190 élèves, dont 26 741 catholiques (8,51%), étudient dans ces institutions, sous la conduite de 10 727 enseignants, dont 10 481 laïcs, parmi lesquels on dénombre 3 660 catholiques (34,12%) (13).

La période des grandes migrations a lancé à l’Eglise un véritable défi. Les catholiques n’ont pas pu rester insensibles aux besoins des nouvelles populations, ni oublier les nouveaux problèmes qui se posaient dans la colonie. Une réponse a été la

création de “Caritas”. Celleci est devenue une véritable institution à l’intérieur du diocèse, avec ses oeuvres, ses finances, son personnel. Fondée en 1953, affiliée à “Caritas

Internationalis” depuis 1955, elle dirige 17 centres d’aide sociale, un hôpital important, 19 crèches et maisons d’accueil pour enfants en bas âge, 4 pensionnats de jeunes filles, plusieurs centres de consultation pour personnes âgées etc., sans compter 11 centres d’accueil jouant un rôle semblable à celui des YMCA et YWCA. Cette organisation, qui emploie quelque 3 000 personnes, est placée sous l’autorité du P. Lerda, p.i.m.e. Le P. JB. Tsang, vicaire général, en est le viceprésident. Mais tous les autres responsables sont des laïcs. “Caritas” se veut l’agence sociale officielle de l’Eglise catholique à Hongkong. Son but est de “venir en aide aux individus, familles, groupes, communautés, dans leurs difficultés sociales, économiques, psychologiques, morales, spirituellesSon ambition est d’aider les personnes les plus défavorisées à améliorer leurs conditions de vie, de les encourager à prendre en main leur propre destinée, à “bâtir des communautés fondées sur la vérité, guidées par la justice, réalisées dans la liberté, florissantes dans la paix14). “Caritas” s’efforce d’amener les catholiques à une meilleure compréhension des problèmes de pauvreté, de sousdéveloppement, d’injustice, ainsi que des structures et des attitudes sousjacentes à ces problèmes et veut contribuer, pour sa part, à la recherche de solutions. Elle désire promouvoir “la charité et la justice entre individus et groupes, favoriser le développement intégral de la personne humaine. L’idéal de “Caritas” est d’être un service d’amour pour une plus grande espérance” (15).

La Joc

L’action catholique spécialisée est, à Hongkong, représentée surtout par la Joc. Celleci n’est peutêtre pas très développée, si l’on ne considère que les chiffres (six groupes rassemblent au total une cinquantaine de jeunes ouvriers). Elle existe cependant, mandatée par l’évêque, depuis 35 ans et, par ses diverses activités, permet d’atteindre plus de 2 000 jeunes au travail. Un aumônier s’en occupe, tout en travaillant à mitemps dans une usine de plastique. Deux permanentes l’aident dans son travail. Prêtre m.e.p., le P. Paul Vallat s’efforce d’intéresser à cet apostolat l’un ou l’autre parmi les jeunes prêtres du diocèse ainsi que plusieurs séminaristes, qui participent de temps en temps aux réunions des groupes.

La Joc de Hongkong éprouve quelque difficulté à s’implanter dans les paroisses. Plusieurs raisons pourraient être trouvées à cela: peutêtre une certaine apathie de la part du clergé aussi bien que des fidèles, à l’égard des réalités ouvrières; certainement aussi, le manque de formation à cet apostolat. On pourrait encore, probablement, incriminer une certaine mentalité tendant à considérer comme inférieur, voire méprisable, tout travail manuel: d’où un certain complexe d’infériorité chez ceux, et ils sont de beaucoup les plus nombreux, qui vivent précisément de ce travail. Il faut ajouter que la Joc a, jusqu’à ces dernières années, recruté ses militants parmi des gens ayant commencé leur vie professionnelle à l’âge de 1214 ans. Aujourd’hui, la grande majorité des jeunes atteignent, à l’école, le niveau du secondaire et ne cherchent leur premier emploi que vers 1820 ans. Beaucoup préfèrent alors s’orienter vers des métiers “propres”. Par ailleurs, depuis quelques années, nombre d’usines sont parties s’installer en Chine et les conditions de salaires ont tendance à se dégrader: les jeunes sont attirés par le secteur tertiaire, où les heures de travail sont plus régulières et le régime des congés mieux organisé. De plus, il faut bien dire que l’atmosphère générale de Hongkong ne favorise pas forcément les activités “gratuites” (financièrement). Même si le niveau de vie s’est élevé de manière impressionnante depuis une quinzaine d’années, et sans doute à cause de cela, les salaires des ouvriers de Hongkong sont bas. Ceuxci chercheront donc à les augmenter, soit en faisant des heures supplémentaires qui leur enlèveront toute sorte de liberté dans leur emploi du temps, soit en s’adonnant à une activité secondaire (travail au noir). Les heures de travail s’accumulent chaque jour; les journées de repos sont rares; les congés payés sont plus que réduits: après un ou deux ans de travail au même endroit, un employé n’a droit qu’à 7 jours de congé dans son année, en plus des 11 jours fériés. Il reste peu de temps et d’énergie pour participer à une réflexion en groupe ou à des activités extérieures.

La Joc a cependant, récemment, pris part à diverses manifestations en commun avec d’autres organisations, catholiques ou non. On pense, par exemple, aux diverses marches en faveur de la démocratie en Chine (mai 1989), aux protestations contre le massacre de Beijing (juin 1989). Elle est membre de la Fédération des organisations catholiques encourageant le mouvement démocratique et patriotique en Chine.

Ses activités propres l’ont amenée à étudier divers problèmes, comme celui de la sécurité de l’emploi, la création d’un fonds d’aide aux personnes âgées (qui restent sans protection), le déplacement des usines de Hongkong vers le sud de la Chine, etc.

Sur le plan eccclésial, la Joc de Hongkong se trouve actuellement confrontée à la grande question qui, depuis le 26 juin 1989, agite le monde catholique ouvrier. A cette date, en effet, Rome retirait son mandat à la Joc Internationale basée à Bruxelles. L’analyse du problème, telle qu’on la fait à Hongkong, invite à considérer cette affaire comme intéressant d’abord, sinon exclusivement, les Joc nationales d’Europe, et elle appuie les efforts de l’équipe de coordination de la région AsiePacifique pour préserver l’unité entre les 12 mouvements nationaux de la région.

Au niveau du diocèse, il faut noter le discours d’accueil prononcé par le P. JB. Tsang, vicaire général de Hongkong, à l’occasion de la réunion internationale de novembre 1989. “Vous êtes, ditil aux représentants de l’Asie, les envoyés de l’Eglise dans le monde ouvrier. Votre mission est d’apporter la vie au monde. Nous partageons votre désir de construire un monde meilleur. Nous partageons votre conviction que l’homme trouve sa dignité dans le travail de ses mains. Nous vous encourageons

Le désir se fait jour actuellement, au sein de la Joc de Hongkong, de s’ouvrir aux autres secteurs d’activité afin d’atteindre le plus grand nombre possible de jeunes travailleurs. Elle accueille des nonchrétiens, qui deviennent partie prenante du mouvement.

Les migrants

Qui se promène, en cours de weekend, sur Statue Square ou le long de Blake Pier, ne peut manquer d’être impressionné par l’armée de dames qui semblent y avoir établi leur quartier général… Les unes rêvent ou lisent; d’autres écrivent des lettres; plus loin, des groupes se sont formés, d’où fusent les rires; ailleurs, elles sont quatre ou cinq rassemblées, attentives, autour de l’une d’elles qui lit et commente la Bible. Qui désire, le dimanche, participer à une messe en anglais peut aller dans presque n’importe quelle église: de nouveau, il se retrouvera au milieu d’une foule de dames à la piété un peu

décontractée, pour qui le silence n’est pas forcément d’or et qui pourtant participent de toute leur foi.

Il s’agit des centaines, des milliers, de Philippines employées à Hongkong. On parle plutôt au féminin, car les hommes sont peu nombreux: 1%, diton.

Leur exode avait commencé en 1974, avec la bénédiction du président Marcos. Déjà, à l’époque, les salaires de ces travailleuses émigrées formaient la principale source de devises du pays. Au début, les départs se faisaient surtout à destination du MoyenOrient. Actuellement, 87 pays accueillent des travailleuses des Philippines. A Hongkong, elles seraient plus de 50 000 employées de maison, auxquelles il faut ajouter quelque 2 000 musiciens (pour les nightclubs en particulier) et autant d’employés. Inévitablement, dans cette ville de passage, plusieurs se livrent à la prostitution.

Comme on l’a déjà dit, les hommes sont relativement rares. Les couples ayant émigré ensemble sont peu nombreux. Tous les âges se retrouvent parmi les dames et jeunes filles qui travaillent ici: depuis la collégienne de 19 ans jusqu’à la grand-mère de 65 ans. Mais on peut dire que la tranche d’âge de 25 à 45 ans est la plus représentée. Leurs salaires qui, pour les habitants du territoire, paraissent bien humbles, sont élevés

par rapport à ceux du pays d’origine. Une ancienne directrice d’école secondaire gagne ici, comme cuisinière dans une maison religieuse, quatre ou cinq fois plus que là-bas.

Les problèmes, naturellement, sont nombreux. Avant de quitter leur pays et même lorsque tout se passe normalement, l’obtention d’un emploi, d’un visa, le prix du billet d’avion et les diverses démarches administratives entraînent des frais importants (le gouvernement des Philippines ne demande que 5 000 pesos; mais la note finale s’élève facilement à 30 000, soit environ 8 500 F, ce qui représente l’équivalent de 5 mois de salaire à Hongkong): bien souvent on emprunte sur les futurs salaires.

Ces femmes arrivent donc à Hongkong avec un arriéré de dettes qu’il leur faut régler. Et dès le début de leur séjour, il n’est pas rare qu’elles subissent, de la part de leur famille, de fortes pressions pour qu’elles envoient immédiatement une bonne partie de leur salaire. De plus, à Hongkong, pour des gens qui ont vécu dans la pauvreté et qui, soudain, à la fin de chaque mois, se retrouvent à la tête de sommes à leurs yeux importantes, les tentations sont nombreuses: chaînes d’or, habits, appareilsphoto, radios, etc. font rapidement l’objet de leurs convoitises. Les jeunes découvrent les plaisirs des discos. Des besoins se créent. Si bien que, souvent, les dettes ne font que s’accumuler.

On emprunte à Hongkong (où les taux d’intérêt sont plus bas) pour rembourser au pays, mais aussi pour continuer à envoyer de l’argent à la maison. Souvent, on creuse un trou pour en boucher un autre. On s’adresse alors, de nouveau, à des “banques” privées qui n’hésitent pas, entre autres, à garder le passeport de leurs clientes comme caution: ce qui est tout à fait illégal, mais très courant. Et les soucis financiers s’accumulent.

L’expatriation n’est pas toujours facile. L’éternel sourire des Philippines cache parfois de profondes détresses. Le choc est énorme, à l’arrivée dans cette civilisation hyperurbanisée et par bien des aspects inhumaine de Hongkong. Les problèmes avec les employeurs sont parfois graves. Plongées dans une culture étrangère, ne connaissant pas la langue de l’endroit, elles souffrent de leurs différences et les familles qui les emploient souffrent aussi. Elles sont parfois exploitées, humiliées, battues. Le congé hebdomadaire auquel elles ont droit ne leur est pas toujours accordé. Et bien souvent, elles n’ont aucun recours.

A toutes ces difficultés, s’ajoutent parfois des problèmes familiaux. On a laissé au pays des enfants en bas âge ou adolescents. Les grandsparents s’occupent d’eux. Le père, s’il est là, n’est pas toujours très adroit. Souvent il a du mal à accepter sa propre solitude et il arrive qu’une autre femme entre dans sa vie. Parfois, il se met à boire ou à jouer l’argent si précieux envoyé par son épouse. Celle qui, à Hongkong, travaille dur pour l’entretien de la famille et l’éducation des enfants, finit bien par apprendre la vérité: d’où une crise parfois très difficile.

Il arrive que, brusquement, on décide alors de rompre le contrat et de rentrer aux Philippines, perdant ainsi tous les avantages matériels escomptés. Ou bien on rompt avec le mari infidèle: la famille est brisée. Ne diton pas qu’un tiers des couples ainsi séparés pour cause d’émigration finissent par se désintégrer? Même si le pourcentage paraît exagéré, le problème n’en affecte pas moins de nombreuses familles.

Tout cela, et bien d’autres raisons encore, fait que ces employées des Philippines ont besoin d’une aide spirituelle et morale. Le diocèse de Hongkong a, en 1987, établi pour elles un Centre pastoral. La directrice en est actuellement une soeur du Bon Pasteur déléguée par ses supérieures et nommée par l’évêque de Hongkong. Elle travaille à plein temps au service de ses compatriotes. Plusieurs prêtres et quelques laïcs l’aident dans son apostolat. Les uns et les autres accueillent au 17ème étage du Centre catholique les Philippines en difficulté ou simplement celles qui désirent se retrouver, le samedi et le dimanche, avec leurs amies, pour un repas en commun ou un moment de détente. Un groupe de “conseillères” sont à la disposition de celles qui souhaitent partager leurs problèmes et leurs soucis, qu’il s’agisse de questions d’emploi ou d’autres plus personnelles. Des activités culturelles sont organisées, des sorties les jours de congé. De nombreux groupes de Légion de Marie rassemblent celles d’entre elles qui veulent prier ensemble et mener une activité apostolique. Des cours de Bible sont donnés par un prêtre et un séminariste originaires des Philippines, avec des programmes s’étendant sur quatre mois. Chaque semaine, plusieurs équipes se retrouvent pour un partage de Bible. Ailleurs, six groupes du Renouveau charismatique, dûment approuvés par les autorités, travaillent en liaison étroite avec le diocèse.

Environ 80% de ces émigrées sont catholiques. En grande partie à cause d’elles, en beaucoup de paroisses de la ville, de nombreuses messes dominicales sont célébrées en anglais. Elles s’y retrouvent en compagnie de frères et de soeurs catholiques venus des Etats-Unis, d’Australie ou d’autres pays anglosaxons. En beaucoup d’endroits, elles forment des chorales qui animent les célébrations liturgiques. Chaque année, le deuxième dimanche de janvier, la fête du “Santo Niño” (l’EnfantJésus de Prague) rassemble des foules à l’église St-Joseph.

Ces “paroissiennes” des Philippines, par leur nombre et leur vitalité, ne peuvent passer inaperçues dans la communauté catholique de Hongkong. Après quelques années d’hésitation, une sorte de modus vivendi s’est établi au sein du diocèse par rapport à ces fidèles venues d’ailleurs. Celuici les prend en charge autant qu’il le peut. Les finances du Centre pastoral sont gérées par le diocèse. Cette pastorale à l’égard des Philippins est, en fin de compte, bien intégrée à celle de l’Eglise de Hongkong.

Et qu’en pensent les catholiques du cru? La nature humaine étant ce qu’elle est, il faut bien dire que l’accueil n’est pas toujours ce qu’il devrait être. L’étranger dérange, par sa simple présence. Mais les choses finissent par s’arranger. On en veut comme exemple ce qui s’est passé récemment dans une paroisse de Kowloon. A la demande d’une communauté charismatique, le curé accepta d’organiser chaque dimanche matin une messe en anglais pour ces dames (et quelques messieurs) des Philippines. L’affaire était nouvelle et plusieurs paroissiennes firent savoir qu’elles ne mettraient plus les pieds au presbytère. En fait, elles continuent d’y venir, et les nouvelles arrivées se montrent tellement respectueuses de la communauté qui les accueille, qu’au bout de quelques mois, il n’y a plus aucun problème. Cet exemple tend à montrer que, malgré toutes les difficultés d’assimilation, la communauté catholique de Hongkong est tout de même capable d’accepter ces chrétiens et chrétiennes venus d’ailleurs et d’entrer en communion avec eux.

Il faudrait pouvoir évaluer l’influence des employées de maison philippines sur la société de Hongkong en général. Il est certain que, vivant au sein de familles chinoises non chrétiennes ou de familles d’expatriés qui ne sont plus, ou croient ne plus être chrétiens, les Philippines peuvent témoigner, et de fait témoignent, de leur foi. Certaines d’entre elles exercent une influence profonde sur les enfants dont elles s’occupent.

Il est difficile aussi de savoir quel est, dans cette population, le pourcentage qu’atteint la pastorale diocésaine. Sans doute beaucoup de ces chrétiens et chrétiennes restentils éloignés de l’Eglise. Les foules de “Central” paraissent parfois tellement apathiques et tragiques ! Et il arrive qu’elles deviennent les victimes des sectes venues des Philippines mêmes, et qui travaillent ce milieu somme toute assez malléable.

Il faudrait parler des autres migrants. Ils sont beaucoup moins visibles. Mais les Indiens catholiques, par exemple, sont plusieurs centaines. Parmi eux, on compte des fonctionnaires, des commerçants, mais aussi nombre d’employées de maison. Habitant

autour de Happy Valley dans l’île de Hongkong, ou dans le quartier de Tsim Sha Tsui à Kowloon, ils se retrouvent principalement à l’église St.Margaret et surtout à la chapelle (commune avec les anglicans) du “Mariners” Club”. Aucun apostolat n’est organisé spécifiquement pour eux.

Et il faudrait aussi faire mention des employées de maison qui viennent, de plus en plus nombreuses, de Thaïlande: elles seraient, diton, quelque 6 000.

Les réfugiés vietnamiens

Le 23 décembre 1989, le quotidien “Hongkong Standard” écrivait… au Père Noël: “Nous aimerions que vous donniez aux habitants du Vietnam un avenir leur promettant davantage de sécurité et de prospérité. Depuis des années, ils souffrent sous un régime oppressif et doctrinaire, assistant au déclin suicidaire de l’économie de leur pays. Au point que des milliers de Vietnamiens ne peuvent faire autrement que de s’en aller à la recherche, hors de leur pays, d’une vie meilleure. Ils sont actuellement 40 000 à Hongkong, cherchant désespérément un peu de bonheur. Mais ce petit morceau de territoire, après avoir fait son possible pour s’occuper d’eux, n’en peut plus… Le gouvernement a pris une décision difficile: celle de renvoyer chez eux de force les Vietnamiens à qui l’on ne pouvait reconnaître le statut de réfugiés. Personne dans le monde n’a eu envie de rire. Hongkong a souffert et continuera de souffrir pour un péché appelé pragmatisme”.

L’Eglise catholique à Hongkong est très consciente du problème que pose au gouvernement et à la société en général la présence sur le territoire de plusieurs dizaines de milliers de boatpeople. Depuis que l’exode vietnamien a commencé, Hongkong a été un lieu de refuge privilégié pour ces gens qui laissaient tout et risquaient leur vie pour trouver la liberté. Le gouvernement a vraiment beaucoup fait pour eux. Mais certaines années, il s’est trouvé débordé, comme en 1989 qui a vu débarquer quelque quarante mille “réfugiés”. Depuis le 16 juin 1988, un système de tri a été établi afin de déterminer qui, parmi les nouveaux arrivants, est vraiment réfugié et serait en danger s’il était renvoyé dans son pays. Le système fonctionne, mais est loin

de donner satisfaction aux intéressés, pas plus qu’aux divers organismes qui s’occupent d’eux. Des critiques très vives ont été formulées, accusant les fonctionnaires dont c’est le rôle de procéder aux interrogatoires, de ne pas vraiment prendre toutes les précautions voulues pour que les vrais réfugiés soient reconnus. Il y a un problème de langue et les interprètes ne sont pas toujours à la hauteur. On a parfois tendance à passer vite, ou à ne pas trop écouter ce que les intéressés ont à dire. On a même prétendu que les réponses notées sur les questionnaires ne correspondaient pas toujours à ce qui avait été dit en réalité. Les camps où sont regroupés ces milliers de boatpeople sont euxmêmes la source de nombreux problèmes causés par la surpopulation, la promiscuité, le fait que sont réunis des groupes ayant appartenu, au Vietnam, à des régions rivales: de véritables petites guerres se déclenchent régulièrement et elles font parfois des morts. La police est fréquemment obligée d’intervenir ou de procéder à des fouilles sévères, qui, chaque fois, permettent de découvrir de nombreuses armes de fabrication artisanale. Les habitants de Hongkong, surtout ceux qui vivent à proximité des camps, ont atteint, en beaucoup de cas, le seuil de tolérance. Depuis quelques années, on constate un phénomène de rejet. Là où les réfugiés peuvent sortir de leurs camps et travailler à l’extérieur, les relations ne sont pas toujours bonnes avec les gens du cru et on trouve des malfaiteurs aussi parmi eux. Les réactions se font très vives et l’on assiste à des manifestations de refus confinant parfois à la haine.

L’Eglise catholique essaie de participer à l’effort général en faveur de ces personnes déplacées. “Caritas” a ouvert plusieurs centres d’aide aux réfugiés vietnamiens. Des secours matériels leur sont apportés. Noël est entre autres une occasion de marquer la solidarité des chrétiens à l’égard de ces frères souffrants. Sur le plan pastoral, une commission diocésaine a été formée, présidée par le P. JB.Tsang, vicaire général, auquel se joignent plusieurs prêtres et laïcs. Les prêtres se partagent les visites dans les camps, où l’on compte bon nombre de catholiques. Un centre d’accueil fonctionne dans les Nouveaux Territoires, dirigé par le P. Le Van Thang,m.e.p. Les réfugiés qui ont la

permission de sortir de leurs camps, et se préparent à rejoindre leur pays d’accueil, viennent volontiers rendre visite au prêtre et à ses adjoints. Ils y reçoivent des cours d’anglais, de cantonnais. Et les invités ne manquent pas d’apprécier la cuisine vietnamienne.

Les choses ne sont pas forcément toujours faciles pour ceux qui travaillent au service de ces boatpeople. Ainsi, l’année dernière, le P. Thang s’estil vu retirer son permis

d’entrer dans les “camps de détention” où sont regroupés les Vietnamiens qui n’ont pas obtenu le statut de réfugiés. On le soupçonnait d’avoir une influence néfaste sur ses compatriotes.

L’Eglise de Hongkong essaie non seulement d’aider, mais aussi de mettre en oeuvre les préceptes de l’Evangile. La Commission diocésaine “Justice et paix” n’a pas manqué de joindre sa voix à celle de diverses instances internationales, lorsque, par exemple, en décembre 1989, le gouvernement ordonna le rapatriement forcé d’une cinquantaine de Vietnamiens, dont la plupart étaient des femmes et des enfants. De son côté, le Cardinal Wu, au cours du dernier trimestre de 1989, envoyait à tous les évêques du monde une lettre dans laquelle il mentionnait, parmi d’autres, ce problème des réfugiés et demandait à ses confrères dans l’épiscopat d’exercer toute l’influence possible

sur leurs gouvernements respectifs, afin que ce problème international puisse trouver une solution au plan international. De nouveau, sa lettre pastorale de Noël 1989 consacrait une large part à ces hommes et à ces femmes dont certains vivent depuis des années entre les barbelés. L’évêque de Hongkong appelait les chrétiens et tous les hommes de bonne volonté à ouvrir leur coeur.

DE QUOI DEMAIN SERA-T-IL FAIT ?

Retour à la patrie chinoise – Départs

Depuis 1984, Hongkong vit dans l’attente du jour, le 1er juillet 1997, où il retrouvera sa place au sein de la mère patrie chinoise. Vu du côté de la Chine, ce retour est considéré comme un retour à la normale: les “traités infâmes” vont enfin être abolis. La Chine, qu’il s’agisse de la Chine impériale ou de la Chine communiste, n’a, en fait, jamais accepté la cession de Hongkong à la GrandeBretagne. Les accords du siècle dernier lui avaient été imposés: 1997 ne fera que remettre les choses en place. Il en sera d’ailleurs ainsi, en 1999, pour l’enclave portugaise de Macao. Et il faudra bien qu’un jour ou l’autre c’est du moins ce qu’on dit à Beijing la “province” de Taiwan retrouve sa place dans la communauté nationale. Le “Hongkong Standard” du 1er avril 1990 rapporte d’ailleurs les réactions de plusieurs membres encore vivants de l’ancienne famille impériale. “La récupération de Hongkong montre la puissance de la Chinedisent deux descendants de la dynastie Qing. Quant au propre frère du “dernier empereur”, il commente: “La cession de Hongkong à la GrandeBretagne, il y a 148 ans, fut une honte historique. Son rattachement à la Chine, dans sept ans, sera comme le retour à la maison d’un enfant qui avait été kidnappéEt c’est bien comme cela que la Chine considère l’échéance de 1997: la honte va enfin pouvoir être lavée, les “compatriotes” de Hongkong vont enfin retrouver leur pays.

Les accords sinobritanniques signés le 20 décembre 1984 prévoyaient qu’une “Loi fondamentale” serait établie. Elle servirait de “miniconstitution” au territoire, que Beijing s’engageait à laisser, pendant cinquante ans, poursuivre son destin dans la voie capitaliste à laquelle il est habitué, selon le principe “Un pays, deux systèmes”. La Loi fondamentale, dont la rédaction a été terminée le 16 février 1990 fut, le 4 avril, approuvée et promulguée, sans le moindre changement, par l’Assemblée nationale populaire.

Depuis qu’il existe, Hongkong a toujours vécu dans la hantise d’une invasion chinoise. Les accords de 1984 n’ont pas forcément supprimé cette crainte: on a simplement appris que, les choses suivant leur cours normal, la passation des pouvoirs se ferait en principe sans heurt. Mais la peur subsiste. Elle ne cesse de grandir. Beaucoup abandonnent maison, amis, travail, pour chercher refuge à l’étranger. Hongkong a toujours été un lieu de passage. Immigration, émigration ont toujours été un phénomène connu. Mais les départs ont tendance à augmenter rapidement. 1984 en avait vu 20 000. On s’attend à ce que le chiffre dépasse 55 000 pour 1990. Et encore certains trouventils ces chiffres trop bas. On prévoit que, entre 1989 et 1996, 427 000 personnes auront quitté le territoire (16). L’université chinoise de Hongkong s’attend à perdre 25% de son corps enseignant avant la fin de 1995. Au moins la moitié des médecins partiront avant 1997 (certains disent 90%!). 50% des vétérinaires prévoient d’émigrer (17). Dans la police, en 1989, 9,1% des nouvelles recrues ont préféré démissionner au bout d’un an (18). Les écoles manquent d’enseignants qualifiés (19). D’après une récente enquête, sur 1 730 enseignants catholiques interrogés, 13% ont l’intention d’obtenir une nationalité étrangère et 23% prévoient d’émigrer, purement et simplement, avant 1997 (20). Certains quittent leur profession pour apprendre un nouveau métier, ce qui leur permettra, espèrentils, de trouver plus facilement du travail à l’étranger. A l’inverse, le “Hongkong Standard” du 2 mars 1990 titrait: “Australia on shopping trip for teachers” (“L’Australie sur le marché aux enseignants”): un représentant de l’université de la NouvelleGalles du Sud était à Hongkong pour recruter 60 professeurs (de mathématiques, de sciences, etc.). Quelques jours plus tard, une exposition était organisée par le même pays afin d’informer les étudiants sur ce qu’ils pourraient éventuellement y trouver pour leur formation. Presque chaque jour, les journaux annoncent les conditions financières imposées par tel ou tel pays pour l’obtention d’un passeport. Certains proposent même des facilités de paiement; ainsi Tonga (21): les candidats à l’immigration devraient faire un premier versement de HK$ 20 000 et ensuite payer HK$ 2 000 par mois pendant trois ans. Cela leur permettrait d’acquérir le droit d’immigrer, au cas où les choses tourneraient mal après 1997.

Hongkong, disent ceux qui le connaissent, n’a pas changé, du moins en surface. Les magasins débordent toujours de marchandises; les routes sont plus encombrées que jamais; on s’écrase toujours autant dans le métro; on vole toujours avec autant d’enthousiasme sa place dans les files d’attente; les touristes, dont le nombre avait bien diminué après les événements du 4 juin 1989 à Beijing, sont en bonne partie revenus. Les buildings continuent à monter, de plus en plus haut.

En fait, disent les mêmes, des changements importants commencent à se faire sentir. La fièvre de l’argent a augmenté. Beaucoup cherchent à saisir une dernière chance de s’enrichir avant 1997. On dit qu’un building est amorti en cinq ans: attendons 1992. Nous verrons alors si les constructions continuent. Les habitants du territoire “ont toujours pensé à court terme. Ils ont toujours su que cet endroit reviendrait un jour à la Chine”, dit le professeur Wang Gungwu, vicechancelier de l’université de Hongkong (22).

On cherche à “se faire un bon paquet” avant de partir, par tous les moyens. Sur les champs de course, on n’a jamais parié aussi gros. Le samedi 23 juin 1990, pour le dernier jour de la saison, 63 000 personnes ont “investi” la valeur de 710 millions de nos francs (population totale du territoire: moins de 6 millions). Pour 198990, en moyenne par habitant, on a joué l’équivalent de 5 920 francs. Mais, selon les statistiques du Jockey Club, 1,8 million de personnes “seulement” parient aux courses, ce qui fait une moyenne annuelle d’environ 19 120 francs par joueur (23).

Les media rapportent de plus en plus de vols à main armée, souvent assortis de meurtres, dont les auteurs sont de plus en plus jeunes (24). Et d’après une récente enquête, 13% des écoliers de 12 à 18 ans seraient en relation avec des syndicats du crime. Explication donnée par un officier de police: un certain désespoir, lié à une diminution du sens moral, fait qu’on est prêt à jouer le tout pour le tout, pour “gagner” le plus possible.

L’institution famille souffre elle aussi. Tel employé installe femme et enfants aux EtatsUnis ou en Australie. Il compte sur eux pour obtenir, dans l’avenir, un changement de nationalité. Luimême a gardé son travail à Hongkong, où son salaire est intéressant. Il fait constamment l’allerretour entre Hongkong et son pays d’élection. Mais la fatigue ne tarde pas à se faire sentir: fatigue physique, psychologique, émotionnelle. Ceux qui ont émigré souffrent eux aussi: de la séparation, du traumatisme causé par l’expatriation, des difficultés rencontrées dans leur nouveau pays. L’unité de la famille est gravement menacée. Autre phénomène de plus en plus fréquent: les responsables de maisons d’accueil pour vieillards s’aperçoivent parfois que certains de leurs pensionnaires ne reçoivent plus aucune visite de leur famille. Une enquête rapide leur apprend alors que tous les enfants sont partis, laissant le vieux papa, la maman âgée, à son triste sort (23). Le nombre des suicides parmi les vieillards a augmenté de manière inquiétante (26). Hongkong, comme tout autre pays, a son lot d’enfants retardés ou handicapés. Telle famille, qui a obtenu un permis de résidence permanent à l’étranger, se voit au dernier moment refuser l’entrée dans son pays d’adoption. Raison: on ne peut accepter un enfant handicapé. La famille se trouve alors placée devant un choix difficile: fautil renoncer à partir? Dans ce cas, on risque de compromettre l’avenir des autres enfants. Fautil laisser l’enfant handicapé dans une maison spécialisée? Mais les places sont rares. Et puis, cela ressemble tellement à un abandon d’enfant ! Parfois la mère laisse partir le reste de la famille: tant que l’âge et la santé le lui permettront, elle demeurera au service de celui qui ne peut émigrer. Même lorsque personne n’a été laissé en arrière, les cas ne sont pas rares de familles dispersées à travers le monde.

L’émigration, qui, on l’a dit plus haut, est un phénomène constant à Hongkong, continue, mais en augmentant et avec une différence: désormais, ce sont les financiers, les entrepreneurs, les intellectuels, qui partent, et non plus seulement les petits marchands en quête d’un meilleur sort outremer.

Qu’en est-il des catholiques ?

D’après le P. JB.Tsang, vicaire général, si l’on considère que les catholiques forment plus ou moins 5% de la population totale et que le phénomène de l’émigration les affecte de la même manière que les autres habitants du territoire, il faut s’attendre à voir partir 2 500 d’entre eux cette année. Toutes les paroisses ne sont pas affectées de la même manière. En raison de la tendance constatée plus haut, ce sont les paroisses

les plus riches, St.Margaret dans l’île de Hongkong, St.Theresa et Rosary Church à Kowloon, par exemple, qui perdent le plus de monde. Mais les autres connaissent aussi des départs. Ainsi la “quasiparoisse” NotreDame, près du quartier de Hong Hum, à

Kowloon, perdelle en moyenne une famille par semaine. La paroisse du SaintEsprit, sur Waterloo Hill, a vu partir plus d’une demidouzaine de familles au cours des six premiers mois de l’année.

Les chiffres manquent pour donner une idée exacte du problème. D’après le P. Lawrence Lee, chancelier du diocèse, beaucoup des partants sont de jeunes couples aux environs de la trentaine. Il s’agit pratiquement toujours de gens possédant un bagage intellectuel appréciable. On trouve beaucoup d’enseignants, y compris des directeurs d’écoles.

Les autorités diocésaines sont donc très conscientes du problème. Dès le 27 juillet 1989, au nom du Cardinal Wu, le P.Lee envoyait à toutes les paroisses et maisons religieus