Eglises d'Asie – Birmanie
Changement de stratégie vis-à-vis des minorités ethniques
Publié le 18/03/2010
Plutôt que de lancer des offensives militaires qui jusqu’ici n’ont pu neutraliser les insurgés, le gouvernement a mis au point une nouvelle stratégie qui pourrait s’avérer plus efficace. Des émissaires sont envoyés par Rangoon – et parmi eux des représentants de l’Eglise baptiste fortement implantée dans les minorités – pour proposer un « marché » aux chefs rebelles. A condition que ceux-ci promettent de ne pas attaquer les troupes gouvernementales, les autorités de Rangoon s’engagent de leur côté à suspendre les hostilités, à ne pas désarmer les rebelles qui pourront ainsi garder le contrôle des territoires qu’ils occupent, et se livrer sans crainte à des activités pacifiques. De plus, les autorités se déclarent prêtes, si la trève est respectée, à proposer des concessions d’ordre politique, et des plans de développement régional auxquels s’intéressent déjà diverses organismes patronnés par les Nations Unies.
Des accords ont déjà été conclus avec plusieurs formations en lutte contre le pouvoir central. C’est le cas, à la frontière chinoise, pour l’Etat Chan qui se trouve « pacifié » tout entier depuis que, le 23 avril 1991, 4 000 hommes des ethnies Chan, Kachin, Pa-O, Wa et Palaung ont suspendu leurs actions militaires.
Le respect des accords conclus n’est certes pas garanti, mais le gouvernement a cru pouvoir retirer plusieurs de ses régiments de cette zone pour les affecter à d’autres endroits névralgiques. Quatre adversaires importants ne sont pas encore convaincus: la majeure partie de l’Armée de l’indépendance kachin, l’Union nationale karen, le Parti du nouvel Etat mon, et le Front démocratique des étudiants panbirmans, dont les unités s’étalent le long de la frontière thaïlandaise et dans l’Etat kachin. Dans ce dernier, on est encore loin d’un cessez-le-feu; dans le courant du mois d’avril 1991, une vingtaine de villages ont été attaqués et détruits par l’armée gouvernementale, et leurs habitants rassemblés dans des colonies stratégiques proches des villes contrôlées par le gouvernement. Dans le même temps, des offres de paix et de collaboration étaient faites aux commandants des troupes rebelles non engagées dans les combats.
Quoi qu’il en soit de cette nouvelle stratégie, il ne semble pas qu’une solution d’ensemble au problème des minorités puisse être envisagée pour le moment. Le « Conseil national pour la restauration de la loi et de l’ordre », qui gère toujours les affaires de l’Etat est parvenu à les détourner, temporairement du moins, de leurs opérations militaires. La junte militaire leur fait entrevoir des possibilités d’autonomie, mais pour plus tard, parce que le Conseil, « administrateur militaire provisoire, ne peut modifier la Constitution: il faudra donc attendre qu’un gouvernement civil soit en place »… Entre-temps, on renforce les effectifs de la « défense nationale »: des 190 000 officiers et soldats qu’elle comprenait en 1988 lors du soulèvement prodémocratique, elle en compte
aujourd’hui 280 000 et passera sans doute à 300 000 à la fin de l’année. De nouveaux régiments sont créés, formés de jeunes recrues, et le but avoué serait d’atteindre les 500 000 hommes le plus tôt possible: on ne prévoit pas de difficultés pour l’équipement, mais il y aurait pénurie de personnel d’encadrement pour les jeunes engagés.